Publié le 09/11/2020
Bien que le SARS-CoV-2 infecte aussi les tissus gastro-intestinaux, on ne connaît pas bien le rôle des microbes commensaux intestinaux dans la sensibilité et la gravité de l’infection. Une méta-analyse récente a rapporté que jusqu’à 20 % des malades avaient des symptômes digestifs.
Des études ont détecté le virus SARS-CoV-2 sur les écouvillons anaux et les échantillons de selles chez près de 50v% des patients avec Covid-19, suggérant que le tube digestif pourrait être un site extra-pulmonaire pour la réplication et l’activité du virus.
Ces perturbations microbiennes de l’hôte associées au SARS-CoV-2 pourraient affecter la réponse à l’infection virale ainsi que l’efficacité des futurs vaccins.
Les auteurs ont effectué, du 5 février au 17 mars 2020, des analyses de séquençage métagénomique sur des échantillons fécaux concernant 15 patients atteints de la Covid-19 à Hong Kong. Les prélèvements ont été collectés 2 ou 3 fois par semaine à partir de l’hospitalisation et jusqu’à la sortie des patients.
La maladie virale a été classée comme légère (aucun signe radiographique de pneumonie), modérée (présence de pneumonie), sévère (fréquence respiratoire > 30 / min, ou saturation en oxygène < 93 % en air ambiant), ou critique (insuffisance respiratoire nécessitant une ventilation mécanique, choc ou défaillance d’organe nécessitant des soins intensifs).
Les données sur le microbiote ont été comparées avec celles de 6 sujets atteints de pneumonie communautaire et de 15 individus sains (témoins).
Des altérations significatives du microbiote fécal corrélées avec la gravité de la maladie
Les patients atteints de Covid-19 naïfs d’antibiotiques, présentent, par rapport aux témoins et à tous les moments de l’hospitalisation, des altérations significatives du microbiote fécal, caractérisées par un enrichissement en agents pathogènes opportunistes et une déplétion des commensaux bénéfiques.
Les symbiotes appauvris et la dysbiose intestinale ont persisté même après la clairance du SARS-CoV-2 (déterminée à partir de prélèvements de gorge) et la résolution des symptômes respiratoires.
L’abondance initiale de Coprobacillus, de Clostridium ramosum et hathewayi est en corrélation avec la gravité de la Covid-19 ; une corrélation inverse est notée entre l’abondance de Faecalibacterium prausnitzii (une bactérie anti-inflammatoire) et la gravité de la maladie.
Au cours de l’hospitalisation, Bacteroides (B.) dorei, thetaiotaomicron, massiliensis et ovatus, qui régulent à la baisse l’expression de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE2) dans l’intestin murin, sont inversement corrélés avec la charge de SARS-CoV-2 dans les échantillons fécaux des patients.
Des études antérieures ont montré que les infections respiratoires (grippe et virus syncytial) peuvent altérer le microbiote intestinal. Celles-ci prédisposent les patients à des infections bactériennes secondaires, qui ont souvent une évolution clinique plus sévère.
Ce travail, qui comporte peu de patients porteurs du coronavirus, montre l’enrichissement de la flore intestinale par des agents pathogènes opportunistes. La plupart de ces bactéries sont associées à une bactériémie et à une forme grave de Covid-19 secondairement surinfectée.
Déplétion des commensaux bénéfique
L’ACE2, point d’entrée respiratoire du coronavirus, est fortement exprimé dans l’intestin et l’on sait que les espèces de B. régulent à la baisse l’ACE2 dans le côlon murin. Quatre d’entre elles sont ici inversement corrélées à la charge virale et à la gravité du Covid-19, tandis que B. dorei supprime l’expression de l’ACE2 colique et calibre la réponse immunitaire de l’hôte.
Les taux les plus élevés de mortalité et de morbidité dus au SARS-CoV-2 ont été signalés chez les patients plus âgés et chez ceux souffrant de maladies chroniques (HTA, obésité, diabète sucré et coronaropathie). Chez ces sujets vulnérables, l’abondance d’espèces de B. était plus faible que celle des individus sains.
Ces résultats demandent une confirmation sur un plus grand échantillon mais suggèrent que la configuration du microbiote intestinal d’un individu normal puisse affecter la sensibilité et la réponse du sujet à l’infection par le coronavirus.
Ces données conduisent également à éviter l’utilisation d’antibiotiques inutiles dans le traitement de la pneumopathie virale, car ceux-ci peuvent éliminer les bactéries bénéfiques et affaiblir la barrière intestinale.
En conclusion, dans une étude pilote de 15 patients atteints de Covid-19, des altérations persistantes du microbiote fécal ont été trouvées, pendant leur hospitalisation.
Celles-ci se caractérisent par un enrichissement en agents pathogènes opportunistes et une déplétion des commensaux bénéfiques ; elles sont associées aux taux fécaux du SARS-CoV-2 et à la gravité de la maladie.
Les stratégies visant à modifier le microbiote intestinal pourraient améliorer les effets gastro-intestinaux du coronavirus et réduire la gravité de la maladie.
Dr Sylvain Beorchia
RÉFÉRENCE: Zuo T, Zhang F, Lui GCY et coll. : Alterations in Gut Microbiota of Patients With COVID-19 During Time of Hospitalization. Gastroenterology 2020;159 : 944–955
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