Damien Coulomb | 26.02.2018
Les 12 premiers patients seront traités à l’institut Imagine. Crédit Photo : PH MüllerZoom
L’année 2018 pourrait marquer une victoire importante contre les déficits immunitaires sévères. L’équipe d’Isabelle André-Schmutz, coresponsable avec le Pr Marina Cavazzana du laboratoire de lympho-hématopoïèse humaine de l’institut des maladies génétiques Imagine, va en effet tester pour la première fois un thymus artificiel in vitro, destiné à accélérer la phase de maturation des lymphocytes T. Le but ? Réduire au maximum la période d’immunosuppression qui suit une greffe de cellules-souches hématopoïétiques.
Si les enfants atteints de déficits immunitaires héréditaires rares seront les premiers à bénéficier de cette technologie, des milliers de patients atteints de cancers hématologiques pourraient leur emboîter le pas, comme l’explique Isabelle André-Schmutz.
Les périodes de vulnérabilités après une allogreffe durent actuellement jusqu’à un an. En « précultivant » les précurseurs des lymphocytes T dans une boîte de Petri, les chercheurs de Necker espèrent ramener cette durée à quelques semaines.
« Nous allons prendre des cellules de moelle osseuse, les mettre dans notre système de thymus artificiel puis réinjecter ces précurseurs de lymphocytes T. L’idée, c’est de fournir assez de précurseurs de lymphocytes T pour les rendre immunocompétents en 2 à 3 mois et empêcher les patients atteints de cancer de rechuter », complète Isabelle André-Schmutz.
Des lymphocytes matures en moins d’un mois
Dans le thymus, la production des lymphocytes T suit deux phases : une phase de production des précurseurs des lymphocytes T, suivie d’une phase de maturation. « Nous sommes parvenus à reproduire la première étape en culture par biomimétisme, explique Isabelle André-Schmutz. En moins d’une semaine, nous sommes parvenus à produire des grandes étapes de différentiation des précurseurs de lymphocytes T. Nous avons ensuite montré que le procédé fonctionnait chez des souris immunodéficientes humanisées : en moins d’un mois, ces souris disposaient de lymphocytes T matures. »
Ce thymus artificiel a été très long à mettre au point car il a fallu reproduire et modifier des protéines normalement produites par les cellules du thymus. La production de molécules de grade clinique, utilisables sans risque chez l’humain, s’est également révélée une étape délicate. Le résultat de ces efforts : « une culture relativement simple à mettre en place que l’on a protégée par deux brevets », précise Isabelle André-Schmutz, actuellement occupée à franchir des étapes réglementaires.
Une fois la preuve de concept faite sur les 12 premiers enfants traités à Necker, d’autres centres français et européens proposeront de nouveaux patients. Les premiers résultats sont attendus pour fin 2018.
Dans 75 à 80 % des cas, les greffes de moelles osseuses reçues par des patients atteints de cancers hématologiques ne proviennent pas de donneurs haplocompatibles. Ce sont ces patients, chez qui l’on doit détruire l’intégralité de la moelle osseuse avant la greffe, qui pourrait représenter à l’avenir le gros du « marché » de cette nouvelle technique. On estime en effet à 50 % la mortalité au cours de la période de sensibilité aux infections et aux rechutes cancéreuses.
Source : Lequotidiendumedecin.fr