18.04.2019 – Zoom
Plus de 350 000 décès cardiovasculaires évités en 20 ans, près de 600 000 nouveaux cas de diabètes en moins, 727 000 années d’espérance de vie en bonne santé supplémentaires… Aux États-Unis, l’impact estimé de l’étiquetage des aliments contenant des sucres ajoutés, imposé par la FDA et publié dans « Circulation », a de quoi impressionner.
Adopté en 2016, ce logo sera appliqué au 1er janvier 2020 sur les aliments des industriels réalisant plus de 10 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel, et au 1er janvier 2021 pour les autres. Comparé à l’ancien, le nouveau logo réserve une place plus importante au nombre de calories, et fait une distinction entre le sucre en général et le sucre ajouté au cours de l’élaboration du produit alimentaire.
Pour évaluer l’effet de cet étiquetage à l’échelle de la population des États-Unis, les chercheurs de l’université Tufts (Boston), de l’université de Liverpool et de l’Imperial College de Londres se sont fondés sur la modélisation IMPACT de l’institut international de recherche sur les politiques alimentaires. Cet outil est alimenté par les données de 159 pays dont elle mesure l’effet des politiques de santé publique sur la démographie, les habitudes alimentaires, la prévalence des maladies non transmissibles, etc.
Les chercheurs ont ensuite appliqué les caractéristiques démographiques américaines issues des deux dernières enquêtes nationales américaines sur la santé et la nutrition, puis ont formulé l’hypothèse que le nouveau logo allait diminuer de 6,8 % la prise moyenne de calories. Une hypothèse jugée « optimiste » par le Dr Chantal Julia de l’équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle (Centre de recherche en épidémiologie et biostatistiques Sorbonne Paris Cité).
« Leur hypothèse est tirée d’une méta analyse regroupant des études menées sur des modes d’intervention très variées : étiquetage à l’arrière ou à l’avant du paquet, signalétique dans des lieux de restauration collective… Poursuit le Dr Julia. Le nouvel étiquetage de la FDA ne sera visible qu’à l’arrière des paquets. De plus ils estiment que la diminution de 6,8 % s’appliquera tous les ans. » La chercheuse reconnaît la difficulté d’établir des hypothèses de départ pour ce genre travail, faute « d’étude qui vont jusqu’à regarder les effets de l’étiquetage sur les consommations alimentaires ».
Sur la base de ces hypothèses, les auteurs ont calculé qu’en 20 ans, la consommation médiane de sucres ajoutés devrait, grâce à ce nouveau label, passer de 37,3 g/jour à 31,5 g/jour. C’est grâce à cette diminution de la consommation de sucres ajoutés que les États-Unis pourraient connaître, en 20 ans, 354 400 décès cardiovasculaires et 599 300 nouveaux cas de diabètes en moins.
Un second scénario plus optimiste
Les chercheurs ont poussé l’analyse un peu plus loin, avec un second scénario plus favorable encore, dans lequel le nouvel étiquetage pousse les industriels à revoir les formules de leur produit pour réduire les quantités de sucres ajoutés.
Si l’on suit cette hypothèse, ce sont 708 800 décès cardiovasculaires qui seraient évités, 1,2 million de nouveaux cas de diabète et un gain de 1,3 million d’années d’espérance de vie en bonne santé. « Les industriels réagissent systématiquement aux incitations par l’étiquetage ou la fiscalité, explique le Dr Julia.
Les effets des reformulations sont plus importants que ceux des modifications de comportements individuels. Selon les études, plus 60 % des Européens disent regarder la face arrière des emballages, mais moins de 10 % le font réellement, et il s’agit seulement des consommateurs les plus informés. En modifiant la formulation, on touche l’ensemble des consommateurs. »
En termes de coûts, ce sont 31 milliards de dépenses de santé qui seraient économisées sur 20 ans, dans le premier scénario, et 57,6 milliards dans le second scénario, auxquels il faut ajouter les coûts sociaux indirects : respectivement 61,9 et 113,2 milliards respectivement. Quel que soit le scénario envisagé, des mesures d’étiquetage seront coûts efficaces dès 2023, et le bénéfice serait plus large chez les hommes que chez les femmes.
Source : Lequotidiendumedecin.fr