http://www.jim.fr/e-docs/00/02/B2/0F/carac_photo_1.jpg Publié le 15/03/2019

Les ventes de testostérone dans le monde ont été multipliées par 12 entre 2000 et 2011. Elles sont loin de correspondre toujours à des prescriptions médicalement justifiées. L’usage des stéroïdes anabolisants, confiné dans les années 70 à certaines catégories de personnes soucieuses d’améliorer leurs performances sportives, s’est répandu dans la population générale. Aux États-Unis, 6,4 % des hommes disent avoir pris de la testostérone au moins une fois dans leur vie.

Cette utilisation en dehors des indications médicales n’est sans doute pas anodine. De nombreux travaux ont montré un lien entre la prise de testostérone et les maladies cardiovasculaires. De nombreux biais (obésité, comorbidités) doivent toutefois inciter à une certaine prudence vis à vis de ces résultats.
 
Développée depuis 2003, la randomisation mendélienne est devenu un outil essentiel de recherche épidémiologique, permettant d’éliminer les biais difficiles à contrôler. Les patients ne sont pas randomisés en fonction de leurs caractéristiques cliniques mais selon qu’ils sont ou non porteurs de variants génétiques associés à l’élément analysé, ici le taux de testostérone endogène. Deux variants génétiques ont été identifiés comme associés à ce taux (JMJD1C et SHBG). Pour clarifier le lien entre la testostérone et les pathologies cardiovasculaires, une équipe du Royaume-Uni a mené une étude par randomisation mendélienne en partant de 2 groupes de patients selon la présence de ces variants.

Augmentation du risque thromboembolique, d’insuffisance cardiaque, d’infarctus myocardique

Sur une cohorte de près de 400 000 femmes et hommes, les hommes porteurs d’un variant de la région JMJD1C ont un risque supérieur de pathologie thromboembolique (Odds Ratio OR 2,09 ; intervalle de confiance à 95 % IC 1,27 à 3,46), d’insuffisance cardiaque (OR 7,81 ; IC 2,56 à 23,8) et, dans une moindre mesure, d’infarctus myocardique (OR 1,37 ; IC 1,03 à 1,82). La relation est moins évidente chez les femmes. En revanche, la présence d’un variant dans la région SHBG ne semble pas associée à aucune des pathologies étudiées.

D’un point de vue clinique, ces résultats suggèrent que la testostérone pourrait avoir un rôle dans le risque thromboembolique, d’insuffisance cardiaque, et peut-être d’infarctus myocardique. Cela apporte des arguments supplémentaires pour les mises en garde émises par les autorités sanitaires au sujet des traitements par testostérone.

Les auteurs suggèrent de vérifier que les traitements destinés à faire baisser le taux de testostérone endogène pourraient avoir un effet préventif sur le risque cardiovasculaire. Reste aussi à comparer les effets respectifs de la testostérone endogène et exogène.

Dr Roseline Péluchon

RÉFÉRENCES : Luo S et coll. : Association of genetically predicted testosterone with thromboembolism, heart failure, and myocardial infarction: mendelian randomisation study in UK Biobank. BMJ 2019;364:l476

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