mercredi 27 mars 2019
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Dr Jean-Pierre Usdin 21 mars 2019
La Nouvelle Orléans, Etats-Unis – Passé un certain âge, l’espérance de vie dépend-elle plus des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire ou de la condition physique ? Une étude présentée en poster au congrès de l’ ACC 2019 semble indiquer que chez les plus âgés, la valeur prédictive des facteurs de risque traditionnels (cholestérol, tabac, hypertension, diabète) s’atténue avec l’âge, au profit de la forme physique [1,2].
« Nous avons trouvé que la condition physique est un facteur prédictif très fort de survie chez les plus âgés – indépendamment du fait que vous soyez en bonne santé ou ayez des facteurs de risque cardiovasculaire –, être en meilleure forme physique fait que vous êtes susceptible de vivre plus longtemps qu’une personne en moins bonne condition physique, assure le Dr Seamus P. Whelton, (Johns Hopkins School of Medicine, Henry Ford Hospital, Detroit) et premier auteur de l’étude. « Cette étude insiste sur l’importance d’être en bonne forme physique, même quand vous êtes âgé » résume-t-il [3].
Le projet FIT
Pour arriver à cette conclusion, Seamus P Whelton et ses collaborateurs ont mené une étude rétrospective chez 6500 patients de 70 ans ou plus, indemnes d’affections cardiovasculaires à l’inclusion. Tous étaient issus du Henry Ford Exercise Testing Project (FIT Project, voir encadré). Les patients étaient âgés en moyenne de 74,5 (+/- 4) ans et comportait 52% femmes.
Après un test d’effort sur tapis roulant – ils devaient donner tout ce qu’ils pouvaient –, les participants ont ensuite été répartis en trois classes (Petite forme physique < 6, 6 < Bonne forme physique> 9, et Excellente forme physique > 10 METs*) en fonction de leur résultat au test. Par ailleurs, les chercheurs ont évalué leurs facteurs de risque traditionnels (hypertension artérielle, dyslipidémie, diabète et tabac), en les additionnant : 0 à 3 ou plus. Puis, ils ont calculé le risque des décès des septuagénaires en tenant compte à la fois de leur capacité physique et de leurs facteurs de risque.
* La dépense d’énergie pour une activité peut être exprimée en équivalents métaboliques (en anglais Metabolic Equivalent of Task ou MET). Une unité MET (= équivalent métabolique) est définie comme étant le ratio entre le taux d’une personne en activité et le taux d’une personne au repos.
Moitié moins de décès dans le groupe très entraîné
Pendant les presque 10 années de suivi moyen, 2 500 décès sont survenus (39%).
Le taux de mortalité pour 1 000 sujets/années était de 55 dans le groupe de condition physique médiocre (<6 METs). A contrario, la mortalité était de 25 pour 1 000 sujets/années dans le groupe très bien entraîné > 10 METs, soit près de moitié moins. Et ce, quel que soit le nombre de facteurs de risque.
Statistiquement, en utilisant des modèles de Cox et des courbes de survie de Kaplan-Meier (voir graphique ci-dessous), les sujets âgés avec 3 facteurs de risque, ou plus, et une forme physique intermédiaire (6-9METs) ou excellente (>10 METs) ont un risque de mortalité de 0,64 (IC 95% : 0,54-0,76) et 0,47 (IC 95% : 0,36-0,62), respectivement, comparé aux sujets les moins bien entraînés (<6 METs).
Seniors, hauts les cœurs !
Selon les auteurs, chez les seniors (70 ans ou plus), avoir 0 facteur de risque cardiovasculaire ou plus de 3, ne fait pas de différence en termes de survie. En revanche, un bon niveau d’entraînement physique est associé à une longévité plus grande, quel que soit le poids des facteurs de risque.
Chez ces participants, c’est donc l’excellente capacité physique, et non pas un faible nombre de facteurs de risque, qui était associé à une meilleure survie.
Sur la base de ces résultats, le Dr Whelton incite les médecins à tenir compte du niveau d’activité et de forme physique de leurs patients. Si le test d’effort sur tapis de course ou bicyclette donne des mesures précises, il est aussi possible de se faire une idée générale du niveau d’activité physique de ses patients, en s’informant de leur pratique hebdomadaire, considère-t-il.
Bougez, sans délai !
« Evaluer la condition physique est peu coûteux, peu risqué et ne nécessite pas de technologie compliquée. C’est pourtant sous-utilisé pour la stratification du risque en pratique clinique » affirme le chercheur.
Précisons que cette étude n’a pas tenu compte des changements de capacité physique que les participants ont pu expérimenté au cours du temps – le test d’effort n’était réalisé qu’à l’entrée dans l’étude -, mais de nombreuses études ont montré qu’améliorer sa forme physique est bon pour le cœur, même tardivement.
« Les personnes qui ne font pas d’exercices ou sont sédentaires sont vraiment susceptibles de bénéficier de la mise en route d’une pratique régulière à base d’exercices d’intensité modérée à intense » indique le Dr Whelton.
Voilà qui s’insère bien dans les toutes dernières nouvelles recommandations de l’ACC et AHA concernant la prévention primaire des maladies cardiovasculaires qui font la part belle aux modifications de style de vie, y compris en termes d’activités physiques [5].
Projet FIT
Le FIT Project (Henry Ford Exercise Testing Project) a pour but d’évaluer le bien fondé de l’effort et d’une bonne capacité physique. Il a inclus environ 70 000 sujets (en moyenne 54 ans, 54% d’hommes), ayant bénéficié à l’entrée dans l’étude, entre 1991 et 2009, d’un test d’effort sur tapis roulant dans un des hôpitaux affiliés au Henry Ford Health System (Detroit, Michigan).
Pour chacun d’entre eux, les antécédents et les traitements au moment du test d’effort – et les résultats à celui-ci – ont été notés dans le dossier médical électronique, ainsi que le suivi médical de ces participants,
Cette initiative va permettre de réaliser des études épidémiologiques rétrospectives fondées sur les registres des décès et les données médicales incluses dans le dossier du patient dans l’idée d’évaluer à long terme les implications pronostiques de la capacité cardiorespiratoire dans différentes cohortes.
Pour résumer, il s’agit de promouvoir les bienfaits d’un bon entraînement physique sur la santé cardiovasculaire en s’appuyant sur une mesure précise (en l’occurrence le calcul des METs au cours d’un protocole de Bruce) . Un projet « en ligne directe avec l’appel du National Heart Lung and Blood Institute pour encourager les initiatives épidémiologiques innovantes, peu coûteuses utilisant sur les données du dossier médical électronique » indique le Dr Al-Mallah (Service de cardiologie, Henry Ford Hospital, Detroit) dans un article décrivant le protocole et les objectif du FIT project [3].
Un Framingham de la condition physique en quelque sorte.
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Citer cet article: Chez les plus de 70 ans, une bonne condition physique prédit la longévité – Medscape – 21 mars 2019.