Accueil Bateau  470

Ébéniste de formation comme son père, Jean Morin avait de l’or dans les doigts.

Quand André Cornu, l’architecte du 470, lui a proposé de construire le « dériveur du juste milieu » en 1962, il n’a pas hésité une seconde.

Plus de 15 000 « Morin » ont été produits.

Il vient de nous quitter, à 93 ans.

Jean Morin, devant le poster de « son » 470 devenu olympique en 1976. | NICOLAS GUICHET

Didier RAVON. Modifié le 09/03/2021 à 18h08 Publié le 09/03/2021 à 15h07

On aurait presque envie de plagier la célèbre réclame « On se lève tous pour Danette ! »

Plus sérieusement, quel voileux ayant fait ses gammes en dériveur, n’a pas un jour « posé ses fesses » sur les caissons d’un 470 Morin pour planer dans la brise et se régaler au trapèze, en régate ou lors de vacances en bord de plage ?

Combien de quat’sept Morin dorment encore dans les garages ?

Et combien de Morin dorment encore dans des garages ?

Lorsqu’André Cornu, l’architecte du « quat’sept » rencontre Jean Morin au salon nautique 1962, lui proposant de construire ce dériveur, « grand frère » du 420 signé Christian Maury et produit par Lanaverre, la poignée de main est aussi virile que complice.

Il fonce.

Restauré et dans son jus, le Morin numéro 13, barré ici par Nicolas Guichet en tenue d’époque. | DIDIER RAVON

Dans son atelier de Pessac près de Bordeaux, il a déjà construit un Mousse qui a fait fureur par la qualité de sa finition.

Les 470 Morin font rapidement un carton.

Coques blanches, ponts aux couleurs travaillées du bleu-ciel au jaune moutarde, du orange vif au rouge fraise, hiloire discrète, listons sablés et vernis, barre en bois lamellée collée digne d’un instrument de musique, petite plaque avec le numéro de série sur le tableau arrière…

Ce bateau est beau, pensé, bien fini…

La plaisance est en plein boum, et le 470 surfe sur cette vague.

« Entre 1963 et 1976, ce sont près de 15 000 Morin qui sont sortis des moules » rappelle Alain Corcuff, grande figure du 470, aujourd’hui président d’honneur de la classe française et internationale.

Le cockpit d’un Morin années 70 avec le winch central sur le puits de dérive et en Celoron. | DIDIER RAVON

VOIR AUSSI :

VIDÉO. Un dériveur 470 s’envole sur une grosse vague, la vidéo fait le buzz
VIDÉO. L’envol spectaculaire d’un dériveur 470 niveau olympique
VIDÉO/DÉRIVEUR. Quand le barreur d’un 470 se fait éjecter, l’équipier se sent seul !

Et quand le 470, devient série olympique pour les JO de Montréal de 1976, Jean Morin fabrique 1 600 bateaux dans l’année.

Non seulement, il régate avec Jean-Claude Cornu, fils d’André, champion du monde de 505 et sélectionné olympique en FD, mais n’a pas hésité à envoyer à ses frais au Canada trente coques à l’occasion des premiers championnats du monde hors d’Europe en 1972.

Il vend tous ses bateaux…

L’équipe de France vient accastiller ses 470 directement dans les ateliers.

Il est bienveillant, propose des prix attractifs, conseille, rassure et fait de l’orfèvrerie.

Une série spéciale – coque et pont blanc – fait un tabac en 75, au moment où Marc Laurent et Roger Surmin remportent le championnat du monde.

Jean Morin (à droite) et Nicolas Guichet. | DR

L’ado que je suis, rêve de ce bijou, optimisé par les meilleurs régatiers français dont Gérard Devillard, Michel Cornic, Marc Bouët, Stéphane Fleury, Michel Christ, Gérard Daugey, les frères Follenfant, Jean-Pierre Salou, Didier Bernard…

Devenu olympique, le 470 est de plus en convoité, et nombre de chantiers vont le construire pour la jeune génération, de Boutémy à Fountaine-Pajot, de Nautivela à Parker, puis plus tard KD, Mackay ou Ziegelmayer…

Jean Morin a aussi beaucoup régaté afin de faire la promotion de son bateau. | COLLECTION A CORCUFF

Jean Morin tire alors sa révérence, cédant son chantier à Yachting France, puis devient promoteur immobilier dans les Pyrénées, après avoir fait du 470 un succès mondial.

Il a marqué nombre de passionnés, à commencer par Nicolas Guichet, historien de formation et enseignant, fou amoureux de ce bateau.

Dans son club du CN Ablon (www.cn-ablon.fr), en bord de Seine et près de l’aéroport de Paris Orly, il dégote des bateaux mythiques à l’abandon, et qu’il restaure telles des œuvres d’art, comme le 470 champion olympique de Thierry Peponnet et Luc Pillot à Séoul en 1988, ou le Morin numéro 13 avec mât et bôme en bois.

C’est un vrai chineur ! Aujourd’hui, il a récupéré le 470 des Néo-zélandaises médaillées d’argent à Rio en 2016 et va aller chercher ce week-end celui de Nicolas Charbonnier et Olivier Bausset, médaillés de bronze à Pékin en 2008, qui coule des jours tranquilles dans un hangar de l’ENVSN à Saint-Pierre Quiberon.

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter de Voiles et Voiliers

Le 470 Morin fait partie de la culture des amoureux du dériveur. | DIDIER RAVON

Avec la complicité de Jean Morin et d’Alain Corcuff notamment, il a écrit un premier livre sur l’histoire du 470, et en prépare un second… toujours à compte d’auteur, et uniquement sur souscription.

Lui aussi a été marqué à vie par le « pape du 470 ». Il faut espérer que celles et ceux passés par ce formidable dériveur, commanderont sa bible, avec une pensée spéciale pour Jean Morin.

470 SPORT DE GLISSE ET VOILE LÉGÈRE DÉRIVEUR