Publié le 13/11/2019
Une large partie de la population présente des dysfonctions cardiométaboliques, telles qu’un diabète de type 2, une hypertension artérielle, une pathologie cardiovasculaire, une obésité ou encore une dyslipidémie. Leur impact est négatif en termes de santé publique et de coûts financiers. Concomitamment, l’activité physique (AP) est fréquemment réduite. L’augmenter peut devenir une opportunité majeure pour corriger un état de santé défectueux chez un individu à risque. Or, encore de nos jours, améliorer l’AP pour cette frange de population reste un challenge difficile. Des dispositifs, tels que les podomètres (qui quantifient le nombre de pas) ou les accéléromètres (plus élaborés, comportant des capteurs de mouvements dénombrant la durée et l’intensité des périodes d’activité ou d’inactivité, monitorant la fréquence cardiaque et le nombre de calories brulées) sont actuellement disponibles. Ils peuvent s’avérer utiles pour augmenter l’AP, d’autant plus qu’ils sont simples à utiliser, relativement peu onéreux et conviviaux. Plusieurs études ont fait la preuve que l’utilisation de ces dispositifs était associé à un accroissement de l’AP à moyen terme. Mais, à ce jour, on manque encore de preuves solides étayant leur effet bénéfique à long terme chez des patients présentant une ou plusieurs affections cardio métaboliques.
Une revue systématique a donc été menée, comportant une méta analyse, pour préciser si, dans cette tranche de population très vulnérable, l’utilisation d’un podomètre ou d’un accéléromètre pouvait augmenter l’AP et améliorer différents paramètres tels que pression artérielle, glycémie, indice de masse corporelle (IMC)…. Les sources étaient les publications citées dans les principales banques de données informatiques, depuis leur création jusqu’ en aout 2018, sans restriction de langage. Ont été retenus les essais cliniques randomisés et en groupe, utilisant ces dispositifs portables dans le but de motiver et d’accroître l’AP.
Sur 1 439 publications référencées, 107 études ont fait l’objet d’une lecture complète et 36 remplissaient les critères de sélection. La population cible était celle des adultes de plus de 18 ans, à risque ou porteurs d’un diabète de type 2, d’une obésité ou d’un surpoids, d’une maladie cardiovasculaire. Étaient exclus les patients ayant présenté un AVC ischémique ou qui venaient de subir une intervention chirurgicale. Les essais ayant nécessité une hospitalisation ou qui évaluaient l’effet d’un traitement pharmacologique n’ont pas non plus été retenus. Le principal paramètre étudié était l’importance de l’AP à court terme, dans les 6 mois suivant l’intervention. Les paramètres secondaires étaient plus divers : AP à long terme, IMC, pression artérielle, constantes métaboliques… Les différences moyennes d’AP constatées ont été quantifiées par une méta analyse à effets aléatoires ; l’hétérogénéité souvent notable des publications par test I2, avec méta régression.
Sur les 36 travaux sélectionnés, 20 portaient sur l’utilisation d’un accéléromètre et 16 sur celle d’un podomètre. La plupart avaient été conduits aux USA (n = 9) ou au Royaume Uni (n = 6). Ils ont inclus, au total, 5 208 participants, d’âge moyen entre 32 et 71 ans ; 13 ont porté plus particulièrement chez des sujets de plus de 60 ans ; 4 n’ont inclus que des femmes et 16 ciblaient des diabétiques de type 2. La durée moyenne d’utilisation des dispositifs a été de 7 mois, allant de 2 semaines à 4 ans, pour un suivi post intervention (SD) de 32 (28,6) semaines. La qualité des études, et donc les biais possibles, étaient variables. Vingt-deux sur les 36 études ont été incluses dans la méta analyse (n = 4 856). Cette dernière a mis en évidence une augmentation modeste mais significative de l’AP en cas d’utilisation d’un podomètre ou d’un accéléromètre, vs un autre comparateur (différence standardisée moyenne, DSM : 0,39 ; intervalle à 95 % [IC] : 0,28- 0,51 ; i2 à 60 %). Il apparait que l’amélioration avec l’accéléromètre a été plus minime (DSM : 0,30 ; IC : 0,16- 0,44) qu’avec le podomètre (DSM : 0,52 ; IC : 0,32- 0,72).
