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Dr Dominique Savary – AUTEURS ET DÉCLARATIONS  – 30 novembre 2020

Arrêt cardiaque : 10 points à retenir sur les nouvelles recommandations internationales (medscape.com)

Le blog du Dr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur

TRANSCRIPTION

Aujourd’hui, nous allons évoquer les dernières recommandations internationales de prise en charge de l’arrêt cardiaque[1].

Ces recommandations ont lieu tous les cinq ans, elles réunissent un groupe d’experts internationaux qui revisitent l’ensemble des articles et des papiers sur l’arrêt cardiaque et qui proposent un certain nombre de recommandations.

Et parmi celles-ci, j’ai choisi une dizaine de points cruciaux qui sont discutables, mais que je voulais partager avec vous.

  1. Le No-No-Go: parmi les 10 points marquants de ces recommandations, je commencerai par celui qui concerne la régulation médicale et qui est le No-No-Go, un moyen mnémotechnique pour nos assistants de régulation médicaux (ARM) d’identifier les situations où il existe un arrêt cardiaque et où il faut encourager les gestes de premiers secours par les appelants. Lorsque l’ARM a identifié le lieu de l’urgence avec ce moyen, c’est-à-dire que lorsqu’ils posent deux questions spécifiques qui sont « est-ce que le patient est conscient ? » — No, « est-ce que le patient respire normalement ? » — No… il doit alors encourager le Go, c’est-à-dire la réalisation de compression thoracique continue jusqu’à l’arrivée des secours. Voilà le premier outil, le No-No-Go.
  2. Applications mobiles : le deuxième élément, qui concerne aussi la régulation, est l’importance d’utiliser les moyens de technologie téléphonique avancée pour encourager des volontaires et des secouristes qui sont prêts à se déplacer pour aller réaliser les premiers gestes de secours à un patient qui ferait un arrêt cardiaque à proximité du lieu où ils se trouvent. Vous le savez, ces outils, il y en a plusieurs qui ont été développés, je rappellerais celui des SAMU, SAUV Life , qui permet de télécharger une application, et pour les secouristes qui sont volontaires, d’identifier le lieu d’un arrêt cardiaque pour qu’ils puissent s’y diriger et être éventuellement accompagnés pour la réalisation des gestes élémentaires de survie. Les recommandations encouragent ces pratiques, en particulier en zone urbaine.
  3. RCP réaffirmée : le troisième point concerne la réaffirmation de la qualité de la réanimation cardio-pulmonaire (RCP), à la suite de diverses études, en particulier celle menée par la chercheuse australienne Julie Considine et qui est sortie dans Resuscitation en 2020. C’est une revue systématique regroupant un certain nombre d’études qui ont analysé la qualité de la RCP ; un effectif de 12 500 patients montrait qu’il fallait absolument que les compressions thoraciques soient suffisamment profondes, c’est-à-dire 5 cm, sans dépasser 6 cm, et que la fréquence, elle aussi, était essentielle — entre 100 et 120 par minute, tout en privilégiant le moins d’interruptions possibles de ces compressions thoraciques. Donc une RCP réaffirmée.
  4. Adrénaline réaffirmée : Quatrième point, là aussi une réaffirmation, c’est la place de l’adrénaline. Beaucoup de discussions ont eu lieu ces dernières années autour de la place de l’adrénaline. Les recommandations sont très fermes et très claires : en particulier pour les rythmes cardiaques non choquables, l’adrénaline a sa place « as soon as possible » c’est-à-dire, dès que possible. La réalisation d’un milligramme d’adrénaline renouvelé toutes les trois à cinq minutes est tout à fait essentielle pour la survie des patients ― pour un arrêt cardiaque non choquable. Et pour les arrêts cardiaques choquables, les recommandations précisent que l’adrénaline, là aussi, a sa place. Probablement après les cycles de défibrillation classiques, il faut entamer l’utilisation d’adrénaline. Donc pas de discussion pour nos experts autour de ce sujet, en précisant que la voie pour injecter cette adrénaline, c’est d’abord la voie intraveineuse et c’est seulement la voie intraosseuse en cas d’échec.
