Publié le 22/04/2020
L’impact négatif de l’obésité sur le pronostic des formes sévères du Covid-19 se confirme à l’échelon mondial (1,2). C’est notamment le cas aux Etats-Unis où plus d’un Américain sur trois (36 %) est atteint de cette maladie chronique.
Cette comorbidité semble contribuer largement à la lourde mortalité occasionnée dans ce pays par le Covid-19 même chez les sujets relativement jeunes, de moins de 60 ans (2). Un article synthétique (3) attire l’attention sur les mécanismes et les facteurs, pour certains hypothétiques, qui semblent présider à la vulnérabilité des patients obèses face à diverses infections virales incluant certes le SARS-Cov-2 mais aussi influenza et ses comparses impliqués dans les épidémies saisonnières de la grippe.
Il est avéré qu’au cours de ces dernières, les sujets obèses paient un plus lourd tribut que ceux dont le poids est normal ou pas trop élevé. Par ailleurs, cette synthèse met en exergue quelques particularités épidémiologiques et envisage des mesures préventives.
Une inflammation systémique chronique
De fait, de nombreux mécanismes expliquent la susceptibilité des patients obèses face aux infections virales dont le Covid-19. Des déséquilibres hormonaux, une défaillance de l’immunité innée et adaptative et la sédentarité conjuguent leurs effets pour favoriser ces infections et accroître leur sévérité. Une inflammation systémique chronique de faible grade contribue au dysfonctionnement métabolique qui caractérise l’obésité.
Elle repose sur la mise en jeu de certaines cytokines pro-inflammatoires telles le TNF-alpha et l’interleukine-6 qui sont produites par la graisse viscérale, véritable glande endocrine.
C’est au niveau de l’appareil respiratoire, notamment du poumon, que la faiblesse immunitaire pourrait avoir les conséquences les plus sévères, d’autant que la mécanique ventilatoire, les échanges alvéolo-capillaires et la mobilité diaphragmatique peuvent être déficients en cas d’obésité abdominale et aboutir à une insuffisance respiratoire chronique plus ou moins patente, souvent méconnue du fait de la sédentarité.
Tout est donc réuni pour affaiblir cet organe face aux agressions virales.
Des facteurs favorisants une dissémination virale plus importante et plus prolongée
La haute prévalence de l’obésité au sein de la population générale de nombreux pays pourrait favoriser l’apparition et la dissémination prolongée de souches virales virulentes au point de contribuer à la mortalité globale d’une pandémie, qu’elle soit en rapport avec SARS-CoV-2 ou influenza, voire d’autre virus.
En effet, trois facteurs contribueraient à augmenter la contagiosité des patients obèses :
- une excrétion plus prolongée du virus (dans le cas de la grippe : jusqu’à + 104 %) par rapport aux sujets de poids normal(3);
- un micro-environnement cellulaire et métabolique propice à l’émergence de souches virales plus virulentes, là aussi dans le cas d’influenza, probablement du fait d’une moindre production d’interférons permettant au virus de se répliquer tranquillement mais rien de tel n’a été évoqué dans le cas de SARS-CoV-2 ;
- il existerait une corrélation positive entre l’indice de masse corporelle et la quantité de virus dans l’air expiré surtout chez les hommes(3). Les infections virales peuvent-elles par ailleurs favoriser une prise de poids ? La question se pose mais les théories biologiques et pathogéniques avancées pour lui répondre ne reposent sur aucune base épidémiologique solide(3).
Régime et activité physique pour renforcer les défenses immunitaires
Au stade de la pandémie actuelle et du confinement, tout doit être fait pour lutter contre l’embonpoint. Pour renforcer des défenses immunitaires amoindries par l’obésité, rien de tel qu’une d’une bonne hygiène de vie combinant en premier lieu régime et exercice régulier, même modéré : c’est sans doute la pierre angulaire de la prévention des infections virales dans le contexte de l’obésité.
