Damien Coulomb | 30.11.2018 Crédit Photo : AFP Zoom
L’espérance de vie a continué à baisser aux États-Unis en 2017 par rapport à 2014. Cette dégradation historique a été révélée dans les données publiées par le démographe et sociologue Robert Anderson, de l’institut de recherche en sciences sociale de l’université de Pennsylvanie. « C’est la première fois que l’on voit une tendance à la baisse depuis la grande épidémie de grippe de 1918 », explique-t-il.
L’espérance de vie à la naissance était de 76,1 ans en 2017 pour les hommes, et de 81,1 ans pour les femmes, soit une moyenne de 78,6 ans, contre 78,9 en 2014. C’est 3 ans et demi de moins que le Canada, également touché par les overdoses. En 2017, environ 70 000 Américains sont morts d’overdose, soit 10 % de plus qu’en 2016. Dans leur grande majorité, ce sont des opiacés qui sont impliqués.
Une épidémie vieille de 15 ans
Historiquement, « cela fait plus d’une quinzaine d’années que l’épidémie d’overdoses a commencé », rappelle le Pr Nicolas Authier, directeur de l’Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA). Pour ce médecin psychiatre, par ailleurs président de la commission des stupéfiants et psychotropes de l’ANSM, la surconsommation de médicaments opioïdes « a pris la place de l’héroïne chez les toxicomanes, et a même intoxiqué des gens qui n’avaient jamais été en contact avec l’héroïne jusque-là. Ils ont véritablement « élargi le marché » de l’addiction ». Les pratiques commerciales de certains laboratoires s’apparentaient en outre à celles du deal de rue : « La première dose de médicament était parfois gratuite, et les laboratoires distribuaient des bons de réduction pour que même les personnes en difficulté puissent s’en procurer. »
Pour expliquer cette tendance, le Pr Authier pointe du doigt « l’inondation du marché de la prise en charge de la douleur » par des opiacés comme l’oxycodone. « Ces équivalents de la morphine ont bénéficié d’un marketing extrêmement agressif et inadapté, dénonce-t-il, qui s’est traduit par des prescriptions exagérées pour des douleurs non liées aux cancers. Des entorses de cheville ont été traitées à l’oxycodone ! » Le phénomène s’est encore amplifié avec l’arrivée des formes à libération immédiate de fentanyl.
Les prescriptions en baisse
Selon les dernières données de l’agence américaine du médicament (FDA), et à la suite de la prise de conscience médiatique de l’énormité de ce problème de santé publique, les prescriptions d’opioïdes ont reculé ces dernières années. Après un pic à 250 milliards de milligrammes équivalent morphine en 2016 (contre 50 milliards en 1992) la quantité délivrée s’établit à un peu moins de 200 milliards de milligrammes équivalents morphine.
Cette baisse de la prescription pourrait-elle se traduire par une diminution de la mortalité ? Le Pr Authier n’y croit pas. « La drogue illicite a pris le relais des médicaments détournés depuis 4 ou 5 ans, avec des produits comme le fentanyl présent dans les laboratoires clandestins des réseaux mafieux, explique-t-il. Certains états sont encore en phase d’augmentation du nombre d’overdoses. Le seul moyen de faire baisser la mortalité dans l’immédiat serait d’améliorer la disponibilité de la naloxone. »
Source : Lequotidiendumedecin.fr