  5. Spécificités de l’arrêt cardiaque : tous les arrêts cardiaques ne se ressemblent pas et les recommandations précisent qu’il faut chercher les spécificités — par exemple l’arrêt cardiaque post-traumatique, l’arrêt cardiaque en lien avec des troubles hydro-électrolytiques, l’arrêt cardiaque post-chirurgie cardiaque, l’arrêt cardiaque au cours de la grossesse etc. devaient avoir des prises en charge spécifiques. Et si on prend l’arrêt cardiaque au cours de la grossesse, les recommandations proposent un nouvel algorithme qui encourage la réanimation maternelle réussie pour un meilleur pronostic dans cette situation, en rappelant l’importance du soulagement aorto-cave par le déplacement utérin côté latéral gauche sur les femmes enceintes.
  6. Intoxications opioïdes : le sixième point intéresse probablement moins l’Europe que les États-Unis, ce sont les intoxications opioïdes, dont on a beaucoup entendu parler, et qui sont à l’origine d’arrêts cardiaques et d’arrêts respiratoires. Les recommandations insistent davantage sur une réanimation cardio-pulmonaire spécialisée de qualité plus que d’aller courir chercher des antidotes qui, elles aussi, seront bien sûr nécessaires, mais c’est la réanimation de qualité qui est encouragée dans les recommandations.
  7. COVID-19 et sécurité : on s’en doutait, les experts se sont intéressés à la crise COVID actuelle et rappellent que la prise en charge d’un arrêt cardiaque, en particulier dans les zones à forte incidence, doit encourager les professionnels à la plus grande prudence, à utiliser des mesures de protection lors de la prise en charge des arrêts cardiaques, puisque la RCP et la gestion des voies aériennes supérieures vont soumettre les secouristes à une aérosolisation et à un risque de propagation virale. Un certain nombre d’éléments ont été proposés, comme du massage cardiaque automatisé, des tenues de protection pour les soignants bien sûr, et aussi, pour l’abord trachéal, que ce soit le praticien le plus expérimenté qui le fasse en utilisant des systèmes qui lui permettent d’être un peu éloigné du patient ― en particulier l’utilisation d’outils vidéo sur les laryngoscopes sont fortement conseillés.
  8. Nouvelles technologies : la place des nouvelles technologies et en particulier de l’échographie portable est soulignée. Là aussi, de plus en plus de systèmes pré hospitaliers utilisent l’échographie portable sur les sites des interventions et les recommandations rappellent que l’échographie n’a pas sa place pour déterminer le caractère futile ou pas de la réanimation, et qu’il faut probablement utiliser cet outil uniquement pour aller chercher des causes réversibles d’arrêt cardiaque. C’est donc un point essentiel à rappeler.
  9. Soins post-arrêt cardiaque : les recommandations réaffirment la place de ces soins dans la prise en charge de l’arrêt cardiaque. La réanimation ne s’arrête pas au moment où le patient reprend une activité circulatoire, ils doivent être poursuivis et de haute qualité. En particulier, il est tout à fait essentiel de préserver une hémodynamique aux patients, de proposer une normoxie/normocapnie au patient et de travailler sur une gestion ciblée de la température. Il y a eu beaucoup de papiers, assez récemment, sur l’hypothermie. C’est en fait un contrôle ciblé de la température qui est l’objectif dans les soins post-arrêt cardiaque.
  10.  Récupération : en dernier point, j’ai retenu un maillon supplémentaire à la chaîne de survie qui est apparu dans ces recommandations, qui est celui de la récupération. Sixième maillon dans la chaîne de survie, la récupération concerne le lien ville-hôpital et les poursuites des soins qui ont été faits en service de réanimation et qui doivent être poursuivis en réadaptation, et qui concernent des survivants de l’arrêt cardiaque, mais aussi les soignants, pour traiter au mieux les séquelles de cet arrêt cardiaque. Il faut certainement optimiser la transition des soins et aller encore plus loin dans l’accompagnement de ces patients qui ont survécu à un arrêt cardiaque.

Voilà donc des recommandations qui sont très riches, très intéressantes, plein d’algorithmes qui peuvent nous aider à la prise en charge des patients ; je vous invite à les lire tranquillement[1]. À bientôt sur Medscape.

Merchant R et al. 2020 American Heart Association Guidelines for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency Cardiovascular Care. Circulation. 2020;142(suppl 2):S337–S357. DOI: 10.1161/CIR.0000000000000918

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Citer cet article: Arrêt cardiaque : 10 points à retenir sur les nouvelles recommandations internationales – Medscape – 30 nov 2020.