Publié le 10/09/2020

A un âge avancé, un mode de vie riche en activités cognitives et sociales serait associé à une préservation des fonctions cérébrales et donc, à un moindre risque de démence. A contrario, l’isolement social est connu pour être un facteur de risque potentiel de dysfonctions cognitives et de maladie d’Alzheimer (MA).

Parallèlement, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) a mis en évidence une association entre volume global de matière blanche (SB), moindres lésions de celle-ci, des hippocampes plus grands avec un maintien soutenu des activités intellectuelles et sociales. L’IRM fonctionnelle a aussi confirmé que les niveaux d’activité cérébrale étaient associés à la fonctionnalité du cerveau.

Toutefois, à ce jour, peu de travaux ont été consacrés à l’examen de l’impact des divers modes d’activité, vie durant, sur la structure et la fonction du cerveau, ces paramètres pouvant, de plus, se modifier avec le temps.

M. Anaturk et collaborateurs ont défini 5 trajectoires d’évolution, avec les années, des activités cognitives, telles que la lecture, et sociales, comme le nombre de rencontres familiales et amicales. Ils ont tenté de valider l’hypothèse qu’une trajectoire très active, vie durant était associée à un volume de matière grise (MG) plus conséquent, à davantage de SB, une intégrité plus grande avec moins de lésions de celle-ci.

Ils ont, également, essayé de préciser si un engagement cognitif et social notable était associé, à un âge avancé, à un niveau plus élevé de cognition globale, à de meilleures fonctions exécutives, mnésiques et à une vitesse procédurale plus grande.

Un suivi prospectif de l’investissement dans les activités de loisir

Dans ce but, ils se sont basés sur les données de l’étude anglaise Whitehall II, débutée en 1985, qui a suivi, de façon prospective, sur différentes périodes allant de 1997-1999 à 2011-2013 une cohorte de sujets en analysant l’importance de leurs investissements sociaux et/ou de leurs activités de loisir et leur devenir en matière de santé.

La cohorte d’étude est composée d’individus qui avaient répondu de façon satisfaisante et suivie aux différents questionnaires ayant trait à leurs activités de loisirs. Treize activités de loisirs ont été prises en compte, en se basant sur leur implication potentielle dans le domaine cognitif ; un score moyen pondéré allant de 0 à 3 a ainsi été établi, la valeur la plus haute suggérant un engagement plus marqué.

Dans le même temps, les participants ont été soumis à une batterie de tests cognitifs, en s’aidant du Montreal Cognitive Assessment (MoCA) et à une IRM fonctionnelle, pratiquée entre 2012 et 2015, avec quantification des volumes de la MG et de la SB. Les données d’analyse cliniques et d’imagerie avaient été préalablement désidentifiées.

Au total, 574 participants ont été concernés par les analyses principales. Leur moyenne d’âge (DS) était de 69,6 (4,9) ans, allant de 60,6 à 84,4 ans lors de la réalisation de l’IRM ; 468 (81,5 %) sont des hommes. L’importance de leurs activités cognitives et sociales a été suivie pendant, en moyenne, 15 (4,2) ans.

Leur score MoCA, lors de l’IRM, s’établissait à 28 (IIQ : 26-28), 103 d’entre eux (17,9 %) totalisant un score inférieur à 26, valeur limite de définition d’un trouble cognitif. Lors du suivi, leur taux d’activité a augmenté globalement durant la partie moyenne de leur existence, pour plafonner les années ultérieures.

A l’entrée dans l’étude, les activités cognitives ont été quantifiées : cognition globale (β-SE- non standardisé à 0,955 (0,285) – p non corrigé à 0,001), fonction exécutive (β-SE-1,831, (0,499) p < 0,001), mémoire (β-SE- à 1,394 (0,550) ; p non corrigé 0,01), vitesse de procédure (β-SE- à 1,514 (0,528); p non corrigé à 0,004). Les variations, durant le suivi, ont été négatives de -1,382 pour la cognition globale, de – 2,219 pour la fonction exécutive et de – 2,355 pour la mémoire. Toutes ces valeurs et leurs modifications au fil du temps étaient associées au volume global de MG (β-SE- à -0,910 (0,388) ; p non corrigé à 0,02).

