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Dans le sixième volet de cette série, l’IMOCA et The Ocean Race reviennent sur la course autour du monde en équipage, véritable laboratoire technologique de la première édition en 1973-1974 à la dernière en 2017-2018.

Si désormais, les IMOCA ont atteint un niveau de performance exceptionnel, le développement durable et la protection de la santé des océans sont aussi des priorités pour The Ocean Race et ses acteurs.

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Comment la course au large s’adapte au changement de mentalité. | AINHOA SANCHEZ/VOLVO AB

Voiles et Voiliers.Modifié le 18/06/2022 à 13h04

Développement durable : comment la course au large s’adapte au changement de mentalité (ouest-france.fr)

Ce 8 septembre 1973, quant à Portsmouth dix-neuf voiliers partent dans l’inconnu pour ce premier tour du monde en équipage, personne ne se doute que la Whitbread Round the World Race va devenir un évènement aussi international qu’incontournable.

Les premières années, peu de marins semblent vraiment concernés quant à la pollution des océans même s’il n’y a pas mieux placé que ces coureurs au large pour observer la mer nuit et jour.

L’on ne parle pas encore de réchauffement climatique et l’on est loin du tri sélectif.

À bord, on n’hésite pas à jeter par-dessus bord déchets de tout type.

Et lors du premier Vendée Globe Challenge en 1989-1990 par exemple, Titouan Lamazou, le leader de la course et futur vainqueur n’hésite pas à se délester dans la remontée de l’atlantique Sud.

Non seulement il ne s’en cache pas lors des vacations mais le raconte en détail dans son livre « Demain je serai tous morts » : « Une nuit, je change mes voiles d’avant et jette les vieilles à la mer. »

Lamazou : « Je sais que ça a choqué… »

Et d’ajouter : « J’ai aussi quitté tous mes vêtements polaires qui sont passés par-dessus bord. »

Quand son équipe à terre lui propose de vider son réservoir principal de gazole, l’ancien disciple de Tabarly répond que « ce n’est peut-être pas la peine de polluer l’océan tout de suite… »

Plus tard, il avoue : « Je sais que ça a choqué le grand public que je balance autant de matériel à l’eau. Le plaisancier moyen qui se paie un bateau à crédit, qui a du mal à l’équiper, ne doit pas comprendre que je balance dix pilotes automatiques…

J’avais trois jeux de voiles complets au départ. Je n’en garde même pas un de rechange et jette un paquet de bouts incroyables… Je ne garde que la nourriture lyophilisée. Toutes les conserves partent par le fond. »

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Les marins sont les premiers témoins de l’impact de la pollution. | JAMES BLAKE/VOLVO AB

L’on imagine aujourd’hui le tollé suscité par de tels propos relayés sur les réseaux sociaux.

Quelques années plus tard, un jeune coureur embarqué pour le Trophée Jules Verne avec Olivier de Kersauson, et qui quinze ans plus tard va remporter la Volvo Ocean Race avec Franck Cammas, est gêné de constater que tous les détritus du bord sont systématiquement jetés à la mer.

Il se nomme Thomas Coville et s’en ouvre à son skipper, qui rétorque : « Si tu veux garder les poubelles à bord et bien tu n’as qu’à les stocker dans ta couchette… »

En outre il hérite d’un surnom « petit fumier ! »

Les marins sont les premiers témoins de l’impact de la pollution

Aujourd’hui, les coureurs sont à mille lieues de ce type de comportement, et les mentalités ont plus que changé.

The Ocean Race est pionnière et très engagée dans la lutte contre la pollution.

« Les marins sont les premiers témoins de l’impact de la pollution et du changement climatique, » explique Anne-Cécile Turner, directrice du département Développement Durable de The Ocean Race, et très impliquée sur ces questions depuis plus de quinze ans.

