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Becky McCall – 7 novembre 2023
Diabète de type 2 : certains médicaments d’usage courant liés à des arrêts cardiaques (medscape.com)
Hambourg, Allemagne – L’utilisation de certains antibiotiques et antipsychotiques augmente le risque d’arrêt cardiaque chez les personnes atteintes de diabète de type 2 qui n’ont pas d’antécédents de maladie cardiovasculaire (MCV), selon la première analyse de ce type réalisée à partir de données de soins primaires en situation réelle.
Les personnes atteintes de diabète de type 2 qui n’ont pas d’antécédents de maladie cardiovasculaire courent un risque presque trois fois plus élevé d’arrêt cardiaque si elles prennent des antipsychotiques et un risque presque deux fois plus élevé si elles prennent certains antibiotiques qui allongent l’intervalle QT, notamment les macrolides et les fluoroquinolones.
« Ces données montrent que des médicaments couramment prescrits – les antipsychotiques, utilisés par environ 3 % des personnes atteintes de diabète de type 2, et les antibiotiques, pris par 5 à 10 % d’entre elles, entraînent un risque accru d’arrêt cardiaque chez les personnes sans antécédents de maladie cardiovasculaire », a déclaré le Dr Peter Harms qui a présenté l’étude lors du congrès annuel 2023 de l’ Association européenne pour l’étude du diabète (EASD) (abstract 172).
La dompéridone, un médicament contre la nausée, est un autre médicament associé à une augmentation du risque de mort subite chez les patients diabétiques.
« Ces médicaments pourraient probablement être évités dans certains cas, et les médecins généralistes devraient être plus conscients des conséquences potentielles de leur utilisation », a-t-il ajouté.
« Si le patient souffre de diabète de type 2, il est peut-être préférable d’éviter certains de ces médicaments et d’essayer de s’en passer, ou au moins de trouver un antibiotique alternatif. »
Le Dr Harms, un épidémiologiste des Centres médicaux universitaires d’Amsterdam (Pays-Bas), a souligné que leur étude était unique dans la mesure où les enquêteurs se sont appuyés sur des données de soins primaires. « Ces données sont très complètes et nous avons trouvé un grand nombre d’associations qui sont très réelles. »
La mort subite est associée à 50 % de tous les décès liés à des troubles cardiaques et représente 20 % de l’ensemble de la mortalité dans les pays à revenu élevé. Parmi les personnes qui font un arrêt cardiaque, 80 % en décèdent.
« L’arrêt cardiaque est difficile à prédire parce qu’il est soudain, en particulier chez les personnes qui n’ont pas d’antécédents de maladie cardiovasculaire », a souligné le Dr Harms lors d’une interview accordée à l’édition américaine de Medscape. Il a souligné que « environ la moitié des personnes qui font un arrêt cardiaque, souvent âgées de 40 à 60 ans, n’ont jamais consulté de cardiologue, mais beaucoup d’entre elles souffrent d’un diabète de type 2 ».
« Nous devons parvenir à mieux comprendre comment reconnaître les personnes présentant un risque de mort subite, savoir qui surveiller et comment prévenir ces événements », a-t-il souligné.
La Dre Vladimira Fejfarova a co-modéré la session et commenté l’étude. « D’un point de vue clinique, il est nécessaire d’évaluer les facteurs de risque qui peuvent contribuer à l’arrêt cardiaque. »
Dans l’ensemble, les chercheurs ont constaté que chez les personnes atteintes de diabète de type 2 qui n’ont pas d’antécédents de MCV, l’hypoglycémie, l’hypertension sévère, la dyslipidémie et l’utilisation de médicaments allongeant l’intervalle QTc sont associées au risque de mort subite.
Chez les personnes atteintes de diabète de type 2 et de MCV, l’albuminurie et l’insuffisance cardiaque sont associées au risque d’arrêt cardiaque.
La Dre Fejfarova a ajouté : « Dans le cas du diabète de type 2 et du diabète de type 1, nous devons examiner de plus près les effets indésirables, en particulier lors du traitement des infections par les macrolides, mais aussi des infections mycosiques, car on sait que les médicaments antimycosiques influencent les intervalles QT, ce qui pourrait contribuer à la survenue brutale d’un arrêt cardiaque. »
« Nous devons être plus prudents lorsque nous prescrivons certains antibiotiques présentant ces effets secondaires à nos patients diabétiques », a affirmé la Dre Fejfarova, du Centre du diabète à l’Institut de médecine clinique et expérimentale de Prague (République tchèque).
Détails de l’étude
A l’origine, le chercheur néerlandais a décidé d’étudier la population des personnes atteintes de diabète de type 2 parce que leur risque de mort subite est environ deux fois plus élevé que celui des personnes non atteintes de diabète de type 2.
