Publié le 02/01/2020
Deux tiers des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont des femmes, ce qui permet de penser qu’il existe des facteurs spécifiques liés au sexe augmentant le risque d’être victime de cette affection. De nombreux travaux, tant chez l’animal que chez l’humain, ont montré que les œstrogènes agissent sur le développement cérébral et les fonctions cognitives.
Chez les femmes, les taux d’œstrogènes varient durant la période d’activité génitale, de la puberté à la ménopause, et plus particulièrement au cours des grossesses et des périodes d’allaitement.
« The Cache Study », étude longitudinale (12 ans), en population, menée dans le comté de Cache (Utah), a évalué chez plus de 2 000 femmes âgées la relation existant entre l’exposition aux œstrogènes durant leur période d’activité génitale, et le traitement hormonal de la ménopause (THM) avec l’évolution de leurs performances cognitives.
A partir de 1995, 2 654 femmes de plus de 65 ans ont été recrutées. Elles n’avaient aucun signe de démence selon l’évaluation par le « Mini-Mental State Examination » (MMSE). Elles ont été examinées, interrogées sur leurs antécédents, leur niveau d’études, leur mode de vie, et leur activité physique.
Leur durée d’exposition aux œstrogènes endogènes a été calculée : durée de la période d’activité génitale diminuée de la durée cumulée des périodes d’allaitement. La prise éventuelle d’un THM a été précisée : date de début par rapport à la date de la ménopause, type (œstrogène seul ou œstrogène + progestatif), et durée.
Elles ont aussi bénéficié d’une détermination du génotype de l’apoprotéine E.
Elles ont été revues et l’évaluation de leurs fonctions cognitives a été répétée,à quatre reprises tous les trois ans.
Au total, 2 114 femmes ont été incluses, âge moyen 75 ans (± 7 ans), durée moyenne d’exposition aux œstrogènes endogènes 33 ans (± 7 ans) ; 61 % d’entre elles avaient pris un THM, ce traitement avait été débuté en moyenne dans les 6 ans après le début de la ménopause.
La durée de traitement variait beaucoup, d’une moyenne de 13 ans au début du recrutement, à moins de 3 ans après la publication de la Women Health Initiative (WHI) en 2002.
Un bénéfice avec les œstrogènes endogènes et aussi avec le THM
La durée d’exposition aux œstrogènes endogènes était corrélée positivement au score de l’évaluation cognitive, chaque année supplémentaire d’exposition aux œstrogènes endogènes s’accompagnant d’une augmentation de 0,05 point du score du MMSE (p =0,008).
Les utilisatrices d’un THM avaient un meilleur score cognitif que les non utilisatrices (p = 0,001).
La durée d’exposition au THM était corrélée positivement au score de l’évaluation cognitive, chaque année de traitement supplémentaire s’accompagnant d’une augmentation de 0,02 point du score du MMSE (p = 0,046). C’est chez les femmes les plus âgées (> 75 ans) que le bénéfice du traitement était le plus marqué.
Le type du traitement (œstrogène seul ou œstrogène + progestatif) n’avait pas d’influence sur ce bénéfice, après ajustement sur les covariables significatives (âge, durée de l’exposition aux œstrogènes endogènes, niveau d’études, activité physique, et état général).
Le délai entre l’arrêt des règles et le début du THM semblait, lui, important, quel que soit l’âge de la ménopause. Les femmes qui avaient débuté le traitement moins de 5 ans après le début de celle-ci avaient des scores cognitifs plus élevés que celles qui l’avaient débuté plus tard.
L’exposition du cerveau des femmes aux œstrogènes améliore le statut cognitif des femmes âgées, qu’il s’agisse de ceux secrétés par leurs ovaires durant la période d’activité génitale, ou de ceux apportés par un traitement hormonal, surtout s’il est débuté rapidement à la ménopause.
Dr Catherine Vicariot
RÉFÉRENCES: Matyi JM et coll. : Lifetime Estrogen Exposure and Cognition in Late Life The Cache County Study. Menopause. 2019; 26(12): 1366-1374.
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