Par Théo LECLERC.
Pendant le Vendée Globe, les skippers doivent affronter la solitude.
Ils racontent cet isolement, pesant pour certains, plaisant pour d’autres, qui pousse à la découverte de soi lors de ce tour du monde.
« Être complètement isolé du monde et des hommes pendant le Vendée Globe, c’est un sacré défi.
Sans doute le plus important », confie Oliver Heer, sur le pont de son bateau.
Pendant la course, les skippers affrontent des tempêtes, mais pas que.
La solitude est aussi un grand défi pour ces marins chevronnés.
Loin des côtes et de toute forme humaine, elle peut représenter une véritable épreuve de force.
« C’est aussi un des aspects qui fait l’intérêt du Vendée Globe »
« Il y a des moments pesants et longs », avoue Manuel Cousin (Coup de Pouce), qui part pour son deuxième tour du monde.
Il garde encore en tête l’expérience de son premier Vendée Globe.
« Je me souviens être sorti des mers du Sud soulagé.
On sent qu’on est loin, qu’on n’a rien à faire ici, qu’on n’est pas dans notre environnement naturel.
Arrivé au niveau du Cap-Horn, ça fait plaisir de retrouver une terre qui n’est pas trop loin de nous. »
Des heures qui passent parfois lentement, bercé par le bruit des vagues et le cri du vent.
Certains trouvent dans cette solitude une opportunité de réflexion.
« Que je sois en mer plusieurs mois ou en voiture pendant trois heures, je suis tout seul et j’ai toujours du monde dans ma tête.
Je ne m’ennuie jamais et je réfléchis à plein de choses », précise Louis Duc, skipper de Fives Group – Lantana Environnement.
Le Normand n’est pas plus inquiet que cela, fort de ses nombreuses expériences en mer.
Pour Justine Mettraux (TeamWork – Team Snef), ça va surtout être une découverte et notamment « un des aspects qui fait l’intérêt du Vendée Globe ».
D’humeur assez solitaire à l’origine, ce n’est pas ce qui l’effraye le plus.
« Je ne l’ai jamais fait pendant aussi longtemps, donc peut-être qu’au bout de vingt jours, je me dirai que le contact humain me manque. On verra. »
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Justine Mettraux, skippeuse suisse de l’Imoca Teamwork – Team Snef, s’élance pour son premier Vendée Globe.
La solitude ne l’effraye pas. (Photo : Thomas Bregardis / Ouest-France)
Une préparation mentale cruciale
Dans le sillage de ces navigateurs, une question demeure souvent : jusqu’où peut-on aller pour trouver des solutions et la paix face à cet isolement ?
« Forcément, c’est parfois plus compliqué et on se laisse peut-être un peu plus aller.
Ce sont plus les conséquences de la solitude qui sont difficiles », signale Clarisse Crémer.
Se préserver et ne pas trop y penser. C’est ce qui revient dans la bouche de la majorité de ces sportifs.
Et surtout un point important : relativiser.
« Le Vendée Globe, c’est une aventure sportive et ce n’est pas comme une solitude sociale.
Il y a une durée déterminée et une fin.
Ça change vraiment la façon dont on la vit, je pense », complète la skippeuse de l’Occitane en Provence.
La préparation mentale devient donc aussi cruciale que l’entraînement physique.
Certains skippers mettent en place une organisation spéciale pour surmonter le vide émotionnel.
« Je travaille étroitement avec un coach mental.
On a tendance à assimiler qu’être seul et vivre la solitude c’est la même chose, alors que ce sont deux états complètement différents », constate Oliver Heer (Tut Gut).
Le skipper suisse allemand, Oliver Heer (Tut Gut) s’élance pour son premier Vendée Globe.
Il a travaillé avec un coach mental pour préparer le côté solitaire de la course. (Photo : Guillaume Saligot / Ouest-France)
Rester connecté au monde
Si certains évoquent la découverte des paysages marins et du monde comme un émerveillement, pour d’autres, envisager cette solitude est plus compliqué.
« Je ne suis pas du tout un solitaire dans l’âme », reconnaît Maxime Sorel (V and B – Monbana – Mayenne).
Pour se rassurer, il tente de se raccrocher aux instruments de communication qui le relient à la terre.
« Trois mois tout seul à bord d’un bateau sur les océans, ça peut faire peur.
Donc voilà, je vis un peu les journées au jour le jour. »
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Des moyens de plus en plus modernes qui leur permettent de sortir de cette routine parfois morose, en communiquant par WhatsApp ou en visioconférence, pour garder ce lien précieux avec le monde.
« Dans nos bateaux, on est maintenant très connectés.
On est parfois tellement sollicités qu’on n’a pas le temps de ressentir ce mal-être », estime Kōjirō Shiraishi (DMG MORI Global One).
Manuel Cousin préfère quant à lui se rassurer : « Heureusement, le cerveau est bien fait et oublie vite les galères et toutes ces difficultés. »