Plus de 1 700 pas de plus par jour
Les exercices comportant l’usage d’un podomètre ont abouti à 1 702,85 pas supplémentaires (IC : 1 066- 2 339 pas) par jour pour le groupe actif vs les groupes contrôle. Les programmes avec la durée la plus longue sont, dans l’ensemble, les plus efficaces. Surtout, le contrôle de l’intervention par un professionnel de santé semble, en analyse de régression uni variable, très utile (β : 0,32 ; IC : 0,10- 0,55 ; p= 0,002), tout comme l’utilisation préférentielle d’un podomètre (β : 0,24 ; IC : 0,004- 0,48 ; p= 0,5) ou quand les essais concernent des hommes plutôt que des femmes (β :0,25 ; IC : 0,03- 0,42 ; p= 0,3). Il en va de même, pour l’implication d’un professionnel de santé ou le recours à un podomètre, en analyse multivariable et post hoc de sous-groupes.
L’utilisation de dispositifs tels que podomètre ou accéléromètre a pour effet également une réduction minime mais significative des troubles glycémiques (DMS : -0,25 % ; IC : -0,45 à – 0,06 pour le pourcentage d’HbA1c), là encore plus marquée sous podomètre. Par contre, aucune association ne peut être décelée avec la pression artérielle systolique ou diastolique, le cholestérol total, le LDL ou HDL cholestérol, le poids et l’IMC.
Cette revue avec méta analyse révèle donc que l’utilisation d’un accéléromètre, et plus encore d’un podomètre, est associée à un gain en termes d’AP allant de faible à modéré chez les individus porteurs de troubles cardiométaboliques, à court et moyen termes. Une méta régression indique que le type de dispositif utilisé et des consultations conjointes avec des professionnels de santé sont des facteurs essentiels dans l’amélioration de l’AP. Le bénéfice le plus grand semble obtenu quand on a recours à des interventions associant l’utilisation d’un podomètre et des consultations itératives avec un professionnel de santé. A l’inverse, le recours à un simple accéléromètre, sans consultation additionnelle, n’est pas associé à un accroissement de l’AP. Parallèlement au gain d’AP, on enregistre également une amélioration de l’HbA1c chez les diabétiques de type 2, sans toutefois, de modifications significatives de la pression artérielle, de la cholestérolémie ou encore du poids. Ces résultats sont en accord avec ceux de revues antérieures, la plus récente, ciblant des diabétiques de type 2 ayant rapporté également un gain modéré d’AP (DMS : 0,57 ; IC : 0,24- 0,91). Ils pourraient aussi être étendus à la population générale, indemne de pathologie chronique.
La force de cette revue tient à la qualité de la recherche bibliographique et à l’utilisation de méthodes statistiques confirmées. Elle a aussi des limites, dont une hétérogénéité majeure des publications retenues, avec nombreux risques de biais. Elle n’ a ciblé que des populations à risque et non la population globale. Enfin, l’aspect comportemental des exercices n’a pas été abordé.
En conclusion, l’utilisation d’un accéléromètre tend à augmenter légèrement l’AP (DMS : 0,30) et celle d’un podomètre un peu plus (DMS à 0,52), avec un gain moyen de 1 703 pas par jour, restant toutefois en deçà des recommandations actuelles. L’aide et la supervision par un professionnel de santé se révèlent utiles. D’autres travaux sont nécessaires pour valider ces résultats sur une période de suivi plus longue. In fine, mieux comprendre les associations entre interventions avec podomètre ou accéléromètre et AP à long terme pourrait avoir des implications majeures dans la prise en charge de sujets avec anomalies cardio métaboliques.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE : Hodkinson A et coll. : Accelerometer and Pedometer-Based Physical Activity Interventions Among Adults with Cardiometabolic Conditions. JAMA Network Open.2019 ; 2 (10) e 1912895 ;
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Bougez, même un peu, mais longtemps !
Des podomètres pour augmenter la mobilité des patients hospitalisés en réadaptation ?