mardi 2 juillet 2019
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Jean Claude Lemaire 27 juin 2019
Suède —Le fait d’être en surpoids, même de façon modeste, en fin d’adolescence chez les garçons s’accompagne d’une augmentation de la probabilité de développer une cardiomyopathie à l’âge adulte, selon une vaste étude menée en Suède et publiée dans Circulation[1].
« Nous nous sommes intéressés aux cardiomyopathies parce que les hospitalisations pour insuffisance cardiaque en relation avec cette atteinte cardiaque historiquement peu fréquente ont doublé en Suède entre 1987 et 2006 », a déclaré Annika Rosengren, dernier auteur de l’article et cardiologue au CHU Sahlgrenska de Göteborg (Suède).
Ce travail a été possible en raison de deux particularités suédoises, d’une part la tenue irréprochables de divers registres en particulier sanitaires qui servent d’ailleurs de base à de recherches de nature épidémiologiques, d’autre part la persistance d’un service militaire obligatoire (à l’exception de la courte période 2010-2017).
Registre scandinave
Les investigateurs ont pris en compte les données relatives à la taille, au poids et à la condition physique générale consignées dans un registre correspondant aux 1 668 893 sujets masculins enrôlés dans le service militaire obligatoire entre 1969 et 2005, alors qu’ils avaient 18 ou 19 ans (moyenne 18,3 ans).
Ces données ont été croisées avec celles du registre national des hospitalisations et du registre des causes de décès, dans lesquels les investigateurs ont repéré les sujets ayant développé ultérieurement une cardiomyopathie dans le cadre d’un suivi médian de 27 ans et pouvant aller au maximum jusque 46 ans (de 1969 à 2015).
Forte corrélation entre IMC et cardiomyopathie
Un diagnostic de cardiomyopathie a été porté au total chez 4 477 sujets, à un âge moyen de 45,5 ans. La cardiomyopathie était dilatée dans 59% des cas, hypertrophique dans 15% des cas et toxique (alcool, drogues) dans 11% des cas.
Les résultats indiquent que les hommes maigres à 18 ans (IMC < 20 kg/m2) ont le plus faible risque ultérieur de cardiomyopathie et que l’augmentation de l’IMC est très fortement corrélée à l’augmentation de la probabilité de diagnostic ultérieur de cardiomyopathie (essentiellement la forme dilatée) et cela alors même que les valeurs d’IMC sont encore comprises dans les limites de la normale (22,5 à 24,9 kg/m²).
Forte majoration à partir d’un IMC de 22,5 kg/m²
Pour cette tranche de valeurs normales d’IMC et par rapport à la tranche 18,5 à 19,9 kg/m², le rapport des risques relatifs est déjà majoré de 38%, [HR (IC 95%) : 1,38 (1,22-1,57)]. Et il est plus qu’octuplé pour les individus dont l’IMC initial était ≥ 35 kg/m2.
Chaque augmentation d’une unité de l’IMC va de pair avec une majoration du ratio des risques relatifs de l’ordre de 10 à 15% en moyenne, HR (IC 95%) de 1,15 (1,14-1,17) pour la forme dilatée, de 1,09 (1,06-1,12) pour la forme hypertrophique et de 1,10 (1,06-1,13) pour la forme toxique.
Et maintenant ?
L’incidence des cardiomyopathies étant particulièrement bas, il est possible que la corrélation avec l’IMC en fin d’adolescence ait pu être méconnue jusqu’ici faute d’études ayant la puissance statistique suffisante et la duplication des résultats par d’autres a peu de chances de voir le jour. « Je ne connais pas d’autres bases de données suffisamment volumineuses pour permettre une étude comparable », avoue le Dr Rosengren qui avance cependant que « les résultats de cette étude s’appliquent probablement aux hommes du monde entier, y compris aux États-Unis » mais reconnaît bien volontiers que « d’autres études devraient déterminer si ethnie ou race modulent la façon dont le poids corporel à l’adolescence influence le développement ultérieur de cardiomyopathie. Nous ne savons pas non plus si ces résultats s’appliquent ou non aux femmes ».
Les résultats de cette étude s’appliquent probablement aux hommes du monde entier, y compris aux États-Unis Dr Annika Rosengren
Prévention en vue
Le design de cette étude ne permet en aucun cas de conclure à une relation de cause à effet, mais il a l’immense mérite de revenir sur l’idée solidement ancrée que les cardiomyopathies sont essentiellement d’origine génétique. Les résultats présentés pointent du doigt un rôle très probable de l’obésité, facteur sur lequel il est possible d’agir en modifiant ses habitudes et son comportement. Cela conforte l’importance qu’il faut accorder au contrôle du poids des adolescents puisque l’obésité semble être à l’origine d’un remodelage cardiaque délétère indépendant qui vient s’ajouter à celui engendré par l’ischémie cardiaque chez l’adulte.
« L’importance cruciale du contrôle du poids chez les jeunes est renforcée par ces nouveaux résultats », concluent les auteurs.
Les auteurs n’ont pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet.
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Citer cet article: Du surpoids à l’adolescence à la cardiomyopathie à l’âge adulte – Medscape – 27 juin 2019.