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Aude Lecrubier AUTEURS ET DÉCLARATIONS  13 décembre 2019

Issy-les-Moulineaux, France — « Il existe encore un gap entre le pronostic de l’AVC chez les femmes et chez les hommes. Il est donc important d’améliorer nos stratégies de prise en charge aigues mais aussi de prévention chez la femme », a indiqué le Dr Yann Béjot, neurologue au CHRU de Dijon, en préambule d’une session rapportant les grandes lignes de futures recommandations européennes spécifiques aux AVC chez les femmes, lors du congrès de la Société Française Neuro-Vasculaire (SFNV) 2019 [1].

5 questions clés

Le texte définitif des recommandations sera publié au cours de l’année 2020 sur le site de l’European Stroke Organization (ESO) mais d’ores et déjà, l’orateur a révélé que le groupe de travail, coordonné par le Dr Christine Kremer (Hôpital universitaire de Skåne, Université de Lund, Suède), avait abordé 5 questions clés :

  1. Quel est l’impact de l’aspirine en prévention primaire de l’infarctus cérébral chez les femmes comparé à ce qui est observé chez les hommes ?
  2. Problématique du traitement de la phase aiguë chez les femmes enceintes mais aussi en post-partum et en période de menstruation.
  3. Quid de la thrombolyse IV et du traitement endovasculaire chez les femmes victimes d’un AVC ischémique aigu ?
  4. Faut-il traiter différemment les hommes et les femmes qui présentent une FA ?
  5. Endartériectomie carotidienne et stenting carotidien dans la sténose symptomatique et asymptomatique de l’artère carotide : comparaisons hommes et femmes.

Femmes enceintes, en post-partum et en période de menstruation : les AMM posent problème

Lors de son intervention, Yann Béjot a insisté particulièrement sur la deuxième thématique abordée par les recommandations.  « Dans cette série de recommandations, la partie la plus importante est celle qui concerne la problématique du traitement de phase aiguë chez les femmes enceintes, en période de post-partum et de menstruation. Ces situations nous posent toujours problème, notamment par rapport aux AMM des produits », a-t-il souligné.

Thrombolyser les femmes enceintes vs traitement conservateur ?

La première question que s’est posée le groupe de travail est : chez les femmes enceintes, est-ce que la thrombolyse intra veineuse comparée à un traitement conservateur améliore le pronostic à 3 mois ?

Pour établir leur recommandation, les experts se sont appuyés sur les données du registre américain GWTG [2], qui a collecté les données de 24 600 femmes de 18 à 44 ans présentant un infarctus cérébral et traitées par reperfusion/recanalisation parmi lesquelles 338 étaient enceintes ou en période de post-partum (dans les 6 semaines après l’accouchement).

Il en ressort qu’il n’a pas été rapporté de différence en termes de taux de recanalisation et de pronostic entre les femmes enceintes/post partum et les femmes non enceintes/non en post partum.

Une tendance à l’augmentation du risque hémorragique intracérébral symptomatique a été observée chez les femmes enceintes/post partum.

En revanche, une tendance à l’augmentation du risque hémorragique intracérébral symptomatique a été observée chez les femmes enceintes/post partum versus les femmes non enceintes/non en post partum (7,5% vs 2,6%, p=0,06) sans toutefois que ne soient rapportés de saignements majeurs systémiques.

L’analyse des 15 cas cliniques retrouvés dans la littérature a également fait état de 2 cas d’hémorragie maternelle et 2 cas d’avortement ou interruption médicale de grossesse. Pour les autres cas, la naissance s’est déroulée normalement avec un bébé en bonne santé. Le pronostic fonctionnel de la mère à 3 mois était considéré comme excellent pour les 15 cas.

Basé sur ces données  « de faible niveau de preuve », précise le Dr Béjot, le groupe de travail a tout de même émis une recommandation en faveur de la thrombolyse intraveineuse chez les femmes enceintes qui présentent un infarctus cérébral potentiellement handicapant et qui, par ailleurs, ont des critères favorables à la thrombolyse intraveineuse (Recommandation de niveau faible).

« Cette recommandation nous permet avec plus de sérénité de traiter nos patientes mais il faudra mettre en place des cohortes de suivi de ces patientes », a conclu le Dr Béjot.

Thrombolyse vs traitement conservateur : qui de la période du post-partum ?

Sur ce point l’orateur a indiqué qu’« il n’y avait pas assez de données pour établir une recommandation » tout en indiquant qu’à titre personnel,  il pensait qu’il était possible d’appliquer ce qui était observé chez la femme enceinte à la femme en période de post-partum « avec toujours l’optique de se rapprocher de l’obstétricien en urgence par rapport au risque d’hémorragie, notamment d’hémorragie de la délivrance ».

Thrombolyse ou traitement conservateur en période menstruelle ?

Là encore, il existe très peu de données sur cette question. Les experts ont relevé 5 cas dans la littérature pour lesquels le rapport bénéfice-risque était positif pour la thrombolyse à l’exception d’une des femmes avec des antécédents de saignements utérins récurrents qui a présenté une hémorragie utérine sévère nécessitant une ligature de l’artère utérine.

Le groupe de travail a donc émis une recommandation stipulant que la thrombolyse intraveineuse devrait être considérée en cas d’AVC ischémique chez les femmes en période de menstruations qui ont des critères d’égilibilité à la thrombolyse (Recommandation de niveau faible).

Traitement endovasculaire ou thrombolyse/traitement conservateur ?

La comparaison du traitement endovasculaire par rapport à la thrombolyse IV/un traitement conservateur dans cette période de grossesse, de post-partum et de menstruations est difficile en raison du peu de données disponibles.

Pendant la grossesse, 4 cas ont été publiés concernant la thrombolyse intra-artérielle et 3 cas de thrombectomie mécanique. Sur ces 7 cas, un cas d’hémorragie maternelle a été rapporté avec la thrombolyse intra-artérielle. Pour six des cas, le pronostic de l’enfant a été rapporté et il était bon.  Aussi, trois cas ont rapporté le pronostic de la mère qui était également bon. Aucune interruption médicale de grossesse ou avortement n’ont été signalé.

Concernant le traitement combiné, deux cas ont été rapportés avec de bons résultats, « sans pouvoir écarter, bien sûr, les biais de publication », souligne l’orateur.

Sur la période du post-partum, 4 cas de thrombolyse intra-artérielle avec un bon pronostic ont été publiés.

Le groupe d’expert recommande donc le traitement par voie endovasculaire, la thrombectomie mécanique, en priorité (tendance à moins d’hémorragies maternelles) pour les patientes enceintes, en post-partum ou en période de menstruations avec occlusion d’un gros vaisseau, éligibles à ce traitement (Recommandation de faible niveau de preuves).

« Globalement, ces nouvelles recommandations en période de grossesse, post-partum ou de menstruations nous mettront un peu plus à l’aise par rapport à ce que l’on fait déjà. C’est-à-dire un traitement actif », a conclu le Dr Béjot qui regrette toutefois le peu de données disponibles chez les femmes et leur mauvaise qualité et qui appelle à réaliser plus d’études dans la population féminine.

LIENS

Références : Actualités Medscape © 2019 WebMD, LLC

Citer cet article: AVC: bientôt des recommandations spécifiques aux femmes – Medscape – 13 déc 2019.