Publié le 21/04/2021

Le retentissement neuropsychiatrique de la Covid-19 a suscité de nombreuses études et fait couler beaucoup d’encre au cours de l’année écoulée.

A l’atteinte intrinsèque du système nerveux central, s’ajoutent les effets collatéraux d’une pandémie qui n’en finit pas, lesquels tiennent en grande partie aux mesures de restriction sanitaires drastiques adoptées dans la plupart des pays du monde.

Le confinement dont il existe plusieurs modèles, du plus strict au plus souple (aéré…), en est l’exemple caricatural.

Les études menées sur ce thème se résument souvent à des séries de cas ou portent sur des effectifs relativement restreints suivis pendant au plus trois mois après le diagnostic positif de la maladie.

236 379 patients identifiés sur la plateforme TriNetX

Une étude de cohorte rétrospective diligentée par une équipe universitaire britannique se démarque des autres par l’importance de la cohorte et la durée du suivi.

Les données ont été obtenues par l’intermédiaire de la plateforme TriNetX dédiée à la recherche clinique.

Cette dernière recueille les dossiers médicaux électroniques auprès de 62 structures de soins réparties dans le monde entier mais principalement aux Etats-Unis.

C’est ainsi que la santé de plus de 81 millions de patients est étroitement suivie sous couvert d’un anonymat garanti par la plateforme et ses utilisateurs.

Une première cohorte a été constituée de patients âgés d’au moins dix ans chez lesquels le diagnostic de Covid-19 avait été porté avec certitude entre le 1er janvier et le 13 décembre 2020.

Deux cohortes « témoins » ont, pour leur part, été constituées de patients atteints d’une grippe ou d’une autre infection des voies respiratoires, contractées au cours de la même période.

L’incidence de diverses affections neurologiques ou psychiatriques a été estimée dans les six mois qui ont suivi le diagnostic.

Quatorze entités cliniques ont été ainsi prises en compte : hémorragie intracrânienne, AVC Ischémique, syndrome parkinsonien, syndrome de Guillain-Barré, atteinte radiculaire, paralysie d’un plexus, myopathie, atteinte neuromusculaire, encéphalite, démence, psychose, trouble de l’humeur, troubles anxieux, toxicomanie et insomnie.

Les cohortes ont été appariées selon la méthode du score de propension.

L’analyse des données qui a reposé sur le modèle des risques proportionnels de Cox a tenu compte de la sévérité des formes cliniques de la Covid-19 en s’aidant des indicateurs suivants : hospitalisation, séjour en unité de soins intensifs (USI), notion d’encéphalite évoquée devant un syndrome confusionnel ou des troubles neuropsychiatriques apparentés.

La robustesse des différences entre les trois cohortes a été testée par des analyses de sensibilité ad hoc.

Une comparaison de plus a été faite entre la cohorte Covid-19 et quatre autres cohortes constituées dans le même laps de temps avec les diagnostics suivants : infection cutanée, lithiase rénale, fracture d’un os long ou encore embolie pulmonaire.

Un luxe de précaution méthodologique louable du fait de la nature rétrospective de l’étude.

Des troubles neuropsychiatriques dans un tiers des cas

Chez les 236 379 patients atteints d’une Covid-19 confirmée, la fréquence (plus que l’incidence) des diagnostics neuropsychiatriques précédemment évoqués a été estimée à 33,62 % (intervalle de confiance à 95 % IC 95% 33,17–34,07) et dans 12,84 % (IC 95 % 12,36–13,33), les manifestations en rapport étaient inaugurales.

Pour les patients admis en USI, les chiffres correspondants ont été respectivement de 46,42 % (IC 95 % 44,78–48,09) et de 25,79 % (IC 95 % 23,50–28,25).

Si l’on considère les diagnostics individuels, ce sont les troubles anxieux qui dominent la scène (17,39 % [17,04–17,74]), loin devant les AVC ischémiques (2,10 % [(1,97–2,23]), les troubles psychotiques et apparentés (1,40 % [1,30–1,51]) ou encore les démences, les syndromes parkinsoniens, ou les hémorragies intracrâniennes (également < 1 % dans les 3 cas).

Dans le groupe des patients qui ont séjourné en USI, les valeurs précédentes doivent être revues à la hausse, les chiffres étant de : (1) troubles anxieux : 19,15 % (IC 95 % 17,90–20,48) ; (2) AVC ischémiques : 6,92 % (IC95 % 6,17–7,76) ; (3) hémorragies intracrâniennes : 2,66 % (IC95 % 2,24–3,16) ; (4) troubles psychotiques : 2,77 % (IC 95 % 2,31–3,33) ; (5) démence : 1,74 % (IC 95 % 1,31–2,30) ; (6) syndrome parkinsonien : 0,26 % (IC 95 % 0,15–0,45).

Plus souvent en cas de Covid 19 qu’avec la grippe

Tous ces diagnostics confondus ont été portés plus fréquemment en cas de Covid-19 : comparativement aux cas de grippe, le hazard ratio [HR] était à 1,44 (IC 95 % 1,40–1,47).

Par rapport à la cohorte des cas d’autres infections respiratoires, le HR a été estimé à 1,16 (IC 95 % 1,14-1,17).

Les analyses de sensibilité sur les cohortes complémentaires ont conduit à des résultats similaires.

Cette étude de cohorte rétrospective de grande ampleur donne une idée assez précise de la morbidité neuropsychiatrique observée dans les six mois qui suivent une infection par le SARS-CoV-2.

Les formes sévères sont celles qui comportent le plus de risque de séquelles, mais elles ne sont pas les seules : les formes plus bénignes de l’infection ne mettent pas à l’abri de tels troubles, tout particulièrement ceux de nature psychiatrique.

Dans l’ensemble, ce sont les troubles anxieux qui dominent de loin la scène, bien loin devant les séquelles neurologiques qui n’en sont pas moins constatées dans un nombre substantiel de cas, compte tenu de l’amplitude et de la durée de la pandémie.

Des études de cohorte prospectives sont nécessaires pour confirmer ces résultats et mieux comprendre les mécanismes complexes qui les sous-tendent, tout en précisant leur pronostic à (encore) plus long terme…

Dr Peter Stratford

RÉFÉRENCE: Taquet M et coll. : 6-month neurological and psychiatric outcomes in 236 379 survivors of COVID-19: a retrospective cohort study using electronic health records. Lancet Psychiatry 2021 ; publication avancée en ligne le 6 avril. doi.org/10.1016/ S2215-0366(21)00084-5.

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