Accueil Course au large Arkéa Ultim Challenge – Brest

Quelques heures après avoir franchi la ligne d’arrivée de l’Arkéa Ultim Challenge – Brest, Charles Caudrelier a répondu aux questions des journalistes lors de la traditionnelle conférence de presse.

Le skipper du Maxi Edmond de Rothschild est revenu sur sa victoire et sur ce tour du monde marqué par différents événements.

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Conférence de presse de Charles Caudrelier, vainqueur de l’Arkéa Ultim Challenge – Brest. | THIBAUD VAERMAN

L.C. Publié le 27/02/2024 à 19h10

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Arkéa Ultim Challenge. Charles Caudrelier : « Tu n’as pas le temps d’avoir peur » (ouest-france.fr)

Quels sont les soucis qui t’ont handicapé sur la course ?

Charles Caudrelier : Je crois qu’on peut en parler. On peut les voir.

La première des avaries majeures, c’est le bras qui a cassé très rapidement.

On a vite trouvé des solutions et cette partie n’est pas structurelle pour le bateau.

Cela a été la bonne idée de Guillaume Verdier de ne pas la rendre structurelle, c’est purement aérodynamique.

On l’avait cassé une fois l’année dernière mais sinon j’avais jamais abîmé cette partie-là.

La vague était violente et a 45 nœuds, ça n’a pas pardonné. J’ai eu pas mal de problèmes avec les systèmes enroulages de voile.

Je me suis trouvé avec les voiles en l’air, je n’avais pas vraiment de solution et après on a trouvé comment réparer. Cela a commencé très tôt et ça s’est enchaîné.

Le deuxième problème majeur, c’était de déchirer cette grand-voile. On pensait devoir s’arrêter en Uruguay ou a Brésil en fonction de la météo.

Vingt-quatre heures après la casse, je naviguais sous 2 ris, je trouvais que ce n’était pas très gros.

Quand l’équipe a reçu les photos, ils ont eu peur. Finalement on a mesuré, on a vu en se disant que ce n’était pas une grosse déchirure.

Cyril (Dardashti) m’a dit : « on a une solution pour réparer, on est confiant ». Je n’y croyais pas trop mais la solution a été géniale. Cela n’a pas cédé. C’était les trucs principaux.

J’ai perdu un plan porteur de safran, à partir de l’océan Indien. Sur un côté je volais moins bien. Le foil heureusement, s’est mis du bon côté, là c’était plus de la performance.

J’ai aussi eu des problèmes avec le dessalinisateur. J’avais des problèmes d’eau salée et des maux de tête.

On a vite identité qu’il y avait un désal’qui déconnait. Cela aurait pu me faire arrêter la course puisque sans eau douce, on ne fait rien.

J’ai cassé mes systèmes de stockage de foil. Le foil devenait fou quand il était en l’air. On était préparé car c’était déjà arrivé sur la Transat Jacques Vabre. Heureusement qu’on a eu la Transat Jacques Vabre, cela nous a coûté dès le départ mais on a réussi à identifier le problème de barre quelques jours avant de le remettre à l’eau, on a pu le corriger.

Vous rendez-vous compte maintenant que vous êtes un des plus grands marins de l’histoire ?

Charles Caudrelier : Si je regarde, les lignes sont belles. Mais dans chaque adulte, il y a un enfant qui ne s’est pas vu grandir. Je me revois sur mon premier Figaro et j’ai du mal à oublier ça. Mais bon là quand je regarde le palmarès, les lignes sont dingues ! Après, quand Tom Laperche m’appelle le vieux, je me dis merde j’ai changé de catégorie (rires).

Elles sont plus belles que ce que j’aurai imaginé. Je n’aurais pas imaginé cocher la case Volvo Ocean Race, cocher la case multicoque. Je n’ai pas coché la case Vendée Globe mais je ne peux pas avoir de regret. Il y a eu du travail, un peu de talent et beaucoup de chance de tomber au bon endroit, au bon moment.

