Publié le 22/05/2020

Parmi les facteurs qui aggravent considérablement le pronostic des formes sévères de la Covid-19, figure en bonne place l’obésité. C’est notamment le cas pour les patients hospitalisés dans les unités de soins intensifs, où la prévalence de l’obésité est élevée si l’on se réfère aux quelques études transversales publiées depuis le début de l’épidémie, qu’elles proviennent des Etats-Unis ou d’Italie.

Les relations entre obésité et gravité de la Covid-19 n’en restent pas moins imparfaitement explorées et, à cet égard, il est intéressant de signaler les résultats d’une étude française transversale du type cas-témoins menée au CHU de Lyon dans lequel, le 27 mars 2020, étaient hospitalisés 357 patients atteints d’une forme sévère à critique de Covid-19.

Un quart des patients ont un IMC de plus de 30

Seuls 340 malades ont été inclus dans l’analyse des données, car chez 14 patients, le calcul de l’indice de masse corporelle (IMC) s’est avéré impossible, mais ces derniers ne différaient en rien des précédents sur le plan clinique. La situation était jugée non critique pour 230 cas (68 %) et critique pour 110 patients (32 %).

A des fins de comparaison, un groupe témoin a été constitué de 1 210 patients dont l’IMC était connu, tous admis dans les USI de l’hôpital universitaire de Lyon tous les 27 mars des années comprises entre 2007 et 2019.

Un patient sur quatre (85/340, 25 %) atteint d’une Covid-19 souffrait d’une obésité sévère (IMC > 30 kg/m2), à comparer au taux de 15,3 % dans la population adulte française en 2014.

Prévalence encore plus élevée pour les formes critiques

Après standardisation selon l’âge et le sexe, la prévalence de l’obésité en cas de Covid-19 sévère s’est avérée 1,35 fois (intervalle de confiance à 95 % IC 95% 1,08–1,66 ; p = 0,0034) plus élevée qu’au sein de la population générale. Au sein de l’USI réservée aux formes graves de l’infection, la prévalence de l’obésité était proche du double de celle de la population générale, soit 1,89 (IC 95 % 1,33–2,53).

Une analyse multivariée par régression logistique avec ajustement selon l’âge et le sexe, a confirmé que la prévalence de l’obésité était aussi plus élevée en cas de Covid-19 critique, égale à près du double de celle des cas non critiques (Odds Ratio 1,96 ; IC 95 % 1,13–3,2 ; p=0,018).

Par rapport à la population générale mais aussi à des témoins en USI pour d’autres motifs

Parmi les 1 210 patients témoins admis en USI les années précédentes, la prévalence de l’obésité était de 26 %. Mais pour les patients atteints de Covid-19 critique admis en USI, l’obésité était plus fréquente que chez ces témoins avec un OR de 1,69 (IC95 % 1,10–2,56 ; p = 0,017), ceci après ajustement en fonction de l’âge et du sexe.

Ces résultats concordent avec ceux préliminaires d’autres études transversales du même type menées notamment à Lille retrouvant un OR proche de 3 lors de la comparaison témoins et patients Covid+ admis en USI. Par ailleurs, l’évolution de la maladie est plus sévère en cas d’obésité avec davantage d’admissions en USI et de recours plus fréquent à la ventilation mécanique, d’autant plus probable que l’IMC s’éloigne des 30 kg/m2 pour atteindre voire dépasser les 35 kg/m2, ceci dans l’étude menée à Lille.

Cette étude transversale française confirme donc la prévalence élevée de l’obésité chez les patients atteints d’une forme sévère ou critique de la Covid-19, y compris ceux admis en USI. Des études longitudinales multicentriques indépendantes sont les bienvenues pour préciser l’évolution de ces formes cliniques de la maladie et l’impact de l’obésité sur cette dernière indépendamment des facteurs de confusion multiples, qu’il s’agisse des comorbidités associées (diabète, HTA, stéatose hépatique non alcoolique etc.) ou encore du statut socio-économique.

Si l’évolution semble bien être péjorative chez les patients atteints à la fois d’une Covid-19 et d’une obésité avérée, encore faut-il repérer les facteurs qui pèsent le plus dans celle-ci… pour les corriger ou les atténuer dans la mesure du possible.

Dr Philippe Tellier

RÉFÉRENCE: Caussy C et coll. : Prevalence of obesity among adult inpatients with COVID-19 in France. Lancet Diabetes Endocrinol 2020 Published Online May 18, 2020 https://doi.org/10.1016/ S2213-8587(20)30160-1.

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