jeudi 7 décembre 2023
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Marlene Busko – AUTEURS ET DÉCLARATIONS 5 décembre 2023
Consommation de cannabis : un risque de maladies cardiaques et d’AVC (medscape.com)
États-Unis – La consommation de cannabis est associée à un risque accru de maladies cardiaques et d’AVC, selon deux études présentées lors des sessions scientifiques du congrès 2023 de l’American Heart Association (AHA).
La consommation quotidienne de marijuana est liée à un surrisque de 34 % d’insuffisance cardiaque dans les quatre ans, par rapport à la non-consommation, selon une nouvelle étude d’observation [1].
Alors que dans une autre étude [2], les troubles liés à la consommation de cannabis ont été associés à un risque accru de 20 % d’événements cardiaques et cérébraux indésirables majeurs (ECCM) au cours d’une hospitalisation chez des patients plus âgés présentant un risque cardiovasculaire et qui ne fumaient pas de tabac.
Les chercheurs soulignent qu’il s’agit de données d’observation et qu’elles ne peuvent donc montrer qu’une association et non un lien de cause à effet, mais qu’elles s’appuient sur d’autres résultats récents.
Malgré les limites de l’étude, « s’agit-il d’un signal ?
Absolument », a déclaré le Pr Robert L. Page II, docteur en pharmacie, dans un entretien avec theheart.org | Medscape Cardiology*.
*Le Pr Page est professeur à la Skaggs School of Pharmacy and Pharmaceutical Sciences de l’Université du Colorado (États-Unis) et a présidé le groupe de rédaction de la déclaration scientifique 2020 de l’AHA : « Medical Marijuana, Recreational Cannabis, and Cardiovascular Health ».
Il n’a participé à aucune des deux études en cours.
Consommation de marijuana et risque d’insuffisance cardiaque
La consommation de marijuana aux États-Unis a augmenté de façon exponentielle avec la légalisation croissante au niveau des états, mais son effet sur la santé cardiovasculaire n’est pas clair, écrivent les auteurs de la première étude, les Drs Yakubu Bene-Alhasan et coll (Baltimore, Etats-Unis).
Dans leur travail, les chercheurs ont évalué l’association entre la consommation de marijuana et le risque d’insuffisance cardiaque par rapport à des non-consommateurs.
Ils se sont appuyés sur les données d’enquête et les dossiers médicaux des participants au programme de recherche All of Us parrainé par les National Institutes of Health.
Ils ont identifié 156 999 adultes âgés de 18 ans ou plus qui n’avaient pas reçu de diagnostic d’insuffisance cardiaque au départ.
L’âge moyen des participants était de 54 ans et 61 % d’entre eux étaient des femmes.
Environ un quart d’entre eux souffraient d’hypertension (24 %) ou d’hyperlipidémie (23 %), 9,2 % avaient un diabète de type 2 et 9 % une maladie coronarienne.
L’indice de masse corporelle (IMC) médian était de 28 ; 17 % étaient des fumeurs et 22 % d’anciens fumeurs. Presque tous avaient une assurance santé (95 %).
Sur la base de la consommation de marijuana déclarée par les participants, définie comme une consommation non prescrite ou supérieure aux doses prescrites au cours des trois mois précédents, ils ont été classés comme n’ayant jamais consommé de marijuana (107 976 participants), comme anciens consommateurs (33 816) ou comme consommateurs moins que mensuels (7 292), mensuels (1 686), hebdomadaires (2 326) ou quotidiens (3 903). Au cours d’un suivi médian de 45,3 mois, 2 958 cas d’insuffisance cardiaque ont été recensés.
Par rapport aux personnes n’ayant jamais consommé de marijuana, les consommateurs quotidiens de marijuana présentaient un risque accru d’insuffisance cardiaque de 34 % après ajustement en fonction de l’âge, du sexe, de la race, de l’origine ethnique, de la consommation d’alcool, du tabagisme, de l’éducation, de l’emploi, du revenu, de l’assurance maladie, du diabète de type 2, de l’hypertension, de l’hyperlipidémie et de l’IMC (hazard ratio [HR], 1,34 ; IC 95 %, 1,04-1,72).
Cependant, après ajustement supplémentaire pour la maladie coronarienne, le risque d’insuffisance cardiaque n’était plus significatif (HR, 1,27 ; IC 95 %, 0,99-1,62), ce qui suggère que la maladie coronarienne est une voie par laquelle la consommation quotidienne de marijuana peut déboucher sur ce résultat.
