Medscape Logo mardi 23 janvier 2018  ACTUALITÉS & OPINIONS FORMATION MÉDICALE CONTINUE

Stéphanie Lavaud AUTEURS ET DÉCLARATIONS  17 janvier 2018

Paris, France – Quels sont les bénéfices de l’activité physique sur la pression artérielle ? Comment prescrire une activité adaptée et efficace à vos patients et avec quels arguments ? Quel bilan avant d’initier l’exercice physique chez un patient hypertendu ? Lors des dernières Journées de l’hypertension artérielle , une session a donné l’occasion à trois grands promoteurs de l’exercice physique, le Pr François Carré (Rennes), les Drs Bernard Pierre (Lyon) et Philippe Sosner (Paris), de répondre à ces questions afin que chaque participant reparte « convaincu donc convaincant » et sachant « prescrire de l’activité physique (AP) chez le patient hypertendu » [1].

1.  Lutter contre la sédentarité et l’inactivité

« Nous sommes submergés par la sédentarité et l’inactivité physique. Alors que nous marchions 4 à 5 km par jour dans les années 50, nous français, ne parcourons plus aujourd’hui qu’à peine 1 km en moyenne ». C’est par ce constat que le Pr François Carré a démarré sa présentation, avant de rappeler, que l’objectif n’est pas d’inciter les patients à chausser leurs baskets mais de leur proposer de changer leur mode de vie de façon à augmenter leur temps de pratique d’une activité physique (qui inclut déplacements, activités professionnelles, domestiques et de loisir). « Il ne faut jamais parler de sport à la place de l’activité physique » a-t-il précisé avant de redéfinir chaque terme (voir encadré).

De quoi parle-t-on ?

L’activité physique, c’est tout mouvement produit par la contraction musculaire et qui va augmenter la dépense énergétique. Dès que l’on dépasse le métabolisme de base (1 MET), on fait de l’activité physique. Mais activité physique n’est pas synonyme de sport.

Le sport est une forme d’activité physique. C’est la réalisation d’un exercice physique dans un cadre codifié par un règlement.

L’inactivité physique correspond à moins de 30 min/jour d’activité physique modérée, en continu ou fragmentée. Inactivité physique n’est pas synonyme de sédentarité.

La sédentarité se définit un comportement incluant des activités physiques qui n’augmentent pas beaucoup le métabolisme de base (par exemple, être assis à un bureau).

Pourquoi est-il si important de bouger ? Parce que choisir un mode de vie sédentaire et inactif, c’est augmenter son risque :

  • d’hypertension artérielle de 50% ;
  • de diabète de 20% ;
  • d’accident vasculaire cérébral de 30% ;
  • d’infarctus du myocarde de 30% ;
  • de cancer de 25%.

2. L’activité physique, c’est fantastique

  • A l’inverse, l’activité physique est une thérapeutique non médicamenteuse aux effets prouvés. La Haute autorité de santé (HAS) reconnaît même depuis 2011 le bénéfice de sa prescription pour les patients atteints de maladies chroniques. L’activité physique est en effet un déterminant de santé comme l’attestent de nombreuses études qui montrent qu’elle contribue à réduire les risques de survenue de la plupart des maladies chroniques en particulier le diabète de type 2, l’hypercholestérolémie, le cancer. Sans oublier l’hypertension artérielle, où des baisses de la PAS de 5 à 7 mmHg et de 3 à 5 mmHg pour la PAD ont été observées – cet effet bénéfique est indépendant du sexe, de l’âge, de l’index de masse corporelle et du niveau de pression artérielle de base. Il est plus marqué chez les patients hypertendus que chez les sujets normotendus. Les bénéfices de l’activité physique s’étendent bien sûr à la mortalité cardiovasculaire qui diminue de 30-55% avec l’activité physique, alors que la mortalité totale est réduite de 30-40%, a indiqué le Pr Carré.
  • Autre élément important, la capacité physique (améliorée par l’activité physique) est le meilleur marqueur de risque de décès et d’espérance de vie chez la personne en bonne santé ou atteinte de maladie chronique, quelle qu’elle soit (Myers et al, NEJM 2002 ; 346 : 793-801).

Comment l’activité physique agit-elle ?

