Actualités  –  publiée le 11/05/2019 par Équipe de rédaction Santélog

Science

Ici, la dose de sirop donnée aux souris chaque jour équivaut à boire un soda par jour.

Cette étude du Weil Cornell Medicine (New York) suggère que consommer l’équivalent d’une canette de soda par jour ou son apport en fructose, induit le développement de tumeurs plus grosses chez les souris prédisposées au cancer du côlon. L’étude publiée dans la revue Science, montre comment le sirop de maïs à haute teneur en fructose alimente la croissance des tumeurs du côlon chez ces souris, et identifie une stratégie possible pour bloquer cette croissance tumorale. Sous réserve qu’ils soient confirmés chez l’Homme, ces résultats pourraient donc avoir d’importantes implications pour le traitement ou la prévention du cancer.

L’étude montre que les polypes colorectaux se nourrissent de sirop de maïs à haute teneur en fructose et explique le mécanisme moléculaire par lequel cela entraîne la croissance de la tumeur, résume l’un des auteurs principaux, le Dr Lewis Cantley, directeur du centre de cancérologie au Weill Cornell Medicine et NewYork-Presbyterian : « Si nos travaux ont été menés chez des souris, nos conclusions ajoutent aux preuves de plus en plus nombreuses selon lesquelles le sucre alimente la croissance du cancer ».

Alimentation et risque de cancer colorectal : la consommation de boissons gazeuses et d’autres boissons avec du sirop de maïs à haute teneur en fructose a considérablement augmenté depuis les années 1980. Simultanément, on a vu la hausse des taux d’obésité et de syndrome métabolique, ainsi que de cancer colorectal chez les adultes jeunes et d’âge moyen. Des études observationnelles suggèrent que les personnes qui consomment plus d’aliments sucrés et celles qui souffrent d’obésité ont un risque plus élevé de cancer du côlon. Cependant, il reste difficile de distinguer les effets du régime alimentaire de celles de l’obésité dans le développement du cancer du côlon. D’autres études observationnelles ont établi un lien entre les régimes riches en viande transformée et en pauvres en fibres et l’augmentation du risque de cancer du côlon, tandis que les régimes riches en fibres, riches en fruits et légumes et pauvres en viande rouge ont été associés à une réduction du risque. Bien que ces études « d’association » ne prouvent pas que l’alimentation cause directement le cancer du côlon, il existe de bonnes raisons de penser qu’elle pourrait y contribuer.

Le rôle du sucre dans la croissance des tumeurs du côlon : l’équipe apporte des preuves plus directes du rôle du sucre dans la croissance des tumeurs du côlon. En injectant une petite dose de sirop de maïs riche en fructose chaque jour pendant 8 à 9 semaines dans la bouche de souris génétiquement modifiées pour développer des tumeurs du côlon, les chercheurs montrent que ces souris développent des tumeurs plus grosses que les souris témoins. Or la dose de sirop donnée aux souris chaque jour équivaut à boire un soda par jour. Certes, les souris étant génétiquement modifiées pour développer ces tumeurs, l’étude ne démontre pas que l’administration de sirop à haute teneur en fructose est à l’origine de nouvelles tumeurs, mais elle démontre que le fructose entraîne des tumeurs plus importantes.

La tumeur aime le sucre : Pour comprendre pourquoi, les chercheurs ont regardé ce qui se passe lorsque des souris sont supplémentées au sirop de maïs à haute teneur en fructose. Cette consommation entraine un excès de glucose et de fructose au côlon des souris. En utilisant des sucres marqués par un isotope, l’équipe montre que les tumeurs du côlon absorbent facilement les deux sucres. Une enzyme appelée cétohexokinase (KHK) transforme le fructose en fructose-1-phosphate, ce qui permet à la tumeur d’utiliser plus facilement le glucose comme énergie. Cela favorise également la production de graisses nécessaires à la croissance des tumeurs. Les graisses et le fructose-1-phosphate boostent donc la croissance tumorale. Un résultat comparable aux effets du saccharose, des études préliminaires ayant conduit à montrer que le sucre de table stimule aussi la croissance tumorale dans ce modèle.

Vers une thérapie génique ou diététique ? La suppression du gène KHK ou d’un gène appelé acide gras synthase (fatty acid synthase), responsable de la production de graisses essentielles à la fabrication des membranes entourant les nouvelles cellules cancéreuses, toujours chez ces souris génétiquement modifiées pour développer des tumeurs du côlon, empêche en effet les effets de sirop de maïs au fructose.

Il existe donc, selon les chercheurs, 2 voies génétiques à cibler pour inverser les effets du fructose : des médicaments ciblant KHK ou la production de graisse dans les cellules tumorales pourraient aider à inverser les effets de ces sucres sur la croissance tumorale.

Un médicament bloquant KHK est d’ailleurs actuellement en essai clinique de phase II pour le traitement de la stéatose hépatique. Une autre approche serait de tester si un régime très pauvre en sucre, comme le régime cétogène, ralentit la croissance tumorale. Les chercheurs ont même créé un régime cétogène contenant moins de 3% de glucides et ne contenant pas de sucre, qui pourrait être bénéfique aux patients suivant un traitement anticancéreux.

En conclusion, les personnes atteintes d’un cancer du côlon ou à risque élevé, devraient éviter les boissons sucrées. Enfin, c’est à nouveau la capacité de l’alimentation à améliorer la thérapie traditionnelle qui est ici rappelée.

Source: Science 22 March, 2019 2 Mar 2019 DOI: 10.1126/science.aat8515 High-fructose corn syrup enhances intestinal tumor growth in mice

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