« Étant donné qu’il s’agit d’une étude d’observation, nous ne pouvons pas affirmer que la consommation de marijuana provoque une insuffisance cardiaque », a déclaré le Dr Bene-Alhasan.
Cependant, « au fil des ans, de plus en plus de rapports font état d’effets négatifs associés à la consommation de marijuana », a-t-il fait remarquer.
« Cette étude et la plupart des études suggèrent que la consommation de marijuana a des effets néfastes, en particulier sur le système cardiovasculaire. »
« Compte tenu de l’augmentation de la consommation de marijuana, tout médecin sera confronté à ce problème.
Il serait difficile et probablement contraire à l’éthique d’examiner ces risques dans le cadre d’un essai contrôlé randomisé », a déclaré le Dr Bene-Alhasan.
« Mais comme de plus en plus d’études [d’observation] montrent une association entre la marijuana et d’autres conditions, les preuves seront un jour accablantes dans un sens ou dans l’autre, et les cliniciens pourront alors prendre des décisions en connaissance de cause avec leurs patients », a-t-il ajouté.
Risques d’événements cardiaques et cérébraux indésirables
Dans un rapport distinct également présenté lors de l’AHA, le Dr Avilash Mondal et coll. ont examiné le risque d’événements cardiaques et cérébraux indésirables majeurs à l’hôpital, défini comme un composite de mortalité toutes causes confondues, d’infarctus aigu du myocarde (IM), d’arrêt cardiaque ou d’accident vasculaire cérébral, chez les non-fumeurs de tabac plus âgés présentant un risque établi de maladie cardiovasculaire (MCV – hypertension, diabète de type 2 ou hyperlipidémie) et souffrant de troubles de l’usage du cannabis, défini comme la consommation de cannabis et la dépendance à cette substance, par rapport à ceux qui n’ont pas ce trouble.
Les chercheurs ont analysé les données (y compris les codes CIM-10) de l’Échantillon national des patients hospitalisés (2019) chez des personnes âgées de 65 ans ou plus présentant des facteurs de risque de MCV établis (hypertension, diabète de type 2 ou hypercholestérolémie) lorsqu’elles ont été admises à l’hôpital.
Sur les 10 680 280 patients, 28 535 présentaient un trouble lié à la consommation de cannabis. Ils étaient généralement plus jeunes et plus souvent des hommes que ceux qui ne présentaient pas ce trouble. Au cours d’une hospitalisation médiane de 4 jours, 13,9 % des patients atteints de ce trouble ont signalé des épisodes d’événements cardiaques ou cérébraux.
Par rapport aux autres patients, les patients atteints de troubles liés à la consommation de cannabis présentaient des taux plus élevés d’infarctus du myocarde aigu (7,6 % contre 6,0 %) et d’accident vasculaire cérébral (5,2 % contre 4,8 %), des taux similaires d’arrêt cardiaque (1,1 % chacun), mais des taux plus faibles de mortalité toutes causes confondues (1,7 % contre 3,3 %) et de dysrythmie (25,9 % contre 34,9 %).
Les patients atteints de ce trouble étaient plus susceptibles d’avoir des événements cardiaques ou cérébraux indésirables majeurs (odds ratio, 1,20 ; IC 95 %, 1,11-1,29), après ajustement pour les données démographiques, les comorbidités et les caractéristiques de l’hôpital.
Les limites de l’étude comprennent le fait que les informations proviennent d’une base de données nationale et que différents cliniciens peuvent avoir défini les troubles liés à la consommation de cannabis différemment, a noté le Dr Mondal, médecin résident à l’hôpital Nazareth (Philadelphie, États-Unis), lors d’une interview donnée à theheart.org | Medscape Cardiology.
Les données n’indiquent pas si le cannabis a été fumé ou vapoté ou s’il a été ingéré, ni s’il s’agit d’un usage médicinal ou récréatif.
Des limites aux deux études
Le Pr Page a souligné que ces deux études montrent une association et non un lien de cause à effet, mais que « ces données constituent néanmoins un signal de problèmes cardiovasculaires potentiels ».
« Je ne veux pas que les gens s’imaginent que s’il ne fume qu’une fois par mois, ils n’auront pas ce problème », a déclaré le professeur Page.
