Sophie Coisne | 09.04.2019
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« Puisque vous ne pouvez pas interdire [les écrans], accompagnez. » Cette maxime, citée par le psychiatre Serge Tisseron pour illustrer la position actuelle de l’Académie américaine de pédiatrie vis-à-vis des écrans, semble être la position désormais adoptée par l’Académie des sciences, l’Académie nationale de médecine et l’Académie des technologies. Les trois sociétés savantes viennent de lancer un « appel à une vigilance raisonnée sur les technologies numériques ».
Elles recommandent ainsi, chez les enfants de moins de trois ans, de « ne pas mettre à disposition des enfants laissés seuls les écrans sous toutes leurs formes ». Pour les enfants de 3 à 10 ans, le temps dédié aux écrans doit être « ritualisé (…) afin d’apprendre à l’enfant à attendre » et doit privilégier « les écrans partagés et accompagnés aux écrans solitaires ». Après 10 ans, « il importe que les parents maintiennent un dialogue positif sur l’utilisation des écrans et restent attentifs aux symptômes de fatigue ». Enfin, une ultime recommandation est faite aux parents : celle de modérer leur propre usage des outils numériques. De fait « le rôle du modèle parental est essentiel dans le développement des addictions », note le psychiatre Jean Adès.
On le voit, les parents sont particulièrement ciblés par les sages qui considèrent qu’il faut cesser d’user des écrans comme de « calmants ». « L’arrivée d’un enfant n’est pas qu’un heureux événement, observe le pédopsychiatre Bruno Falissard. Quand on est fatigué, mettre un enfant devant la télévision soulage. Le faire beaucoup est un problème. »
En cause : la limitation des interactions entre le tout-petit et les parents. « Les enfants apprennent très tôt les bases de la communication non verbale, sans que l’on s’en rende compte, continue le pédopsychiatre. Lorsqu’on est avec un jeune enfant et qu’on envoie des SMS, il le perçoit. Il faut que les jeunes parents soient vraiment avec leurs enfants : quand ils donnent le biberon, ils n’envoient pas de tweets. » Aucune preuve scientifique ne permet à l’heure actuelle de savoir si l’exposition des parents aux écrans aurait un effet sur les jeunes enfants.
Néanmoins, « il existe un signal », estime Bruno Falissard, une « crainte » fondée sur des observations de terrain et qui nécessiterait d’être explorée rigoureusement.
Serge Tisseron insiste : beaucoup de pré-ados et d’ados vont bien et semblent bien gérer leur temps d’écran. Toutefois, les inégalités sociales sont un paramètre important à prendre en compte dans le rapport des enfants et des adolescents aux écrans : « Les enfants issus de milieux défavorisés ont une double peine : ils ne sont pas accompagnés dans leur découverte d’Internet » et sont davantage exposés : moins grande variété de réseaux et surexposition du corps.
Pour le psychiatre, il faut accentuer le rôle préventif de l’école vis-à-vis du mésusage des écrans et aider davantage les parents. Le chronobiologiste Yvan Touitou évoque l’idée d’une « école des parents » où les caractéristiques du sommeil des enfants, méconnues des parents seraient enseignées. De fait, « le mésusage des écrans a conduit les enfants à perdre 50 minutes de sommeil par nuit ces dernières années. 30 % des ados ont une dette de sommeil. (…) Il faut établir un consensus autour de l’usage des écrans dès le plus jeune âge, explique Yvan Touitou. Arrêter les écrans le soir et ne pas les avoir dans la chambre ».
Source : Lequotidiendumedecin.fr