« Il nous faut développer une meilleure compréhension de l’importance de nos océans, pas uniquement pour la voile, mais pour la régulation du climat, la nourriture et les emplois qu’ils nous offrent…

Nous profiterons de la plateforme qu’offre l’océan en sensibilisant les gens aux menaces qui pèsent sur lui et au rôle vital qu’il joue dans la vie grâce à une grande campagne axée sur le soutien aux droits des océans. Nous avons l’objectif ambitieux et passionnant de soutenir la création d’une Déclaration Universelle des Droits de l’Océan d’ici 2030, et nous croyons que le soutien des populations du monde entier pourrait contribuer à cette réalisation. »

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« Je n’utiliserai pas d’eau en bouteille plastique jetable ». | JEN EDNEY/VOLVO AB

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Cette prise de conscience est désormais plus qu’une évidence. « Nous avons créé une sorte de feuille de route pour inspirer le changement et générer des impacts positifs et tangibles que ce soit pour la logistique, les matériaux, les déchets, le village…

Lors de la dernière édition, outre la présence du bateau Turn the Tide on Plastic mené par Dee Caffari sensibilisant à la pollution plastique, The Ocean Race a réduit la consommation de bouteilles plastiques de 388 000 sur les villages de course, et pour la prochaine qui partira en janvier 2023, l’objectif avoué est zéro bouteille.

Nous avons également un programme scientifique » ajoute Anne-Cécile Turner.

« Quelques VO65 et IMOCA vont être instrumentés avec un « ocean pack » pour mesurer la santé des océans, soit la concentration de microplastiques, le dioxyde de carbone, l’acidité, la température de l’eau… et ce afin d’avoir une photographie de la situation et l’état du malade.

Cet outil a été développé afin qu’il soit plus léger, moins gourmand en énergie, et sans trop impacter les performances.

Enfin, outre aux escales, un kit pédagogique traduit en 8 langues va être distribué désormais dans les écoles de voile du monde entier via World Sailing, la fédération internationale. »

L’IMOCA vote de nouvelles règles

L’IMOCA a beaucoup phosphoré sur la nouvelle jauge 2021-2025, en concertation avec les architectes, marins et armateurs, l’idée étant par exemple de favoriser l’utilisation de matériaux biosourcés pour les éléments non structurels et démontables du bateau (table à cartes, sièges, bannettes…) qui sont ôtés du poids de jauge du bateau dans la limite de 100 kg, comme c’était déjà le cas pour les panneaux solaires, les systèmes d’énergie verte et les instruments de mesure scientifique.

Un IMOCA actuel navigue autour du monde quasiment en autonomie énergétique grâce aux hydro générateurs et à l’énergie solaire et éolienne, le moteur diesel plombé restant en place seulement pour la sécurité.

Autre évolution notoire, les équipes doivent obligatoirement procéder à une analyse du cycle de vie (ACV) pour toute construction d’un nouveau bateau, l’objectif étant de récolter des données comparables afin de mieux connaître l’impact et de déterminer ce qui peut être amélioré concernant la réduction de l’empreinte carbone.

Enfin, des règles touchent également à la construction avec une liste limitée de matériaux d’âme tels que le Nomex et des grammages de carbone autorisés, ce qui doit permettre de réduire aussi le temps et le coût de production.

Dee Cafari à bord de Turn The Tide on Plastic. | DR

Paul Meilhat : « nous essayons d’être « économes » sur le bilan carbone et l’ACV »

Le vainqueur de la dernière Route du Rhum en IMOCA dont le nouveau plan Verdier est actuellement en construction confie : « J’adore l’équipage et la régate au contact et j’ai toujours rêvé de disputer The Ocean Race.

Nous utilisons les moules de LinkedOut 1, et cela nous permet non seulement de gagner du temps et de l’argent mais d’être « économes » sur le bilan carbone et l’ACV ».

C’est aussi grâce à son investissement dans la préservation des océans qu’il a embarqué son partenaire Biotherm : « Nous nous sommes rencontrés en 2019, à l’occasion d’une collecte de plastiques sur les plages.

