Publié le 09/04/2019
Paris, le mardi 9 avril 2019 – L’ensemble des données épidémiologiques confirme l’existence d’une exposition plus importante des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) aux risques infectieux, notamment les risques d’infections sexuellement transmissibles (IST).
Ainsi, ils représentent 44 % des nouveaux cas d’infection par le VIH, 85 % des cas de syphilis, deux tiers des cas de gonocoques, une très forte proportion des infections par le virus de l’hépatite A et des localisations rectales des infections à Chlamydia. Ils sont aussi d’avantage concernés par les maladies génitales et anales liées aux papillomavirus humains ainsi que par certaines pathologies non considérées comme des infections sexuellement transmissibles telles que les colites à Shigella ou les infections invasives à méningocoque de type C.
A ce titre, ils font l’objet de recommandations spécifiques : vaccinations contre les hépatites A et B et les HPV, et contre le méningocoque par le passé ; prophylaxie pré-exposition (PrEP) en cas de facteurs de risque supplémentaires d’infection par le VIH ; dépistage des IST. Mais pour les appliquer faut-il encore que les médecins traitants connaissent l’orientation sexuelle de leurs patients…
Aussi une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire de cette semaine (1) a analysé dans quelle mesure ces hommes mentionnaient leur orientation sexuelle à leur médecin traitant (MT), si cela modifiait la prise en charge et la relation médecin-patient et si, au total, cela était bénéfique pour les intéressés.
Pas moins de 1 879 personnes ont répondu aux questionnaires qui ont servi à ces travaux, 90,7 % se définissaient comme homosexuels, 6,9 % comme bisexuels, 1,2 % comme hétérosexuels et 1,2 % comme « autre ». Au cours des six mois précédent l’enquête, 32,7% des participants n’avaient eu qu’un seul partenaire sexuel et 18,9% en avaient eu plus de 10.
On est mieux soigné quand le médecin traitant connaît les habitudes sexuelles de ses patients
Parmi eux 87,3% avaient un MT et 58 % avaient abordé avec lui la question de l’orientation sexuelle, avec un bénéfice certain : ils sont ainsi plus fréquemment dépistés pour les IST et vaccinés contre l’hépatite A.
En outre, il est à noter que 84,4% des répondants jugent que leur relation avec leur médecin n’a pas été altérée par cette « révélation », 13,6 % qu’elle s’est même améliorée et seuls 2 % estiment qu’elle s’est dégradée.
Des questions ouvertes pour dédramatiser le sujet
Dans 90,3 % des cas où l’orientation sexuelle a été évoquée, c’est le patient qui a eu l’initiative de la « révélation ».
« Ce travail, comme d’autres, suggère que le médecin devrait prendre l’initiative d’aborder le sujet de l’orientation sexuelle avec son patient si celui-ci ne le fait pas de lui-même », remarquent les auteurs. Mais cette affirmation qui paraît logique ne semble pas relever de l’évidence.
Les auteurs rappellent à ce sujet qu’au Royaume-Uni, le National Health Servicerecommandait en octobre 2017 d’« enregistrer l’orientation sexuelle de tous les patients / usagers âgés de 16 ans et plus, dans tous les services de santé, et dans toutes les administrations participant à la prise en charge sociale et sanitaire » et que cet avis avait suscité « des réactions diverses ».
Ainsi, un représentant du Collège de médecine du Royaume-Uni avait qualifié dans le British Medical Journal cette recommandation d’« idée stupide » (2), et un représentant de la Family Doctor Association s’était alarmé du caractère « incroyablement insultant » que pouvait avoir une telle question.
En outre, subsiste au-delà de ces considérations, une certaine difficulté, pour un praticien, à aborder de lui-même ce sujet sensible.
Pour contourner ces difficultés, des travaux nord-américains (3) suggéraient d’utiliser des questions d’« ouverture » telles que : avez-vous actuellement une activité sexuelle ? Êtes-vous satisfait de votre vie sexuelle ? Y a-t-il des problèmes sexuels dont vous souhaiteriez me parler ? Avez-vous des soucis particuliers dont vous aimeriez parler ?
Comme le soulignaient Poltherat et coll., ces interrogations ouvertes « permettent d’aborder le sujet d’une manière neutre et leur simplicité permet de les utiliser même lorsque le médecin craint, par exemple, que le sujet ne soit trop sensible » pour son patient.
Frédéric Haroche
RÉFÉRENCES
1. Potherat G, Tassel J, Epaulard O. Les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes et la médecine générale : mention de l’orientation sexuelle par les patients et impact sur la relation de soin (étude HomoGen). Bull Epidémiol Hebd. 2019;(12):204-10.
2. Ma R, Dixon M. Should all patients be asked about their sexual orientation? BMJ. 2018;360:k52
3. Althof SE, Rosen RC, Perelman MA, Rubio-Aurioles E. Standard operating procedures for taking a sexual history. J Sex Med. 2013;10(1):26-35.
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