L’exercice a un effet bénéfique sur les biomarqueurs de l’inflammation chronique (3) et sur l’efficacité de l’immunité adaptative (3), plus que le régime mais il est permis en associant régime et exercice d’aller plus loin dans le contrôle de tous les risques liés à la maladie… qui au demeurant par eux-mêmes augmentent le risque d’infection. Le bénéfice concerne aussi les désordres hormonaux qui, par exemple, sous-tendent l’insulinorésistance ou font intervenir l’adiponectine.
Traiter un diabète associé
La pharmacothérapie ne s’envisage qu’en cas de diabète associé à l’obésité.
L’exercice doit ses effets bénéfiques au moins en partie à l’activation de l’AMP-kinase. Dès lors, il semble logique de recourir, dans certains cas, à des médicaments dont le mécanisme d’action repose sur cette voie de signalisation cellulaire.
C’est le cas des activateurs de l’AMPK telle la metformine destinée au traitement du diabète de type 2 souvent associé à l’obésité et douée d’effets biologiques puissants bien mis en évidence par l’expérimentation animale, mais moins bien documentés chez l’homme : effet anti-sédentarité (chez la souris…), activité anti-oxydante et anti-inflammatoire mais aussi immunomodulation.
Les agonistes des PPARs gamma (Peroxisome proliferator-activated receptors), tels la rosiglitazone et la pioglitazone jouent également un rôle important dans la régulation de l’inflammation et du métabolisme lipidique par le biais de la réduction des taux des cytokines pro-inflammatoires (IL6, INF γ). Ces médicaments utilisés dans le diabète de type 2 associé ou non à une obésité semblent avoir la capacité de réduire le risque d’infection grippale (3) ou plus généralement virale notamment chez l’animal en modulant la réponse inflammatoire.
Quelle est la place de ces médicaments dans la prévention des infections grippales sévères, voire des formes sévères du Covid-19 ? La question se pose mais aucune réponse ne peut lui être actuellement apportée en l’absence de données épidémiologiques.
En attendant un vaccin
En attendant le développement d’un vaccin contre le Covid-19, l’obésité mérite qu’on s’y attarde en raison de sa prévalence, de ses conséquences pronostiques et des bienfaits de sa prévention. Perdre du poids en mangeant moins et en bougeant plus, c’est possible –quoiqu’ardu- même en période de confinement, c’est même salutaire: la restriction calorique permet non seulement de diminuer la surcharge pondérale, mais aussi d’activer l’AMP-kinase et de potentialiser l’effet immunomodulateur de l’exercice physique.
Le recours à certains médicaments tels les activateurs/agonistes de l’AMPK et des PPAR gamma en cas de diabète associé peut être utile. En cas de positivité du test RT-PCR, une quarantaine un peu plus prolongée est-elle souhaitable ? La question se pose car la durée de l’excrétion virale serait plus longue en cas d’obésité dans le cas de la grippe (3) mais rien de tel n’a été suggéré dans pour le Covid-19.
Dr Philippe Tellier
RÉFÉRENCES :
- Simonnet A et coll. High prevalence of obesity in severe acute respiratory syndrome coronavirus-2 (SARS-CoV-2) requiring invasive mechanical ventilation. Obesity (Silver Spring). 2020 (8 avril) : publication avancée en ligne le 8 avril. doi: 10.1002/oby.22831.
- (2) Lighter J et coll. Obesity in patients younger than 60 years is a risk factor for Covid-19 hospital admission. Clinical Infectious Diseases 2020 : publication avancée en ligne le 9 avril. doi.org/10.1093/cid/ciaa415
- (3) Luzi L et coll. Influenza and obesity: its odd relationship and the lessons for COVID-19 pandemic. Acta Diabetol. 2020 : publication avancée en ligne le 5 avril. doi: 10.1007/s00592-020-01522-8.
Copyright © http://www.jim.fr