https://www.jim.fr/e-docs/00/02/BC/C7/carac_photo_1.jpg Publié le 12/09/2019

L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection (FE) réduite (IC-FER) augmente le risque de mort subite en rapport avec des troubles du rythme ventriculaire sévères, à type de tachycardie ou de fibrillation. Deux essais randomisés ont conclu à l’efficacité du défibrillateur automatique implantable (DAI) pour ce qui est de  la prévention primaire de la mort subite et de la durée de la survie chez les patients atteints d’une IC-FER (FE ≤ 35%).

De ce fait, les recommandations européennes et étatsuniennes préconisent le recours au DAI dans des indications bien précises : (1) cardiomyopathies dilatées non ischémiques (recommandation IB de l’European Society of Cardiology (ESC) et IA aux États-Unis ; (2) cardiopathies ischémiques caractérisées par une FEVG ≤ 35 % ou un stade II-III de la New York heart association (NYHA), au moins 40 jours après  un infarctus du myocarde et sous traitement médical jugé optimal depuis au moins 3 mois selon l’ESC.

Les limites des essais publiés

Cependant, le profil des patients (> 20 ans) recrutés dans les deux essais mentionnés n’apparaît pas très représentatif de la prise en charge actuelle de l’IC-FER. Or, un tel profil a un impact décisif sur les bénéfices de cette stratégie thérapeutique et tout doit être fait pour affiner une approche basée sur  le risque individuel encouru.

Le cas du sujet âgé fait également débat, car les causes de décès ont tendance à interférer avec la mortalité liée aux arythmies ventriculaires – c’est le cas de figure des risques compétitifs- en sachant que l’âge médian des patients inclus dans les essais précédents est compris entre 60 et 65 ans.

Quel est le bénéfice du DAI après 75 ans, par exemple ? L’étude DANISH (Danish Study to Assess the Efficacy of ICDs in Patients with Non-ischemic Systolic Heart Failure on Mortality) publiée le 6 septembre 2019 amène par ailleurs à douter de l’efficacité du DAI en cas de cardiomyopathie non ischémique associée à une IC-FER.

Une étude suédoise basée sur un registre prospectif apporte des réponses aux questions précédentes, à partir d’une vaste cohorte contemporaine composée de nombreux cas d’IC-FER aux étiologies multiples.

Cette approche prend notamment en compte le rôle du sexe et de l’âge, tout en comparant les cardiopathies ischémiques et non ischémiques. Le Swedish HF Registry (SwedeHF) remplit tous les critères définis par l’ESC, dès lors qu’il s’agit d’évaluer le rôle des DAI en matière de prévention primaire.

L’association entre ces derniers et la mortalité globale ou cardiovasculaire à long terme (respectivement un an et cinq ans) a été explorée au moyen d’un modèle de régression du type Cox, un appariement des patients étant en outre réalisé selon la méthode des scores de propension (1 :1) dans la cohorte globale et au sein de sous-groupes prédéfinis.

Un effet favorable sur la mortalité

Au total, sur 16 702 patients jugés éligibles, seuls 1 599 étaient porteurs d’un DAI. Après l’appariement précédemment défini, 1 305 porteurs d’un DAI ont été comparés à 1 305 témoins non équipés de DAI. La comparaison intergroupe révèle que le recours aux DAI est associé à une réduction significative de la mortalité globale à un an (hazard ratio (HR): 0,73, intervalle de confiance à 95 % (IC): 0,60 ; 0,90) comme à cinq ans (HR: 0,88, IC 95 %: 0,78-0,99).

Ces résultats dérivés de la cohorte globale ont été reproduits dans les analyses de sous-groupes comparant : (1) sujets de sexe masculin ou féminin ; (2) âge < 75 ans versus ≥ 75 ans ; (3) cardiomyopathie ischémique ou non ischémique ; (4) inclusion précoce ou tardive dans le registre SwedeHF ; (5) resynchronisation cardiaque ou non.

Dans cette vaste cohorte représentative de la pratique cardiologique contemporaine, il apparaît que le recours préventif aux DAI en cas d’IC-FER atteigne son objectif primordial, soit une réduction significative de la mortalité globale à un et cinq ans, quels que soient l’âge, le sexe ou encore l’étiologie (ischémique vs non ischémique) de la cardiopathie sous-jacente. La méthode des scores de propension ne permet pas de s’affranchir de tous les biais, mais elle donne tout de même un certain poids à ces résultats qui incitent à un recours plus large aux DAI, sans pour autant tomber dans des dérives préjudiciables aux dépenses de santé.

Dr Catherine Watkins

RÉFÉRENCE: Schrage B et coll. : Association Between Use of Primary Prevention Implantable Cardioverter-Defibrillators and Mortality in Patients with Heart Failure: A Prospective Propensity-Score Matched Analysis from the Swedish Heart Failure Registry. Circulation. 2019 ; publication avancée en ligne le 3 septembre. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.119.043012.

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