  • On a l’habitude de dire que « bouger fait brûler des calories, et que par conséquent, le poids, la graisse, le cholestérol et la PA diminuent. En fait, on sait désormais que le muscle agit aussi comme un organe endocrine, en libérant des myokines. Actuellement on en dénombre une centaine, leur rôle est de bloquer les adipokines libérées par la graisse abdominale, mais elles ont aussi des effets propres sur l’os, l’angiogenèse, la neurogenèse, etc…» a expliqué le Pr Carré (Voir aussi Effets de l’exercice sur le cerveau : et si l’explication venait du muscle ?)
  • Meilleur antidote au vieillissement, argument percutant
  • Mais si faire de l’exercice physique permet d’augmenter ses capacités d’effort, d’améliorer sa force et son endurance, et de prévenir les maladies cancéreuses et dégénératives, ses bénéfices sur la santé vont bien au-delà. C’est aussi « le meilleur traitement psychotrope et le meilleur antidote au vieillissement », deux arguments qui, d’après l’expérience du Dr Bernard Pierre (Lyon), sont très convaincants quand on en informe les patients.
  • Le cardiologue et rédacteur en chef d’Am J Cardiol, William C Roberts, ne décrivait-il pas, en 1984, l’activité physique comme : « an agent with lipid-lowering, antihypertensive, positive inotropic, negative chronotropic, vasodilatating, diuretic, anorexigenic, weight reducing, hypoglycemic, tranquilizing, hypnotic and antidepressive », montrant à quel point on a affaire à une « thérapeutique fantastique ». Quel médicament peut se prévaloir de tels effets ? s’interroge le Dr Pierre.
  • Certains objecteront qu’en dépit de ses effets bénéfiques indéniables sur la santé, le risque cardiovasculaire est transitoirement accru lors de l’exercice physique intense ou du sport. A ce propos, le cardiologue lyonnais a tenu à rappeler que « l’exercice intense ne créé pas la cardiopathie, il la révèle » tout en reconnaissant que « si l’épreuve d’effort peut, parfois, détecter l’ischémie myocardique, elle informe très mal sur le risque de syndrome coronaire aigu ».
  • AP : la régularité paye
  • Toute activité physique quel que soit son type, endurance (marche, jogging, vélo, natation…) ou résistance (musculation légère, gymnastique…), son intensité et sa durée (même quelques minutes) a un effet hypotenseur. Cependant, cet effet est plus marqué avec les efforts d’endurance d’intensité et/ou de durée importantes. Et la régularité joue un rôle majeur.
  • Au minimum :
  • – 150 min/semaine intensité modérée ou 75 min/semaine haute intensité-aérobie
  • Mais plus de bénéfice si :
  • – 300 min/semaine intensité modérée ou 150 min/semaine haute intensité-aérobie.

3. Les arguments pour convaincre

En s’inspirant de son expérience, le Dr Pierre a partagé, lors de son exposé, conseils et arguments incontournables pour convaincre un patient de pratiquer de l’exercice physique (EP) et de s’y tenir :

  • L’EP convient à tous les hypertendus (si l’on excepte les 1 à 2% de la population intolérante génétiquement et chez qui il serait délétère) ;
  • Ancien sportif, « vacciné », pas le temps, pas les moyens… : il n’y a pas d’ « excuses » qui tiennent ;
  • Choisir le ou les exercice(s) qui plaise(nt) ;
  • Fixer des objectifs de progressivité ;
  • Pour les plus âgés, les patients avec des comorbidités, à haut ou très haut risque CV ou traumatiques : favoriser l’endurance, si possible tous les jours (10 000 pas) ; pratiquer sans esprit de compétition ; connaitre ses jours de méforme (attention à la fièvre) ;
  • Ne pas utiliser de cardio-fréquencemètre sauf exception mais se munir d’un téléphone portable pour prévenir en cas de problème ;
  • Toujours aménager 3 phases : échauffement, activité, récupération active ;
  • Et éduquer aux signes d’alerte.

4. Quel bilan chez l’hypertendu ?

Composante de l’activité physique, la pratique sportive en compétition ou de loisir ne doit pas être systématiquement interdite aux hypertendus. Cela suppose toutefois de s’assurer au préalable de sa non contre-indication, en tenant compte du niveau de risque de l’hypertension, des résultats d’un bilan spécifique avec épreuve d‘effort, de l’équilibre tensionnel individuel et de la discipline sportive choisie.

Avant la pratique d’une activité physique, le sujet hypertendu va bénéficier d’une visite de non contre-indication (VNCI) avec anamnèse et examen clinique, ECG de repos, bilan biologique, et une évaluation tensionnelle ambulatoire (automesure ou MAPA des 24 h). « Cette dernière est d’ailleurs l’occasion de refaire un point sur la maladie hypertensive » signale le Dr Philippe Sosner.

En cas de symptôme thoracique, d’anomalie clinique (souffle à l’auscultation) ou de l’ECG, un bilan complémentaire sera réalisé, le plus souvent avec test d’effort et une échocardiographie.

En l’absence d’anomalie à la VNCI, un test d’effort sera néanmoins envisagé en cas de pratique sportive intense ou à risque, et au-delà de 35 ans chez l’homme ou 45 ans chez la femme porteurs de 2 facteurs de risque en plus de l’HTA.

