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Aude Lecrubier, Steve Stiles -14 novembre 2018
Chicago, Etats-Unis—En 2013, l’American Heart Association (AHA) et l’American College of Cardiology (ACC) ont émis de nouvelles recommandations changeant radicalement la prise en charge du LDL-cholestérol.
Cinq ans plus tard, une actualisation des recommandations a été présentée au congrès de l’AHA et publiée simultanément dans le Journal de l’American College of cardiology et la revue Circulation [1,2].
Plus complète, avec un retour partiel aux cibles de LDL-cholestérol, notamment, elle devrait, selon ses auteurs, permettre de mieux guider les prescriptions d’hypolipémiants.
Pour rappel, les recommandations de 2013, en optant pour la prévention primaire par statine en fonction du niveau de risque cardiovasculaire et ceci, sans tenir compte du dosage de cholestérol, avaient entrainé de nombreuses contestations de part et d’autre de l’Atlantique.
La principale objection portait sur le nouveau calculateur du risque d’événement vasculaire à 10 ans proposé par les sociétés savantes américaines, accusé de surévaluer le risque et donc de mener à une sur-prescription de statines.
Ajustements sur de nouveaux critères et retour limité des cibles de LDL-c
Les recommandations AHA/ACC de 2018, gardent les grands principes du texte de 2013. Notamment la hiérarchisation du risque CV par le calculateur américain du risque d’événement vasculaire à 10 ans, tout comme les quatre catégories de patients chez lesquelles une prise en charge par statines peut être envisagée :
-Prévention primaire : pas de MCV ou de diabète mais un LDL-c ≥70 mg/dL et un risque CV à 10 ans ≥ 7,5% ;
-Pas de MCV mais un diabète et un LDL-c ≥70 mg/dL ;
-Prévention secondaire : MCV sans Insuffisance cardiaque ;
-Hypercholestérolémie primaire sévère (LDL-C ≥190 mg/dL).
Mais, le nouveau texte propose un retour limité aux cibles thérapeutiques de LDL-c et des ajustements sur un certain nombre d’autres critères (comorbidités, score calcique…) pour aider les praticiens et les patients à prendre la décision de débuter ou non un traitement par statine, ezetimib ou par l’un des 2 anti-PCSK9 ayant obtenus des AMM depuis, soit l’evolocumab (Repatha®, Amgen) et l’alirocumab® (Praluent, Sanofi/Regeneron).
« Les chiffres sont de retour dans les recommandations », a commenté le Dr Roger S. Blumenthal (Directeur du centre Johns Hopkins Ciccarone pour la prévention des maladies cardiaques, Baltimore, États-Unis), membre du comité de rédaction, pour theheart.org/Medscape Cardiologie.
Les chiffres sont de retour dans les recommandations Dr Roger S. Blumenthal
Prévention primaire : une nouvelle approche d’estimation du risque CV
Par rapport au document de 2013, « nous avons revu l’approche concernant l’évaluation du risque pour la prévention primaire mais, elle débute toujours par le calcul d’une estimation du risque CV à 10 ans », a commenté le Dr Donald Lloyd-Jones (École de médecine Northwestern University Feinberg, Chicago, États-Unis), membre du comité de rédaction.
« Cela doit être le point de départ », parce que le score de risque influence l’intensité de la prise en charge, soit par des modifications du mode de vie, soit par une thérapie médicamenteuse, souligne le Dr Lloyd-Jones.
« Mais, alors que le calculateur du risque n’a pas été recalibré, il y a désormais beaucoup plus de précisions sur la façon dont le patient et le clinicien devraient aborder la discussion autour du risque par rapport à 2013 », indique pour sa part le Dr Blumenthal.
Nous avons revu l’approche concernant l’évaluation du risque pour la prévention primaire Dr Donald Lloyd-Jones
Il précise que désormais pour une estimation du risque à 10 ans qui se situe entre 7,5 % et 20 %, qui est une zone grise, il y a une place pour la décision partagée. « Un score de risque CV de 10% ou 15 % ne doit plus automatiquement mener à la prescription d’une statine mais à une discussion plus poussée. Il s’agit d’un vrai pas en avant de ces recommandations », souligne-t-il.
Pour aider à la prise de décision-partagée, le document donne un certain nombre de facteurs de risque qui ne sont pas pris en compte par le calculateur et qui s’ils sont présents devraient inciter à prescrire une statine avec l’accord du patient.
Ces facteurs de risque sont :
-un LDL-c ≥ 160 mg/dL, une CRP ≥ 2,0 mg/L, un taux d’apolipoprotéine B ≥ 130 mg/dL ou un taux élevé de lipoprotéine(a) ;
-un indice de pression systolique cheville bras < 0,9 ;
-des comorbidités comme un syndrome métabolique, une insuffisance rénale, une maladie inflammatoire chronique ( polyarthrtite rhumatoïde, lupus…), le HIV ou une ménopause précoce ;
-des antécédents familiaux de maladie CV précoce ;
-une origine sud asiatique ;
-un risque élevé de MCV sur la vie entière.
