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Les observateurs sont formels, les jeunes manquent gravement de littératie physique.
PHOTO : RADIO-CANADA / PAUL LANDRY Mathieu Massé Publié le 4 septembre 2019
L’apprentissage des mouvements physiques de base, qui constituent la « littéracie physique », se fait plus difficilement que par le passé. Au banc des accusés : la sédentarité, mais aussi un changement dans les modes de jeu des plus jeunes.
La rentrée est arrivée et dans tous les gymnases résonneront les ballons, les espadrilles et les cris des enfants. Courir, sauter, lancer, des mouvements qui peuvent sembler simples, mais qui doivent aussi s’apprendre.
Comme l’alphabet qui compose les mots qu’on lit, chaque compétence physique détermine les activités, sportives ou non, que l’on pratique.
La littératie physique peut aussi être vue comme un cercle. La compétence physique amène une confiance en soi. La confiance apporte la motivation de pratiquer plus de sport et d’acquérir plus de compétences.
Un cercle brisé
Les observateurs sont de plus en plus nombreux à affirmer que les jeunes manquent gravement de littératie sportive. L’Hôpital pour enfants de l’est de l’Ontario a effectué une étude sur 10 000 enfants de 8 à 12 ans à travers le Canada. Les chercheurs ont découvert que seulement un tiers possédait un niveau de littératie physique de base.
En Australie, un test simple consistait à faire rebondir un ballon et à l’attraper. Il a démontré que le nombre de fois que les enfants peuvent le faire en 20 secondes est passé de 14 fois en 1994 à huit en 2018.
En 1994 les enfants pouvaient passer 22 secondes en équilibre sur une jambe, comparé à 15 secondes en 2018.
Conclusion d’une étude réalisée par l’Université Western Australia
Le cercle de la littératie sportive semble bel et bien brisé.
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L’importance de jouer dehors
Gabriel LeBlanc connaît bien la problématique. Il a eu l’occasion d’en être un témoin privilégié pendant les années où il était à la tête d’Athlétisme NB. Apprendre un nouveau mouvement, c’est très complexe pour eux. Des affaires aussi simples pour les jeunes de pouvoir lancer une balle, faire un transfert de poids, pouvoir bien courir ou bien sauter.
PHOTO : RADIO-CANADA / PIERRE RICHARD
Gabriel LeBlanc a remarqué que les jeunes ont plus de difficulté à apprendre de nouveaux mouvements de base comme lancer ou attraper.
Il est inquiétant de voir des jeunes qui ne savent plus bouger, selon lui.
Il faut savoir bouger, comment utiliser son corps, puis on parle pas juste de sport et d’activité physique, mais plus tard comment éviter des blessures, lever des boîtes, on utilise notre corps tous les jours.
Gabriel LeBlanc, ancien directeur général, Athlétisme NB
Même son de cloche du côté de Dave Thériault, vice-président à la programmation au YMCA du Grand Moncton. S’il dénonce, comme beaucoup de spécialistes, la sédentarité et les heures passées devant les écrans, il croit que le problème est beaucoup plus profond. Avant, c’était spontané pour les jeunes d’aller jouer dehors. Aujoud’hui, créer des activités de toutes pièces sans supervision, ils ont beaucoup de misère avec ça.
PHOTO : RADIO-CANADA / PAUL LANDRY
Dave Thériault, vice-président à la programmation au YMCA de Moncton est inquiet de voir des jeunes qui jouent de moins en moins à l’extérieur.
Gabriel LeBlanc est bien d’accord: Avant on voyait des parties de hockey dans le chemin, puis on le voit beaucoup moins, des jeunes en train de juste jouer à différents sports ou en train de faire des équipes de quartier.
Le professeur d’éducation physique à l’école Le Sommet de Moncton, Éric Fortin, estime que les jeunes sont un peu moins « préparés » à leur arrivée à l’école que leurs aînés. On jouait beaucoup dehors, il y avait les gens de la communauté avec qui on jouait, comme les grands frères et grandes soeurs qui eux, nous apprenaient des choses avant d’aller à l’école.
Ce scénario se voit beaucoup moins aujourd’hui, dit-il. L’idée d’apprendre par soi-même, sans un entraîneur pour les guider, semble prendre les jeunes de court.
On est attiré vers la technologie et on s’écarte un peu du jeu libre moins structuré où on apprend des choses par soi-même.
Dave Thériault, vice-président à la programmation, YMCA du Grand Moncton
Le rôle des parents
Éric Fortin invite les parents à se montrer observateurs, surtout lorsque leur enfant est en compagnie d’autres jeunes de leur âge. Souvent c’est juste quelque chose dont on ne se rend pas compte, mais c’est des petites étapes physiques, des habiletés qu’on n’a pas assez pratiquées.
C’est pourquoi il travaille continuellement à motiver les enfants pour leur donner ces clés qui leur ouvriront les portes de l’activité physique. [Il faut] leur faire connaître du succès dans ces habiletés, pour pouvoir vouloir continuer dans ces activités.
PHOTO : RADIO-CANADA / PAUL LANDRY
Éric Fortin est professeur d’éducation physique à l’école Le Sommet. Il travaille quotidiennement à motiver les jeunes à développer leurs compétences physiques.
Sans des compétences physiques de base, difficile de motiver les jeunes et de leur donner confiance. C’est le chaînon manquant dans le cercle de la littératie physique.
Les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Canada mettent l’épaule à la roue en finançant les activités sportives et la littératie physique grâce au programme « ALLEZ-Y NB » qui investit chaque année environ 500 000 $ dans les projets sportifs de communautés.
Dave Thériault, estime qu’il faut en faire plus pour améliorer la situation. On ne peut pas laisser les autres faire le travail. C’est aux parents et aux organismes communautaires d’éduquer les jeunes pour faire en sorte qu’ils soient plus actifs.
Pour Gabriel LeBlanc, l’exemple le plus simple pour illustrer l’importance de la littératie physique est celui de la littératie tout court: Si on n’est pas capable de lire quelques phrases simples, plus tard dans la vie il ne va pas lire de grands chef d’œuvres.
Alors si un jeune ne sait pas comment bien bouger, si on ne lui donne pas le goût de l’activité physique, il ne va pas s’inscrire à la ligue adulte de balle molle ou de marche plus tard.
Mathieu Massé