Tout a démarré par la Solitaire du Figaro quand Marc (Guillemot) me fait confiance, quand Pascal Bidégorry me fait confiance, quand Franck me fait confiance, quand Gitana me fait confiance…

Au moment où il a fallu réduire la toile, c’est déjà trop tard.

Est-ce que vous vous êtes ennuyé ? Franck Cammas a dit que ça avait peut-être été le cas ?

Charles Caudrelier : Je pense qu’il a réfléchi avec son cerveau. Lui n’aurait pas aimé, il s’ennuie plus vite que moi en bateau. Il passait beaucoup de temps sur les réseaux à regarder l’actualité.

Quand ça traînait dans la longueur, il n’aimait pas trop ça. Je n’ai pas vu passer les 15 premiers jours.

Mais j’avais envie de me retrouver dans une situation où je gère le bateau, je gère ma course.

Cela a été très animé mais à partir du moment où il a fallu passer le cap Horn, ça a été long.

Je le savais, je me disais ce ne sera pas fini mais ça s’est enchaîné : météo pourrie, je déchire la grand-voile car je suis impatient. J’ai attendu de prendre mon ris et au moment où il a fallu réduire la toile c’est déjà trop tard et je fais une erreur.

Il y avait un peu d’ennui sur la fin mais il y a eu tellement de bricolages, de choses à réparer. Les gars ont une liste monstrueuse. Cela fait partie de ce genre de course, une emmerde par jour comme disait Michel Desjoyeaux.

LIRE AUSSI : Arkéa Ultim Challenge. Charles Caudrelier, vainqueur du premier tour du monde en solitaire des Ultim

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Charles Caudrelier devant les journalistes. | THIBAUD VAERMAN

Si vous repartiez, comment feriez-vous pour faire un tour plus parfait que celui-là ?

Charles Caudrelier : Il y a des choses qui sont inévitables, des choses qu’on ne peut pas contrôler, des chocs…

Ça fait réfléchir. On a fait un bateau assez costaud d’un côté… Et on se base sur le poids pour gagner en performance, je pense à tout ce qui est aérodynamisme, à l’arrière du bateau.

C’est de la toile d’avion. On n’avait jamais cassé ça et j’arrive ici avec des trous partout.

Même en essayant d’aller à fond, j’étais à 80-85 % des polaires du bateau.

Quand j’ai cassé le bras, j’étais très inquiet concernant les performances. Perdre ce carénage, c’est perdre un nœud à certaines allures.

Le prochain challenge c’est d’arriver à passer le cap Horn à 90 % de la polaire, avec un bateau qui a 5 % de plus.

On va y arriver. On n’a pas encore la solution parfaite mais on l’a imaginé pendant ce tour du monde et on fera les optimisations pour le prochain bateau.

Quels sont vos prochains objectifs ?

Charles Caudrelier : J’ai un peu coché toutes les cases. J’ai un peu promis que j’allais calmer le jeu pour les enfants et leur maman.

On a un bel objectif, c’est de construire un bateau, de A À Z, et ça, je l’ai jamais fait.

J’ai vécu par procuration la construction de Safran, de Groupama, ça, c’est un beau challenge et c’est là-dedans que je prends le plus de plaisir aujourd’hui, à développer ces bateaux.

J’ai fait beaucoup de monotypes donc techniquement, j’avais pas mal de complexes.

De travailler avec ces gens-là, c’est là-dedans que je m’éclate le plus. Je souhaite m’améliorer dans ce domaine-là et j’ai vraiment un banc d’essai avec Gitana 18.

Je vais essayer de défendre mon titre sur le Route du Rhum mais je ne sais pas encore si je ferai le prochain tour du monde.

Un coursier à Paris prend plus de risque que moi sur son bateau.

Vous êtes-vous fait peur ? Vous avez failli chavirer ?

Charles Caudrelier : Ça va tellement vite tu n’as pas le temps d’avoir peur.