Par contre, les activités sociales, tant pour leurs niveaux initiaux (β-SE-1,695(0,525), p non corrigé : 0,001) que pour leurs variations lors du suivi (β-SE-2,545(1,026), p à 0,01) n’étaient associées positivement qu’à la seule fonction exécutive.

Sur un autre plan, ont été réalisées des mesures voxel 3D de la connectivité fonctionnelle des réseaux sensorimoteur (variation quadratique des activités sociales, nombre de voxels : 306, p=0,01) et temporoparietal (variation linéaire des activités sociales : nombre de voxels, 16, p=0,02). Aucune association voxel n’a été retrouvée, tant avec la MG, la SB qu’avec la connectivité fonctionnelle.

Des contrôles ultérieurs ont confirmé la robustesse de ces diverses associations.

Un taux d’engagement intellectuel élevé à l’âge moyen de la vie serait bénéfique en matière de cognition et d’intégrité cérébrale

Ainsi ce travail, ayant eu recours à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle, a-t-il analysé les associations entre trajectoires d’activités sociales et cognitives vie durant et intégrité du cerveau durant les dernières décennies de la vie.

Globalement, il apparaît que l’intensité de ces activités tend à augmenter à l’âge moyen pour se stabiliser les années suivantes. Une association positive a été mise en évidence entre trajectoires d’activités et fonction cognitive. Il en est de même, plus modestement pour une association avec les performances mnésiques.

Plusieurs études antérieures avaient déjà retrouvé des associations de ce type, à un âge tardif de la vie. Ce travail confirme donc leurs résultats, validant l’existence d’une association positive entre taux d’activité cognitive et des domaines variés de cognition. Bien qu’il ne s’agisse que d’une hypothèse, il est raisonnable de penser qu’un taux d’engagement intellectuel élevé à l’âge moyen de la vie peut amener, des années plus tard, des bénéfices en matière de cognition et d’intégrité cérébrale.

Toutefois, des études ultérieures, tout comme un suivi par IRM itératives de façon longitudinale, restent à venir pour confirmer et préciser ces données initiales. Il sera aussi intéressant de comparer les profils cognitifs et l’imagerie fonctionnelle d’individus ayant eu un niveau d’activités cognitives élevé tout au long de leur existence avec d’autres ayant eu une activité moindre.

Ce travail a plusieurs points forts. Il s’est appuyé sur un échantillon bien défini et validé de participants qui avaient bénéficié d’une IRM fonctionnelle. Ces derniers avaient eu des examens répétés, durant un suivi moyen de 15 ans, de leurs activités de loisirs. Il a été procédé à un examen précis et détaillé des associations possibles entre ces activités et structure cérébrales, cognition et connectivité fonctionnelle.

A l’inverse, on peut regretter que les informations aient été recueillies par auto-questionnaire, avec un risque patent d’effet « volontaire sain ». De fait, les participants étaient, dans l’ensemble plus jeunes, avec un meilleur score MoCA et un niveau d’éducation plus élevé que des non participants. En second lieu, diverses associations restent difficiles à interpréter. Enfin, de par la nature observationnelle de ce travail, aucun lien de causalité n’a pu être établi.

En conclusion, il a été mis en évidence des associations entre importance des activités cognitives et fonction exécutive. Les résultats de ce travail renforcent l’hypothèse qu’un engagement cognitif accru parmi la population vieillissante pourrait améliorer le bien-être cognitif vie-durant.

Dr Pierre Margent

RÉFÉRENCE : Anaturk M et coll. Associations between Longitudinal Trajectories of Cognitive and Social Activities and Brain-Health in Old Age. JAMA Netw open. 2020 ; 3(8), e 2013793.

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