Par Marielle Ammouche le 02-10-2017
Une étude de l’Inserm identifie plusieurs perturbateurs endocriniens comme responsables de troubles du développement comportemental chez les jeunes garçons.
Diverses données issues d’études chez l’animal ou observationnelles ont fait suspecter les perturbateurs endocriniens d’avoir un impact sur le développement comportemental des enfants. Plusieurs observations, largement rapportées par les médias, ont en particulier suggéré un lien entre l’autisme ou des troubles de l’attention, et l’utilisation de pesticides. Des chercheurs de l’Inserm ont voulu aller plus loin dans ce domaine. Ils ont donc mené une étude épidémiologique qui visait à analyser les liens entre l’exposition prénatale à certaines substances présentes dans des produits de consommation courante et connues pour être des perturbateurs endocriniens, et des effets sur le comportement des enfants.
L’équipe de Claire Philippat, sous la coordination de Rémy Salma (Inserm, Cnrs, Université de Grenoble) a utilisé les données de la cohorte Éden mise en place par l’Inserm. Les femmes enceintes participant à cette cohorte ont été recrutées entre 2003 et 2006 dans les CHU de Nancy et Poitiers. Et, au final, 529 enfants, mais uniquement des garçons, étaient inclus dans l’étude. Aux troisième et cinquième anniversaires de l’enfant, ces mamans ont rempli un questionnaire standardisé évaluant certains aspects du comportement de leur enfant tel que l’hyperactivité, les troubles émotionnels et les troubles relationnels. Un prélèvement d’urine était aussi effectué pendant la grossesse. Onze perturbateurs endocriniens étaient mesurés.
Les résultats ont mis en évidence une association positive entre troubles du développement comportemental et 3 substances : le bisphénol A, interdit de tous les contenants alimentaires en France en janvier 2015, (date ultérieure à la réalisation de l’étude) ; le triclosan, un agent antibactérien présents dans certains dentifrices et savons ; et le dibutyl phthalate (DBP), utilisé comme plastifiant dans les plastiques de type PVC, certaines colles, vernis à ongles et laques pour les cheveux. Si le bisphénol A est actuellement totalement interdit, le triclosan et le DBP sont toujours présents dans certaines familles de produits, à des taux variables. Ainsi, le triclosan est autorisé jusqu’à certaines valeurs limites dans les cosmétiques et est interdit dans les textiles au niveau de l’Union européenne. Le DBP est lui aussi est réglementé selon une logique de valeur limite et il est interdit dans les cosmétiques.
Les effets du triclosan démontrés pour la première fois chez l’homme
Les résultats de l’étude montrent que de 70 à 100% des femmes de la cohorte Eden, recrutées durant leur grossesse étaient exposées à des niveaux détectables de différentes substances. Les niveaux urinaires étaient de l’ordre de 1 à 3 µg par litre pour le bisphénol A, de 10 à 100 µg par litre pour le triclosan. Concernant les effets sur les enfants, l’étude rapporte que l’exposition au bisphénol A était associé à une augmentation des troubles relationnels à 3 ans et des comportements de type hyperactif à 5 ans. Pour les auteurs de l’étude ces données confirment que « les effets du bisphénol A sur le comportement observés chez l’animal de laboratoire se retrouvent chez l’humain à des expositions faibles, probablement inférieures à celles préconisées par l’autorité européenne de sécurité alimentaire, l’Efsa ».
En outre, le métabolite du DBP était lui associé à davantage de troubles émotionnels et relationnels, incluant les comportements de repli, à 3 ans, mais pas à 5 pour les troubles émotionnels.
Par ailleurs, l’étude établit pour la première fois une association entre le triclosan et une augmentation des troubles émotionnels à 3 et 5 ans. Cette information est concordante avec de précédents travaux de l’équipe de Grenoble qui avaient déjà mis en évidence une diminution du périmètre crânien à la naissance, dans cette même population. « Là, clairement, on a des signaux d’alerte sur les effets sanitaires de cette substance. C’est un agent antibactérien, donc il faudrait vraiment s’assurer qu’il y a un bénéfice sanitaire important, car il y a vraiment une inquiétude sur ses effets sur le neuro-développement », commente Rémy Slama sur Francetvinfo.fr.
Élargir les études aux filles
L’Inserm précise que l’étude ne permet pas d’étudier directement l’effet sur l’autisme. Pour cela, un effectif beaucoup plus important serait nécessaire : de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers d’enfants. Ces données devront donc être confirmées et précisées à l’avenir. D’ores et déjà, les équipes de recherche s’attachent à répliquer ces résultats au sein de la cohorte mère-enfant Sépages aussi en cours dans la région grenobloise, coordonnée par l’Inserm et soutenue par l’European Research Council. Cette étude présente l’avantage d’avoir de nombreux échantillons d’urine recueillis durant la grossesse et les premières années de vie de l’enfant ; et d’étudier les effets aussi chez les petites filles.
Sources :
Inserm, Francetvinfo.fr. AFP
Environmental Health Perspectives. Septembre 2017.
https://ehp.niehs.nih.gov/ehp1314/
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