https://www.jim.fr/e-docs/00/02/BB/63/carac_photo_1.jpg Publié le 20/08/2019

Atlanta, le mardi 20 août 2019 – Les autorités sanitaires américaines et plus spécifiquement celles de certains états sont en alerte et les professionnels de santé sont invités à la vigilance. Ce samedi, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) ont indiqué conduire des investigations concernant 94 « cas possibles d’atteintes pulmonaires sévères » potentiellement liés au vapotage, signalés entre le 28 juin 2019 et le 15 août 2019. Trente-et-un dossiers sont aujourd’hui dûment confirmés et les autres font l’objet de recherches complémentaires. Quatorze états sont concernés, tandis que le Wisconsin a recensé le plus grand nombre de cas (30).

Si le nombre total reste relativement restreint alors qu’en 2018, 3,6 millions de lycéens et d’étudiants américains indiquaient avoir eu recours à la cigarette électronique dans le mois écoulé, l’alerte, compte tenu de la sévérité de certaines atteintes (et également de l’engouement pour la e-cigarette) fait l’objet d’une extrême vigilance.

Hospitalisation quasiment systématique

Les patients sont majoritairement des adolescents et des jeunes adultes ; mais des cas ont également été rapportés chez des sujets plus âgés. Le département de santé de New York a ainsi répertorié onze cas chez des sujets âgés de 18 à 49 ans. Les sujets présentent différents symptômes : dyspnée et/ou douleurs thoraciques principalement mais fièvre, toux, vomissements et diarrhée ont également parfois été rapportés. La grande majorité des patients a dû être hospitalisée et certains ont nécessité des soins intensifs, voire une réanimation.

Des prises en charge complexes

La prise en charge de ces patients est rendue complexe par la difficile détermination de la cause. Les équipes concernées ont initialement majoritairement envisagé une infection pulmonaire ou virale : mais cette piste semble aujourd’hui exclue. La persistance des symptômes en dépit de traitements a priori adaptés a ainsi suscité la circonspection et l’inquiétude de l’équipe d’Emily Chapman, chef de service dans un hôpital pédiatrique de Minneapolis qui a pris en charge quatre adolescents âgés de 16 à 18 ans, citée dans le Washington Post. Seul le recours à des stéroïdes a permis d’améliorer le tableau clinique des jeunes patients. Aujourd’hui, les éléments mis en avant par les CDC ne permettent pas de déterminer si l’ensemble des patients a été totalement amélioré et si des séquelles sont à redouter.

Des cartouches suspectes

Les investigations des équipes qui ont pris en charge ces adolescents et jeunes adultes ont souvent conduit à identifier le même point commun : le vapotage. Cependant, les investigations doivent également se poursuivre pour confirmer ce lien. Surtout, l’enquête se concentre sur le type de substances utilisées, alors que différents produits ont été évoqués : nicotine, huile de THC, cannabinoïdes synthétiques, cocktail de substances, voire liquides artisanaux. Par ailleurs, les investigateurs évoquent la possibilité de lots frelatés (ce qui pourrait être confirmé si le nombre de cas diminuait avec le temps), dans un contexte où la régulation américaine vis-à-vis de la cigarette électronique est parfois particulièrement souple.

Répondre à ces questions est complexe car il peut être difficile d’identifier précisément les cartouches ayant apparemment déclenché les troubles, tandis que certains patients peuvent se montrer réticents à transmettre certaines informations. Cependant, différentes cartouches probablement impliquées dans le Wisconsin ont déjà pu être envoyées pour analyse à la Food and Drug Administration.

Des profils à risque

Les interrogations concernent également le profil des patients. Alors que certains présentent des antécédents (d’asthme notamment), les recherches se concentrent sur d’éventuels facteurs de risque. Plus généralement, les experts des CDC souhaitent déterminer si les non-fumeurs et plus encore les plus jeunes sont les plus exposés, alors que certains spécialistes ont déjà souligné la toxicité particulière que pourrait représenter chez certains non-fumeurs et chez les plus jeunes la cigarette électronique (tel un rapport de janvier 2018 de la National Academies of Sciences, Engineering and Medicine).

Sauver le substitut nicotinique, contrôler la cigarette électronique récréative et potentiellement dangereuse

Dans un pays où l’utilisation de plus en plus fréquente de la cigarette électronique par des jeunes n’ayant jamais expérimenté la cigarette classique inquiète de plus en plus et est à l’origine de réglementations prohibitives (comme à San Francisco), cette affaire ravive les préoccupations. Pour l’entreprise JUUL, leader américain de la cigarette électronique, qui a mis en place un système de surveillance, ces cas d’atteintes pulmonaires « réaffirment la nécessité de garder tous les produits du tabac et de la nicotine hors de la portée des jeunes grâce à une réglementation importante en matière d’accès (…). Nous devons également veiller à ce que les produits illégaux, tels que les contrefaçons, les imitateurs (…) restent en dehors du marché et des jeunes ».

Au-delà, cette situation semble démontrer une nouvelle fois la nécessité d’une réflexion sur le statut de la cigarette électronique, dont l’utilité et la pertinence comme substitut nicotinique (dont atteste un nombre croissant d’études) pourrait pâtir d’usages dangereux (chez les jeunes notamment) et non contrôlés.

Aurélie Haroche

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