Publié le 28/02/2019
En novembre 2018, à Chicago, lors des sessions scientifiques de l’American Heart Association (AHA), ont été mises en avant les recommandations gouvernementales concernant l’activité physique ainsi que les résultats de plusieurs essais cliniques tels que VITAL, Reduce-IT, ou encore DECLARE-TIMI 68.
Parallèlement, l’accent a été mis sur les dernières recommandations en matière d’hypercholestérolémie de l’AHA, de l’American College of Cardiology (ACC), et de plusieurs autres associations. Il s’agissait là d’une première actualisation depuis 2013. Selon ces recommandations, les individus porteurs d’une maladie cardiovasculaire d’origine athérosclérotique (MCVA) symptomatique doivent suivre un traitement par statines, à la dose maximale tolérable, visant à une baisse d’au moins 50 % du taux de leur cholestérol à lipoprotéine de basse densité (LDL-C).
Le fait nouveau concerne, en prévention secondaire, l’adjonction possible de médicaments d’autres classes thérapeutiques chez les patients à risque très élevé, tels ceux ayant présenté plusieurs événements pathologiques CV ou ceux ayant subi un accident majeur. Ainsi, les patients dont le taux de LDL-C se maintient à 70 mg/mL (voire au-dessus en dépit d’un traitement maximal tolérable par statines) peuvent-ils être candidats à la prise d’ézetimibe, qui agit en bloquant l’absorption intestinale du cholestérol.
Une autre option peut résider dans la combinaison avec un inhibiteur de la proportine convertase subtilisine/Kexin de type 9 (PCSK 9), malgré le coût élevé de drogues de ce type. En prévention primaire, les médecins en charge des patients doivent aussi poser le problème de l’utilisation de ces médicaments dès que le LDL-C de départ est très élevé, supérieur ou égal à 190 mg/mL et qu’il ne peut être réduit à moins de 100 mg/mL.
Le risque cardiovasculaire plus que le taux de LDL-C
La mise au point 2018 met, toutefois, moins l’accent sur les cibles à atteindre concernant le taux de LDL-C, que sur le concept de calculateur de risque de MCVA.
Dans les nouvelles recommandations, portant, tant sur la prévention primaire que secondaire, les individus dont le risque à 10 ans de MCVA est égal ou dépasse 20 %, doivent réduire leur taux de LDL-C d’au moins 50 %, tout comme les malades présentant des MCVA cliniquement symptomatiques.
Ceux avec un risque intermédiaire doivent avoir pour objectif une réduction de leur taux d’au moins 30 %.
Les calculateurs de risque : « un point de départ »
Lors de la précédente directive de 2013, l’utilisation d’un calculateur de risque avait, rapidement, été accusé de surestimer le risque dans certaines populations, avec pour conséquence, des traitements par statines en excès. Par la suite, l’algorithme de prédiction du risque de MCVA, fondé sur des équations de cohortes diverses et mélangées, a été amplement validé.
Il ne doit, cependant, pas exister de règles strictes et il faut bien considérer que ce type de calculateur estime le risque de présenter dans les 10 ans à venir une pathologie CV d’origine athéromateuse pour un « individu ordinaire » de la population US, mais que ce risque peut-être surestimé, ou sous-estimé, pour un individu donné. Lors de la conférence de novembre 2018 à Chicago, 2 calculateurs alternatifs ont été présentés, dont un avec apprentissage automatique, estimant plus précisément le risque spécifique d’une cohorte donnée que ne le fait le calculateur de l’ACC. En outre, une publication récente du JAMA Cardiology a révélé que la prise en compte des pressions artérielles systoliques cumulées était plus précise qu’une simple mesure unique, dans les équations de cohorte combinées. Il importe toutefois de garder à l’esprit qu’aucun calculateur de risque est idéal et qu’il existe, parallèlement de multiples facteurs cliniques autres susceptibles d’intervenir.
Les recommandations récentes réaffirment, certes l’intérêt du recours à ces calculateurs pour la population US, mais ces derniers doivent être utilisés comme point de départ et non comme arbitre final dans la décision de mettre (ou non) en route une prévention primaire de MCVA chez un individu donné.
Ajuster sur d’autres critères
Pour les individus à risque intermédiaire, dont le LDL-C est supérieur ou égal à 70 mg/dL et dont le risque à 10 ans est compris entre 7,5 et 19,9 %, d’autres facteurs péjoratifs aggravants peuvent également intervenir : des antécédents familiaux de MCVA précoce, un LDL-C ou des triglycérides persistant à un taux élevé, un syndrome métabolique, une néphropathie chronique, une histoire de pré éclampsie ou de ménopause précoce, une pathologie inflammatoire chronique, voire une origine ethnique à haut risque (Asie du Sud par exemple).
Le dosage de l’apolipoprotéine B, de la C Réactive Protéine de haute sensibilité, de la lipoprotéine (a) peuvent aussi se révéler utiles, tout comme la mesure de l’index cheville-bras.
En effet, tous les facteurs cités supra sont en corrélation significative avec la survenue d’une MCVA. Lorsque le doute persiste, chez des sujets à risque intermédiaire, les médecins en charge du malade peuvent s’aider de la mesure de la charge artérielle coronaire en calcium (CAC), même si, à ce jour, aucun essai clinique n’a démontré que cette pratique améliore la sélection des patients qui devraient être traités.
En pratique, toutefois, un score de CAC égal à zéro, ou bas, permet de retarder la mise sous statines, sauf chez les fumeurs de cigarettes, les diabétiques ou les sujets avec une lourde histoire familiale. A l’inverse, un score CAC élevé tend à faire débuter plus précocement un traitement par statines plus.
Une décision partagée
Un dernier point a été abordé dans des recommandations récentes. Les médecins doivent avoir une discussion détaillée avec leur patient avant l’initiation du traitement, discussion devant fournir une information précise sur les effets indésirables possibles, sur les interactions médicamenteuses, les coûts des médicaments, leur utilité en intégrant aussi les préférences du sujet. La décision finale se doit d’être prise en commun. Une telle démarche est importante car elle peut aider à apaiser les craintes des malades.
En effet, moins de 1 % des patients traités sont susceptibles de présenter des douleurs musculaires iatrogènes et, dans la majorité des cas, le bénéfice thérapeutique du traitement préventif dépasse le risque d’effets délétères.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE : Abbasi J : New Cholesterol Guidelines Personalized Risk and Add Treatments. Medical News and Perspective. JAMA 2019. Publication en ligne le 6 février 2019.
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