Le document indique que pour les patients qui ont un risque de maladie CV entre 5% et 7,5% à 10 ans, la présence de ces facteurs de risque est en faveur de la prescription de statine (recommandation de classe IIb).
Pour ceux qui ont un risque compris entre 7,5 % et 19 %, la présence de ces facteurs de risque est en faveur de la prescription de statine (recommandation de classe I).
Enfin, pour ceux qui ont un risque ≥ 20 %, la présence de ces facteurs de risque est en faveur de la prescription de statine à fortes doses (recommandation de classe I).
Un score de risque CV de 10% ou 15 % ne doit plus automatiquement mener à la prescription d’une statineDr Blumenthal
Patients à risque intermédiaire : l’intérêt du score calcique
Il est cependant précisé que, si après discussion, le médecin et le patient sont toujours incertains sur la nécessité de prescrire une statine et que le patient souhaite plus de certitude, le score calcique peut aider, en particulier chez ces patients à risque intermédiaire.
Si le score calcique est de 0 (pas de plaque calcifié) « comme cela sera le cas chez à peu près 50 % des gens, il sera alors raisonnable d’éviter de prescrire une statine », indique le Dr Lloyd-Jones.
Chez les patients avec un score calcique d’Agatston d’au moins 100 au 75èmepercentile ajusté pour l’âge et le sexe « nous disons très clairement qu’il s’agit d’un groupe qui bénéficiera d’une thérapie par statine. Non seulement, nous pensons qu’il s’agit d’un groupe à plus haut risque mais, en plus, leur score calcique indique qu’ils ont de l’athérosclérose ».
Si le score calcique est entre 1 et 99, la décision peut être d’initier une statine ou de répéter une mesure du score calcique au moins deux ans plus tard. « S’il a changé rapidement, cela incitera fortement à opter pour une statine », note le Dr Lloyd-Jones.
Diabète sans MCV : plus de souplesse
Les nouvelles recommandations préconisent que tous les patients diabétiques âgés de 40 à 75 ans avec un LDL-c ≥ 70 mg/dL reçoivent un traitement modéré par statine sans nécessité de calculer le score de risque CV à 10 ans.
En outre, un traitement intensif par statine peut être considéré chez les patients avec plusieurs facteurs de risque.
Le document permet cependant une certaine flexibilité chez les patients diabétiques, indique le Dr Blumenthal : « si le patient n’est pas certain de souhaiter une thérapie par statine à vie, il faut discuter et il est certainement raisonnable pour lui de chercher à intensifier les modifications de son mode de vie pendant un temps et de voir si son HbA1c descend à des valeurs à 6,5 % ou moins. La perte de poids et l’exercice peuvent aussi améliorer son profil lipidique ».
Prévention secondaire : une place pour les anti-PCSK9
Pour ce groupe, il est recommandé de prescrire la dose maximale tolérée de statine et de considérer l’ajout d’ezetimibe pour ceux dont le LDL-c n’est pas abaissé d’au moins 50 % ou en dessous de 70 mg/dL.
Le Dr Lloyd-Jones indique que chez ces patients, l’ajout d’ezetimibe induit, en moyenne, une baisse supplémentaire de 20 % du LDL-c. Mais que si le LDL-c reste ≥70 mg/dL, « il est raisonnable d’essayer de rajouter un anti-PCSK9 ».
Hypercholestérolémie primaire sévère (familiale)
Chez ces patients, qui ont un LDL-c ≥ 190 mg/dL, « vous n’avez pas besoin de calculer leur risque à 10 ans, nous savons qu’ils ont besoin d’un traitement. Donc, il faut prescrire la dose maximale tolérée de statine à tout le monde, indique le Dr Lloyd-Jones.
Et, s’ils n’ont pas une réduction de 50 % de leur LDL-c et qu’ils restent au-dessus de 100 mg/dL, « il est raisonnable de leur donner d’abord de l’ezetimib puis de considérer un anti-PCSK9 si le seuil n’est pas atteint ».
Insister sur l’importance de la stratégie non médicamenteuse
A noter qu’en parallèle de ces précisions sur la place des traitements hypolémiants, les recommandations insistent sur l’importance « d’un mode de vie sain pour le cœur tout au long de la vie ».
« Même si quelqu’un débute un traitement médicamenteux pour abaisser le cholestérol ou la pression artérielle ou les deux, les praticiens doivent vraiment insister sur les différentes façons d’améliorer son mode de vie dans les 3 à 6 mois suivants », souligne le Dr Blumenthal.
Le document de l’ACC/AHA a aussi été approuvé par l’American Association of Cardiovascular Pulmonary Rehabilitation, l’American Academy of Physician Assistants, l’Association of Black Cardiologists, l’American College of Preventive Medicine, l’American Diabetes Association, l’American Geriatrics Society, l’American Pharmacists Association, l’American Society for Preventive Cardiology, la National Lipid Association, et la Preventive Cardiovascular Nurses Association.
Au sein du comité de rédaction, aucun des 24 membres n’a de liens d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique. |
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Citer cet article: Cholestérol : les nouvelles recommandations US amorcent une marche arrière – Medscape – 14 nov 2018.