Comme ces patients sont suivis relativement souvent par des médecins généralistes, le Dr Harms s’est tourné vers des bases de données de soins primaires qui contenaient des informations complètes et relativement régulières sur les indicateurs de risque.
Des associations longitudinales entre les caractéristiques cliniques de 3 919 patients atteints de diabète de type 2 – avec ou sans antécédents de maladie cardiovasculaire – et l’arrêt cardiaque (689 patients au total) ont été déterminées.
Les cas ont été trouvés dans le registre AmsteRdam REsuscitation STtudies (ARREST) des tentatives de réanimation extrahospitalière par les services médicaux d’urgence dans la région néerlandaise de Noord-Holland de 2010 à 2019.
Les patients cas ont été appariés à un maximum de cinq patients témoins. Le groupe témoin était composé de personnes atteintes de diabète de type 2 qui n’avaient pas fait d’arrêt cardiaque. Les patients témoins provenaient des mêmes cabinets de soins primaires et étaient d’âge et de sexe similaires.
Les mesures cliniques, y compris les relevés de tension artérielle et de glycémie, la prise de médicaments et les antécédents médicaux au cours des cinq années précédant l’arrêt cardiaque, ont été obtenus à partir des dossiers des médecins généralistes. Une analyse multivariable a été réalisée et les résultats ont été stratifiés pour les personnes avec et sans antécédents de MCV.
Les médicaments qui interfèrent avec la fonction cardiaque, y compris certains médicaments prokinétiques, antibiotiques et antipsychotiques, ont suscité un intérêt particulier. Tous ces médicaments sont connus pour être associés à une modification de l’allongement de l’intervalle QTc. Les exemples incluent la dompéridone (procinétique allongeant l’intervalle QTc), les macrolides et les fluoroquinolones (antibiotiques allongeant l’intervalle QTc), et l’halopéridol (antipsychotique allongeant l’intervalle QTc).
Antibiotiques et antipsychotiques contribueraient aux arrêts cardiaques survenant chez les diabétiques de type 2
Les patients faisant un arrêt cardiaque et les patients témoins étaient similaires en termes d’âge, de taux d’HbA1c et d’autres caractéristiques, à l’exception du fait que davantage de patients qui ont été victimes d’un arrêt cardiaque avaient des antécédents de MCV (40,0 % vs 29,4 %).
« Si l’on examine les associations dans la population globale, l’utilisation d’insuline était fortement associée au risque d’arrêt cardiaque [hazard ratio (HR), 2,38] et il s’agissait peut-être d’un indicateur de la sévérité du diabète de type 2 », a remarqué Harms. « De même, sans surprise, les antécédents d’arythmie [HR, 1,68] et, de façon plus surprenante, l’utilisation de médicaments procinétiques [HR, 1,66 ; IC 95 %, 1,20-2,31], en particulier ceux connus pour allonger l’intervalle QTc, ont été associés à l’arrêt cardiaque. »
Parmi les personnes ayant fait un arrêt cardiaque et n’ayant pas d’antécédents de MCV (337 patients cas/2 023 patients témoins), l’utilisation d’antipsychotiques allongeant l’intervalle QTc était associée à l’arrêt cardiaque avec un risque relatif de 2,87, et l’utilisation d’antibiotiques était associée à l’arrêt cardiaque avec un HR de 1,66.
Un faible taux de glucose à jeun (<4,5 mmol/mol) était associé à l’arrêt cardiaque avec un HR de 2,5 ; une pression artérielle systolique très élevée (>180 mm Hg) était associée à l’arrêt cardiaque avec un HR de 2,21 ; un faible taux de cholestérol HDL, avec un HR de 1,35 ; et un taux élevé de cholestérol LDL (>2,6 mmol/L), avec un HR de 1,64.
Chez les personnes ayant des antécédents de MCV (352 patients cas/1 207 patients témoins), les associations entre l’albuminurie et l’arrêt cardiaque étaient modérées [HR, 1,54] et sévères [HR 1,55] ; l’insuffisance cardiaque était associée à l’arrêt cardiaque avec un HR de 1,85 (IC 95 %, 1,50-2,29).
La co-modératrice Fejfarova a ajouté qu’en plus des résultats de l’étude de Harms, d’autres recherches présentées lors de la même session soulignaient l’importance de vérifier chez les patients la présence d’arythmies qui pourraient conduire au développement de blocs auriculo-ventriculaires, de maladies du nœud sinusal et de l’arrêt cardiaque.
Financement et liens d’intérêt
Les Drs Harms et Fejfarova n’ont révélé aucune relation financière pertinente.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Common Meds Link to Sudden Cardiac Arrest in Type 2 Diabetes. Traduit et adapté par Mona El-Guechati
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Citer cet article: Diabète de type 2 : certains médicaments d’usage courant liés à des arrêts cardiaques – Medscape – 7 nov 2023.