Pour savoir si le sport choisi est adapté :

  • Tester le patient sur l’ergomètre le plus proche de l’activité physique pratiquée car la réponse de la fréquence cardiaque est différente d’une activité physique et sportive (APS) à l’autre, conseille le Dr Sosner.
  • Connaitre le niveau et l’ancienneté de la pratique.

Spécificités chez l’athlète hypertendu

Les hypertendus sportifs à haut niveau d’entrainement et les athlètes bénéficieront, quant à eux, d’une échographie et d’un test d’effort systématique.

« Concernant le cas particulier de l’HTA d’effort, les recommandations nord-américaines précisent qu’une PAS>200 mmHg à l’effort est prédictive de la survenue d’une HTA future mais aussi d’évènements cardiovasculaires. Néanmoins les recommandations européennes précisent que le profil tensionnel d’effort diffère des mesures de la pression artérielle (PA) sur le terrain, prédit mal le statut tensionnel à moyen terme, et a une valeur pronostique indépendante variable selon les études.

Dans certains cas, tenir compte de la PA apporte un élément de sécurité en cas antécédents de dissection et/ou anévrisme aortique » indique le cardiologue parisien.

5. Quelle activité physique en cas d’HTA ?

Chez le sujet pratiquant régulier, la prescription va consister en 30 à 60 minutes par jour × 5 à 7 sessions par semaine, associant :

• Entraînement aérobie (marche, course à pied, vélo, natation) : initialement à 50–60 % de la fréquence cardiaque (FC) maximale réelle (et non pas théorique), puis jusqu’à 80–85 % après un mois en cas de recherche d’amélioration des capacités physiques ;

• Renforcement musculaire : séances de 8–10 exercices différents avec 10–15 répétitions, à 40 % de la FMV. Ce programme sera adapté en fonction du niveau de risque CV global du sujet comme illustré dans le tableau ci-dessous.

 

Bilan et suivi cardiovasculaires recommandés chez l’hypertendu voulant pratiquer une activité sportive (D’après Fagard R, et al. Eur J Cardiovasc Prev Rehab, 2005)

  ECG Épreuve d’effort Électrocardiogramme trans-thoracique de repos Surveillance
Compétition Oui Oui Oui Annuelle, 6 mois si risque élevé
Loisir        
>60% VO2max Oui Oui Oui ? Annuelle
40-60% VO2max

HTA haut risque

 

 

Oui

 

Oui

 

Oui ?

 

Annuelle

40-60% VO2max

HTA risque léger ou modéré

 

Oui

 

Non

 

Non

 

Annuelle

<40% VO2max Oui Non Non Annuelle
Symptômes Oui Oui Oui Adaptée

VO2max = consommation maximale d’oxygène

En compétition ou pratique de type « loisir intense », la classification de Mitchell et al. (ci-dessous) fait référence :

  • quand l’HTA est contrôlée et en l’absence d’autres facteurs de risque, toutes les AP sont permises y compris en compétition,
  • en cas de risque CV modéré (1 à 2 facteurs de risque associés), les AP en loisir intense et les compétitions des sports en classe IIIC (composante élevée en endurance et en résistance) sont à proscrire,
  • en risque élevé, IIIA-B-C (résistance élevée) sont interdits,
  • à très haut risque, seuls les IA-B sont autorisés.

Classification des sports selon la contrainte cardiovasculaire (adapté d’après Mitchell et al.)

Dynamique (endurance)

Statique (résistance)

A Faible

(< 40% VO2 max)

B Moyenne

(40-70 % VO2max)

C Fort

(> 70% VO2 max)

I

Faible

(< 20% FMV)

Bowling, cricket,

golf,

tir par arme à feu

Baseball, volleyball, escrime, randonnée, tennis de table, tennis (double) Ski de fond, course longue distance (marathon), marche athlétique, badminton, squash
II

Moyenne

(20-50 % FMV)

Tir à l’arc, auto, moto, plongée, équitation, voile, arts martiaux,

gymnastique

Sprint,

Sauts (athlétisme),

Patinage artistique

Basket-ball, handball, football, rugby, hockey sur glace et sur gazon, biathlon, ski de fond, natation, tennis (simple), course à pied moyenne distance
III

Forte

(> 50% FMV)

Lancers, haltérophilie, luge, escalade, planche à voile, ski nautique Lutte, body-building, snowboard,

ski alpin

Canoé-kayak, aviron, boxe, décathlon, cyclisme, triathlon, patinage de vitesse

(VO2 max = consommation maximale d’oxygène, FMV = force maximale volontaire)

Liens

Actualités Medscape © 2018  WebMD, LLC

Citer cet article: Comment prescrire de l’activité physique dans l’hypertension artérielle – Medscape – 17 janv 2018.