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Le skipper-barreur du défi néo-Zélandais, Peter Burling est un surdoué de la voile.

A 31 ans, celui qui est souvent considéré comme le meilleur régatier du monde, a déjà un palmarès incroyable en voile olympique.

Mais il est aussi le plus jeune double-vainqueur de la Coupe de l’America.

Portrait.

Peter Burling. | AFP

Ouest-France Jacques GUYADER. Modifié le 19/03/2021 à 17h03

C’était un 3 juillet 2018 à Lorient.

Un jour d’été breton, ciel gris clair, température moyenne et gentille petite brise du large.

A quatre mois de la Route du Rhum, Sébastien Josse et Gitana 17 multipliaient les sorties d’entraînements au large du Morbihan pour peaufiner réglages et manœuvres.

Cet après-midi-là, à bord, entre Groix et Les Glénans, alors que le maxi trimaran filait au-delà des 36 nœuds, ce n’était pas le skipper habituel qui tenait la barre en mains.

Non, c’était un grand gaillard aux épaules larges, au menton carré et au regard indécelable derrière ses lunettes de soleil.

Casquette inamovible et posture imperturbable.

C’était donc lui.

« Lui, c’est qui ? » chuchota alors un autre invité du bord. ​

« My name is Burling, Peter Burling », aurait-il pu répondre s’il n’avait pas été ultra concentré à garder son cap.

Un invité de marque pour l’écurie de course basée à Lorient.

Presque déjà une légende de la voile mondiale à ce moment-là, malgré ses seulement 27 ans.

Sébastien Josse à l’époque skipper de Gitana, avait accueilli Peter Burling à son bord. | THOMAS BREGARDIS/OUEST-France

En ce début d’été 2018, Peter Burling vient d’achever un tour du monde en équipage sur la Volvo Ocean Race à bord de Brunel, jouant la victoire jusqu’à quelques heures de l’arrivée à La Haye.

Un trophée qui manque encore dans son armoire déjà débordante de coupes, de médailles de tous métaux, et d’aiguière d’argent.

Un trophée qui lui aurait permis d’enchaîner en trois ans, une médaille d’or en 49er aux Jeux de Rio 2016, une victoire dans la Coupe de l’America 2017 à la barre de team New Zealand, et une victoire dans la plus prestigieuses des courses au large.

C’eut été un triplé unique dans l’Histoire.

Dans ce sport, la voile, qui permet d’être compétitif au-delà des 50 ans, être le barreur officiel et victorieux d’un bateau de la Coupe de l’America à 26 ans, c’est un peu comme si Mbappé avait remporté la Ligue des Champions à 15 ans.

Peter Burling, soulève l’aiguière d’argent en 2017 aux Bermudes. | REUTERS

Surdoué », « précoce », « hyper talentueux », « hors-norme sont les mots qui sortent de la bouche de ses adversaires quand on leur demande de qualifier le prodige kiwi.

Peter Burling est né à Tauranga en 1991.

Une ville importante de l’Ile du Nord en Nouvelle-Zélande, où rien n’est de toute façon bien éloigné de l’Océan.

Il a tout juste six ans lorsqu’il tire ses premiers bords dans la baie voisine sur un Optimist en bois, nommé « Jelly tip », comme le nom d’un célèbre esquimau glacé local fourré à la gelée de framboise.

Il démarre la compétition à 9 ans, et décroche son premier titre de champion de Nouvelle-Zélande trois ans plus tard.

Le jeune Peter passe alors en 420 et devient champion du monde avec son copain Carl Evans à l’âge de 15 ans (déjà un record).

Puis, dans toutes les catégories où il s’aligne il remporte des titres.

Et à 17 ans, à Pekin, il devient même le plus jeune représentant de la Nouvelle-Zélande aux Jeux olympiques, et décroche une 11e place en 470, une des séries olympiques les plus étoffées.

En parallèle, celui qui a aussi pratiqué le football et le cricket poursuit des études sérieuses qui le mènent en école d’ingénieur.

Mens sana in corpore sano.

Sextuple champion du monde

C’est à cette époque-là aussi qu’il passe dans la catégorie des 49er, dériveur olympique surtoilé, mené en duo, et très populaire dans le monde anglo-saxon.

Avec son coéquipier Blair Tuke, qui devient son double, et qu’il considère un peu comme son frère désormais, Peter Burling, décroche l’argent aux Jeux de Londres de 2012, à 21 ans.

Le tandem devient vite intouchable dans la catégorie, et enchaîne les titres de champions du monde, six, de 2013 à 2020, en autant de participations, et s’offre enfin l’or olympique à Rio.

Une trajectoire de météorite qui lui offre la barre de l’équipe néo-zélandaise de Youth America’s cup en 2013… qu’il remporte, avant de se voir confier celle du défi kiwi en 2015, délogeant pour le coup le skipper tutélaire Dean Barker.

Et à 27 ans, en matant en finale, 7-1, les defenders américains, il devient le plus jeune vainqueur de la vénérable Coupe de l’America. N’en jetez plus !

Ceux qui l’ont approché, ses coéquipiers notamment, ne tarissent pas d’éloges sur celui que beaucoup considèrent désormais comme le meilleur régatier au monde.

Il a un talent et une humilité déconcertante, juge Sébastien Josse qui l’avait accueilli à bord de Gitana 17​.

Il a un truc en plus, un sens peut-être, en tout cas plus développé que d’autres marins.

C’est un mec très zen et posé.

Je me souviens qu’il regardait énormément l’écoulement de l’eau sur les foils et peu le réglage des voiles.

