Des Français pas assez actifs, rivés aux écrans : l’alerte de Santé publique France

Coline Garré | 26.09.2017

tvLe Quotidien du Médecin Crédit Photo : PHANIEZoom

L’inactivité physique et la sédentarité (corrélée au temps passé devant les écrans) progressent en France, révèlent les dernières données de l’étude Esteban 2014-2016 (étude de santé sur l’environnement, la biosurveillance, l’activité physique et la nutrition) présentées ce 26 septembre par Santé publique France. Quelque 1 182 enfants de 6 à 17 ans et 2 678 adultes de 18 à 74 ans de France métropolitaine ont été inclus dans cette étude descriptive transversale, dont les résultats peuvent être comparés à ceux de l’étude nationale nutrition santé (ENNS 2006) ; un premier volet portant sur le surpoids et l’obésité (qui montraient une prévalence stable mais inégalitaire) a déjà été dévoilé en juin 2017.

Des femmes moins actives physiquement

Premier constat « alarmant », selon le directeur général de Santé publique France François Bourdillon : l’augmentation de l’inactivité physique* chez les femmes, de 16 % en 10 ans. En 2015, seulement 53 % des femmes atteignent les recommandations de l’OMS (au moins 30 minutes quotidiennes d’activité modérée ou intense, 5 jours par semaine), contre 70 % chez les hommes. Cette baisse est particulièrement forte chez les femmes entre 40 et 54 ans (- 22 %) et les 18-39 ans (- 18,5 %).

Les hommes, au contraire, ont suivi une tendance inverse, au cours de la décennie (de 63,9 à 70,4 % d’adultes physiquement actifs), tirée par la tranche des 40-54 ans (+ 29 %), qui ont atteint un niveau au moins modéré – et sont ainsi les seuls à remplir les objectifs du programme national nutrition santé (PNNS 3 2011-2015).

Contrairement à 2006 où le gradient scolaire ne semblait pas avoir d’influence, le diplôme joue, en 2015, sur l’intensité de la pratique : les plus diplômés s’engageant davantage dans une pratique de niveau élevé.

Une sédentarité qui explose

En 2015, près de 90 % des adultes déclarent chaque jour plus de 3 heures d’activité sédentaire (caractérisée par une dépense énergétique inférieure à 1,6 METs – metabolic equivalent task) et en moyenne, 6 h 35, ce indépendamment du temps passé au travail. Des résultats en nette augmentation depuis 2006, « une aggravation, contrairement à ce qui était escompté dans le cadre du PNNS 3 », lit-on.

La sédentarité ne se confond pas avec l’inactivité ; elles représentent deux facteurs de risques distincts (3 heures par jour seraient responsables de 3,8 % de la mortalité toute cause, et la seconde serait à l’origine de 6 à 9 %), qui se cumulent chez 17 % des hommes et 22 % des femmes (soit une sur cinq).

La sédentarité est intimement liée au temps passé devant les écrans (ordinateur, téléphone, télévision, jeux vidéo), puisqu’en 2015, les adultes déclaraient passer 5 h 07 minutes devant un écran. Soit une augmentation de 53 % par rapport à 2006 (où la moyenne était de 3 h 10). Ce sont aujourd’hui 80 % des Français adultes qui passent au moins 3 heures devant des écrans (la télévision pour les plus âgés, l’ordinateur pour les plus jeunes) alors qu’ils étaient 53 % il y a 10 ans. Le niveau de diplôme pèse : les moins diplômés (en dessous du bac) passent en moyenne 5 h 34 par jour devant un écran, contre 4 h 44 pour les plus certifiés.

Une situation préoccupante chez les enfants

Les enfants sont censés pratiquer au moins une heure d’activité modérée ou intense par jour, selon l’OMS. En moyenne, les 6-17 ans sont moins d’un sur quatre à y parvenir, avec une tendance à la baisse cette dernière décennie.

Les mauvais élèves sont surtout les adolescents, avec 66 % d’inactifs chez les filles, et 55 % chez les garçons (stable), une proportion qui augmente chez les premières entre 15 et 17 ans (69 % ; 15 % seulement font une heure d’activité quotidienne).

Les 6-11 ans sont en moyenne modérément actifs (55 % chez les garçons et 60 % chez les filles), mais seulement 18 % atteignent un niveau d’activité élevé (stable), tandis que l’inactivité progresse depuis 2006 : le pourcentage d’enfants inactifs a été multiplié par 5 chez les garçons, et par 3 chez les filles – en lien avec la baisse de la pratique sportive en club, analyse SPF.

Le temps passé devant les écrans est particulièrement pointé du doigt : les enfants y consacrent en 2015 4 h 11 (4 h 29 pour les garçons, 3 h 55 pour les filles), une heure de plus en moyenne qu’il y a 10 ans (voire 2 heures chez les 15-17 ans). En outre, cette durée s’accroît avec l’âge (jusqu’à 5 h 24 chez les 15-17 ans). Plus de 60 % des enfants et adolescents sont sédentaires.

De nouveaux outils sur mangerbouger.fr et la prescription des généralistes

Santé publique France propose de nouveaux outils sur le site mangerbouger.fr, qui s’appuie sur des techniques comportementales scientifiques. L’objectif est double : donner envie de bouger à ceux qui ne l’ont pas et aider les velléitaires à passer à l’action.

Le site s’enrichit d’une nouvelle rubrique « faire des exercices ». Contrairement aux applications déjà disponibles, le dispositif de SPF « ne joue pas sur la notion de performance ou de partage sur les réseaux sociaux qui peuvent intimider des femmes peu actives, que nous voulons toucher », explique Anne-Juliette Serry, responsable de l’unité Nutrition et activité physique chez SPF. Des tests de niveau d’activité physique, un catalogue avec 87 activités d’intensité diverses, adaptée au profil (handicap, grossesse, âge) ou au mode de vie, et un planificateur (concrètement, un calendrier qui doit aider la personne à s’organiser), doivent aider la personne à fixer des objectifs réalistes.

Enfin, une convention a été nouée entre SPF et le Collège national des généralistes enseignants (CNGE), pour étudier l’impact d’une prescription d’une activité physique par le médecin traitant en prévention primaire (différente du remboursement de l’activité physique prévu par la loi Santé pour les malades chroniques). Des expérimentations seront lancées en 2018.

Les indicateurs de l’enquête Esteban permettront de fixer de nouveaux objectifs atteignables dans le futur PNNS 4, qui devrait être rendu public d’ici à la fin de l’année.

* L’inactivité physique, se définit comme la non atteinte des recommandations de l’OMS sur l’activité physique : pour les enfants ; au moins une heure par jour d’activité modérée à soutenue. Pour les adultes, au moins 150 minutes d’endurance modérée, ou 75 minutes, d’endurance soutenue, en une semaine. 

Source : Lequotidiendumedecin.fr