Par Jean-Benoit Legault, La Presse canadienne
21/04/2022
Au moins cinq bactéries, dont certaines jusqu’à présent inconnues de la science, ont été découvertes dans l’urine d’hommes atteints d’une forme agressive du cancer de la prostate, ont annoncé des chercheurs britanniques.
On tentera maintenant de déterminer si ces bactéries jouent un rôle dans l’apparition de la maladie ou si elles surviennent après.
« C’est la question de la poule et de l’œuf », a commenté le docteur Fred Saad, du CHUM.
Si les scientifiques concluent un jour que les bactéries sont responsables de la présence de la maladie, on pourra envisager de la combattre ou de la prévenir avec des antibiotiques.
Si on conclut plutôt qu’elles sont présentes dans l’urine après le début du cancer, elles pourront devenir des biomarqueurs qui s’ajouteront à l’arsenal de tests de dépistage dont disposent les médecins.
Les chercheurs de l’Université de l’Est-Anglie ont étudié quelque 600 hommes souffrant ou non d’un cancer de la prostate.
Ils ont repéré cinq bactéries dans l’urine et dans les tissus d’hommes dont la maladie a éventuellement pris une forme agressive.
Il s’agissait toutes de bactéries anaérobies.
Deux d’entre elles, qui ont été baptisées porphyromonas bobii et varibaculum prostatecancerukia, n’avaient jamais été vues auparavant.
« C’est vraiment un espoir qui permettrait de peut-être d’identifier les patients qui sont plus à risque d’avoir des cancers de la prostate, et surtout des patients plus à risque d’avoir un cancer de la prostate qui nécessite des soins », a dit le docteur Saad.
Certains cancers de la prostate, a-t-il souligné, sont presque « insignifiants », en ce sens qu’ils ne causeront jamais de tort au patient.
Il pourrait donc être préférable, dans ces cas, de ne jamais les trouver, puisque les inconvénients du traitement pourraient potentiellement être plus grands que ses avantages.
Le Canada est d’ailleurs un chef de file dans cette approche conservatrice de surveillance et a été l’un des premiers à décider qu’il n’est pas nécessaire de traiter tous les cancers de la prostate qui sont détectés, a dit le docteur Saad.
Cela étant dit, certains patients finiront par mourir de leur cancer, « malgré tout ce qu’on fait », a-t-il dit.
« Il faut trouver des moyens de peut-être savoir qui cibler pour des biopsies et surtout qui cibler avec des traitements plus agressifs », a expliqué le spécialiste.
Si le rôle joué par les bactéries dans d’autres maladies comme le cancer du côlon ou le cancer du poumon est bien connu, il l’est moins en ce qui concerne le cancer de la prostate ou les cancers urinaires ou génitaux, « donc c’est un pas dans la bonne direction », a conclu le docteur Saad.
Les conclusions de cette étude ont été publiées par le journal médical European Urology Oncology.
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Cancer de la prostate : découverte d’un lien avec 5 bactéries
Par Marielle Ammouche le 22-04-2022
Des chercheurs de l’Université d’East Anglia (UEA) viennent peut-être de faire une découverte majeure dans le cancer de la prostate.
Leurs travaux montrent, en effet, l’existence d’un lien entre des formes agressives de ce cancer et 5 types de bactéries.
Ces travaux pourraient donc ouvrir la voie à des traitements complètement novateurs dans ce domaine, qui pourraient cibler ces bactéries.
« Nous voulions savoir si les bactéries pouvaient être liées à la façon dont le cancer de la prostate se développe et se propage », explique ainsi le Pr Colin Cooper (UEA), responsable du projet.
Cette équipe de chercheurs, en collaboration avec des collègues du Norfolk and Norwich University Hospital et du Quadram Institute, ont analysé les échantillons d’urine ou de tissus de plus de 600 patients atteints ou non d’un cancer de la prostate.
Pour cela, ils ont utilisé plusieurs approches dont le séquençage du génome entier des échantillons de tissus.
Plusieurs types de bactéries ont alors été associés au cancer agressif de la prostate, dont certains sont de nouveaux types.
Il s’agissait de bactéries anaérobies de type : Anaerococcus, Peptoniphilus, Porphyromonas, Fenollaria et Fusobacterium.
Elles étaient toutes associées à des formes agressives, à progression rapide, du cancer prostatique.
Les chercheurs précisent cependant qu’il n’est pas possible pour le moment de savoir si ces bactéries participent à l’origine du cancer ou si elles en sont une conséquence, potentiellement due à la mauvaise réponse immunitaire due au cancer.
« Parmi les choses que nous ne savons pas encore, il y a la façon dont les gens attrapent ces bactéries, si elles causent le cancer ou si une mauvaise réponse immunitaire permet la croissance de la bactérie », détaille ainsi le Dr Hurst (UEA), premier auteur de ce travail.
« Mais nous espérons que nos découvertes et nos travaux futurs pourront conduire à de nouvelles options de traitement, qui pourraient ralentir ou empêcher le développement d’un cancer agressif de la prostate.
Notre travail pourrait également jeter les bases de nouveaux tests qui utilisent des bactéries pour prédire le traitement le plus efficace pour le cancer de chaque homme », a-t-elle ajouté.
Sources : Communiqué de l’University of Esat Anglia, 20 avril 2022 ; et European Urology Onclogy, 18 avril 2022
https://euoncology.europeanurology.com/article/S2588-9311(22)00056-6/fulltext