Il a un feeling et ressenti certainement très développé pour la glisse.

Sortie au large de Lorient (56) sur le multicoque class Ultim, Gitana 17 avec pour skipper Sébastien Josse.

Invité de marque ce jour-là à bord, Peter Burling (à gauche) en compagnie de Thomas Rouxel, co-skipper

Sortie en mer en vue de la prochaine route du Rhum | OUEST FRANCE ARCHIVES

Le Français Thomas Rouxel, l’un des équipiers les plus recherchés en course au large, est celui qui avait invité Peter Burling à venir naviguer à bord de l’Ultim de l’écurie Rothschild.

Les deux marins s’étaient connus sur la Volvo Ocean Race où ils étaient coéquipiers à bord de Team Brunel.

Je ne l’ai vu barrer que le Volvo 65, raconte le Finistérien, mais c’est certain qu’il avait des pourcentages de performance très élevée.

C’était le barreur le plus rapide de l’équipage.

Et avec des réglages très pointus et très performants mais qui sont très durs à barrer surtout quand il faut barrer 2 heures de rang comme sur la Volvo.

« Il gagnera l’Ocean Race… »

Perfectionniste, toujours à la recherche du détail qui permet de gagner un peu de vitesse, le champion olympique n’avait pourtant pas une grosse expérience de la course au large.

À bord de Brunel il avait certes un toucher de barre extra, se souvient également Yann Riou, média man du bord sur le tour du monde en équipage.

Mais surtout, ce qui m’avait étonné, c’était son adaptation au large.

Et j’en suis sûr, un jour il gagnera l’Ocean Race, tellement il est à l’aise.

En fait, il combine l’excellence de l’olympisme et l’aisance au large.

Avoir Peter Burling à bord a d’ailleurs boosté la performance de l’équipe néerlandaise, qui est montée en régime tout au long de la course, jusqu’à jouer pour la victoire finale .

Même quand il était hors quart, poursuit Thomas Rouxel ​, s’il sentait que le bateau n’était pas à 100 %, il ressortait sur le pont pour essayer de trouver des solutions, alors que dans les mers du sud généralement quand tu finis ton quart, t’es content d’aller t’abriter à l’intérieur.

Peter Burling, et TNZ mènent 5-3 ce lundi dans la Coupe de l’America. | REUTERS

Révélé par l’olympisme, Peter Burling n’en a pas moins multiplié les expériences de toutes sortes depuis son enfance. Son père, Richard Burling, en est persuadé : les énormes compétences de son fils proviennent justement de la variété des bateaux sur lesquels il a navigué, qu’ils aient, une, deux ou trois coques, qu’ils l’emmènent tirer des bords dans la baie d’Auraki, ou sur les rudes mers du Grand Sud.

Souvent au prix d’une approche détachée de tout affect.

Un jour à bord de Brunel, se souvient Yann Riou, ​le repas fait de lyophilisé n’était vraiment pas bon, voire infect même.

Moi j’avais du mal à l’avaler, et lui mangeait.

Je lui ai demandé : Peter, tu aimes ?

Il a levé les yeux et m’a répondu : c’est de la nourriture, et pour être en forme il faut manger.

Voilà c’est tout.

« Il ne s’énerve jamais… »

Une vision très anglo-saxonne du sport, qui ne s’embarrasse pas toujours des états d’âme des individus quand l’essentiel reste la performance de l’équipe.

Sur Brunel, au début, ça n’allait pas bien, notamment jusqu’à l’étape d’Adelaïde, poursuit Yann Riou​.

On a donc fait une grosse réunion pour mettre tout à plat, tout le monde s’est parlé.

Certains reprochaient au skipper de ne pas être informé de ceci ou cela.

Lui, il a pris la parole et il a dit : « As-tu besoin d’être au courant de ceci ou cela.

On attend de toi que tu règles les voiles, alors règles.

Toi on attend que tu barres bien, alors barres… c’est tout.

Le team Emirates New Zealand salue son public après une victoire sur Luna Rossa | AFP

Pour autant derrière l’apparence d’un marin un peu froid se cache selon l’avis général, une personne discrète mais attentionnée.

C’est quelqu’un de très accessible, comme souvent avec les meilleurs, juge le mediaman actuel de Gitana, très proche également de Franck Cammas et Charles Caudrelier.

Tout de suite quand on s’est rencontré cela m’a paru facile… à part la compréhension de son anglais.

Il est très physionomiste, il se souvient des gens, de leur nom, de leur prénom.

Peu disert lors de ses interviews, il est aussi d’une grande maîtrise de son comportement à bord.

Il est tout le temps calme, se souvient Thomas Rouxel​.

Il ne s’énerve jamais même quand la pression monte. »

Dans une interview au site Stuff, Hamish Wilcox, entraîneur de Peter Burling depuis 2004 disait du caractère de son protégé : « La plus grande force de Peter est sa stabilité mentale.

Il est solide comme le roc et imperturbable

Face à son rival, l’Australien Jimmy Spithill, barreur du Défi italien Luna Rossa, et surnommé le “pitbull”, pour son agressivité tactique sur les phases de départ, tout l’enjeu de Peter Burling sera de ne pas se laisser déstabiliser.

Une deuxième victoire consécutive dans la plus prestigieuse des compétitions de voile, le placerait au Panthéon de la discipline.

A quelques mois des JO de Tokyo, où avec Blair Tuke il retournera chercher l’or, avant de revenir peut-être un jour à Lorient, naviguer à nouveau sur un trimaran géant.

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