J’étais ambassadeur de Surfrider Fundation depuis douze ans. Biotherm est alors devenu l’un des mécènes.

Deux ans plus tard, le patron m’a appelé pour me dire qu’ils voulaient faire The Ocean Race 2022-2023, puis le Vendée Globe 2024.

Les planètes se sont alignées… Et puis Biotherm est la marque vitrine du développement durable au sein du groupe.

Les produits sont à base de plancton. C’est pour moi une chance de pouvoir faire les deux : naviguer et poursuivre mon action quant à la protection des océans.

On va avoir un très gros partenariat scientifique avec la goélette Tara, avec des capteurs, étudier le microbiome, sorte d’interface entre l’eau et l’air… ce qui correspond un peu aussi à ce que sont les IMOCA aujourd’hui, un peu dans l’eau et un peu dans l’air. »

Si les voiliers de course et les marins montrent l’exemple, et ont « bonne presse » auprès du grand public, les enjeux écologiques concernent surtout les pétroliers, cargos, super-yachts, paquebots de croisière et autres ferries, afin de limiter l’impact carbone. Nombre d’ingénieurs à l’image d’Yves Parlier, « vétéran » du Vendée Globe et de l’IMOCA, travaillent sur des solutions alternatives, telles que des ailes de kite et autres cerfs-volants, permettant à ces navires de limiter leur consommation de gazole, en utilisant le vent.

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L’IMOCA Groupe Apicil. | FRANÇOIS VAN MALLEGHEM

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Damian Foxall : « Désormais, il y a une prise de conscience collective »

Le marin irlandais a disputé tellement de tours du monde en équipage que ce soit sur les Maxis, VOR 60, VO 70, VO65, IMOCA… qu’il ne sait plus combien.

« Je pense que ce doit être entre sept et huit… » se souvient Damian Foxall dans un français parfait.

Désormais Sustainability Program Manager (responsable du développement durable) dans l’écurie de course 11th Hour Racing Team, il a connu mieux que quiconque l’évolution de la technologie des prototypes tournant autour du monde.

« Pour The Ocean Race, nous avons deux objectifs : avoir le bateau le plus performant possible selon les règles de la jauge IMOCA et le concevoir dans une optique durable.

Il faut donc faire des choix et aujourd’hui nous avons besoin d’un changement pour trouver le meilleur compromis avec les nouvelles technologies qui n’existent pas forcément encore, notamment pour les matériaux de construction. »

Des efforts concrets !

« Déjà, nous avons choisi de construire notre IMOCA en Bretagne, là où sont tous les fournisseurs et ce afin de limiter le transport (mât, coque, voiles…).

De plus nous avions un ACV de référence calculé par Kaïros, la structure de Roland Jourdain. » Architectes, fournisseurs, constructeurs, skippers… ont une connaissance de plus en plus précise de l’impact carbone et l’effet de serre générés par la mise en œuvre de ces voiliers.

« Le challenge, c’est de savoir ce qui peut être fait pour que l’IMOCA garde son élan en conservant les fabuleuses performances de ces bateaux, » poursuit Damian. 

« Désormais, il y a une prise de conscience collective. Notre sport est formidablement apprécié et de plus en plus médiatique, mais nous devons être très vigilants.

Il y a toujours des solutions à partir du moment où le cahier des charges impose un règlement allant dans le cadre du développement durable. Nous devons faire évoluer les règles et l’IMOCA nous aide en ce sens. »

Enfin, et c’est à souligner, les IMOCA comme les bons vins, « vieillissent bien ».

La preuve, et même si nombre d’observateurs sur les réseaux sociaux et de médias ne cessent de vouloir mettre les bateaux dans différentes cases selon qu’ils possèdent de longs foils ou des dérives courbes, on voit toujours des prototypes de quinze ans d’âge, briller à l’image notamment d’Hubert de Jean Le Cam datant de 2007.

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