« Il ne faut pas se faire une fausse idée là-dessus et avoir un faux sentiment de sécurité », a-t-il averti, car d’autres données d’observation ont montré des effets cardiovasculaires même lorsque les personnes consommaient de la marijuana une fois par semaine.
Les deux études présentent d’autres limites, notamment le fait qu’elles n’aient pas été publiées dans leur intégralité et qu’elles n’ont pas fait l’objet d’une évaluation par des pairs.
Il est important de noter que les études ne font pas de distinction entre le fait de fumer, de vapoter ou d’ingérer du cannabis.
« Lorsque vous fumez ou vapoter un produit à base de cannabis, [ndlr, en particulier un produit à forte teneur en tétrahydrocannabinol ou en cannabidiol], vous obtenez des effets cardiovasculaires plus aigus, ce qui n’est pas forcément le cas avec les produits ingérés », a-t-il déclaré.
Interroger les patients sur leur consommation de cannabis
Le cannabis a été légalisé en 1996 en Californie pour un usage médical, puis étendu à un usage récréatif.
Il « est donc en circulation depuis plus de 20 ans maintenant », a-t-il déclaré, « et nous pouvons maintenant observer certains de ses effets sur la population des personnes plus âgées ».
Maintenant que la jeune génération consomme davantage de cannabis, les utilisateurs doivent être plus conscients des répercussions à long terme sur la santé.
« Il y a beaucoup de choses que l’on ne sait pas encore sur le cannabis », a déclaré le Dr Mondal, ajoutant qu’il ne serait pas éthique d’effectuer un essai randomisé sur le cannabis.
Compte tenu de ce que l’on sait, « nous, en tant que professionnels de la santé – médecins, infirmières praticiennes – devrions tous être plus vigilants » en obtenant des informations sur la consommation de cannabis d’un patient lors de l’examen de ses antécédents médicaux.
Nous devrions être plus prudents et demander : “Consommez-vous de l’herbe ou de la marijuana ? À quelle fréquence ? S’agit-il d’un usage médical ? Pourquoi en consommez-vous ?” »
Environ un tiers des patients souffrant d’une addiction au cannabis dans cette étude souffraient également de toxicomanie.
En effet, des drogues telles que la cocaïne et la méthamphétamine peuvent accroître le risque de maladie cardiovasculaire athérosclérotique (MCA).
Néanmoins, ces deux études s’ajoutent aux « preuves accablantes qui ont été générées au cours des cinq dernières années, selon lesquelles le cannabis pourrait être un facteur de risque pour les maladies cardiovasculaires athérosclérotiques ou y contribuer », a ajouté le Dr Mondal.
La consommation de tabac était tout à fait acceptable dans les années 1940 et 1950, mais combien de temps a-t-il fallu pour que l’on se rende compte qu’elle entraînait des accidents vasculaires cérébraux, des crises cardiaques et des cancers ?
« Les dernières recherches sur la consommation de cannabis indiquent que fumer et inhaler du cannabis augmente les concentrations sanguines de carboxyhémoglobine (monoxyde de carbone) et de goudron (matière combustible partiellement brûlée) de manière similaire aux effets de l’inhalation de tabac, qui ont tous deux été associés à des maladies du muscle cardiaque, des douleurs thoraciques, des troubles du rythme cardiaque, des crises cardiaques et d’autres affections graves », a-t-il déclaré dans un communiqué de presse de l’AHA.
« Ce n’est pas parce qu’une chose est “naturelle” qu’elle est toujours sûre », a ajouté le Pr Page.
« Il y a des risques et nous commençons à le voir.
En tant que professionnels de santé, nous devons nous assurer que les patients en sont conscients. »
En parallèle, il ajoute qu’il est très important pour les cliniciens d’adopter une approche non moralisatrice.
Financements et liens d’intérêt
Les auteurs de l’étude et le Pr Page n’ont aucune information financière à communiquer.
Cet article a initialement été publié sur Medscape.com sous l’intitulé Marijuana Use Tied to Heart Failure, MI, Stroke.
Traduit par Mona El-Guechati
LIENS
Crédit de Une : Dreamstime – Medscape © 2023
Citer cet article: Consommation de cannabis : un risque de maladies cardiaques et d’AVC – Medscape – 5 déc 2023.