Le moment où j’ai eu le plus peur, c’est quand j’ai eu un trou dans mon cockpit.

Une vague, j’ai plus de pont, j’ai fait des transfilages. Il ne restait plus qu’une feuille de carbone mais j’ai oublié que c’était arrivé, j’ai marché à cet endroit et je me suis trouvé enfoncé jusqu’à la taille, retenu par des bouts.

La peur qui était au fond de moi, c’était plutôt celle de la casse, de la petite bêtise.

Quand j’ai relancé après mon stop avant le cap Horn, j’ai eu peur d’aller à 35 nœuds mais le quasi chavirage, ça a été très rapide.

Je me suis dit : « merde là, j’ai failli faire une grosse connerie ». Cela peut vite basculer.

Dans l’ensemble, je suis en confiance sur ce bateau et comme j’avais promis à ma fille, je ne prends pas de risque.

Je suis dans la maîtrise. Il y a tellement de systèmes de sécurité mis au point que le bateau ne m’a jamais trahi.

Sur le Maxi Edmond de Rothschild, la peur n’a pas disparu mais elle est quand même très réduite.

Et puis aussi, on s’habitue.

Les premières navigations où on va à 40 nœuds, on n’est pas à l’aise mais quand on part plusieurs jours, on s’habitue.

Je me répète un peu mais un coursier à Paris prend plus de risque que moi sur son bateau.

Quelle a été votre réaction lorsque les autres concurrents ont eu des avaries ?

Charles Caudrelier : J’ai fait un peu le faux cul en disant : mince, je suis désolé pour eux (rires).

Quand Tom (Laperche) abandonne, je suis triste pour lui car il fait une super course.

On s’est tiré vers le haut mutuellement ce qui nous a permis de faire le trou avec les autres.

On est allé plus vite, on a poussé plus fort et la météo nous a souri mais ça se passe souvent comme ça sur un tour du monde.

Quand Tom abandonne c’est un sentiment partagé en même temps je me dis merde et en même temps je me dis ça fait du bien.

J’avais peur qu’on s’engage dans une course où on pousserait fort les bateaux, on éclaterait les routages, à 100 % de la polaire.

On était en mode régate, j’avais peur de ça et je me retrouve dans ce contexte d’aventure où il faut gérer. Quand il était là, on ne gérait peut-être pas assez. On aurait peut-être été trop loin.

Après j’ai une bonne avance, mais les autres s’arrêtent, ont des problèmes de météo. Sodebo avait des soucis, Armel (Le Cléac’h) doit s’arrêter. Cela fait un concurrent dangereux en moins.

On est toujours soulagé même si c’est triste de voir ses potes s’arrêter, je me mets à leur place. Quand j’ai dû envisager une escale pour ma grand-voile, cela a été très dur moralement.

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Charles Caudrelier n’a pas montré une grande fatigue malgré les 50 jours en mer. | THIBAUD VAERMAN

La météo qu’on a tous eue est un scénario qu’on ne voit jamais.

Y a-t-il des différences que vous avez notées au niveau de la météo, du routage par rapport à votre autre tour du monde ?

Charles Caudrelier : J’ai jamais eu froid. Le matin où j’ai eu le plus froid, c’était ce matin (à Brest, ndlr).

C’est une année marquée par El niño, c’est ce courant qui dérègle un peu tout et du coup, les modèles étaient un peu perdus. On a échangé avec Marcel van Triest qui routait Banque Populaire.

C’est vrai qu’il y a des anomalies. La météo qu’on a tous eue est un scénario qu’on ne voit jamais, passer par la Nouvelle-Zélande, s’arrêter.

On a eu des scénarios catastrophiques. Dire que c’est le réchauffement climatique, je n’en sais rien, mais les modèles sont perdus et c’est sans doute car il y a des dérèglements quelque part.

Depuis 2-3 ans, la fiabilité des modèles est moins bonne.

De quoi avez-vous envie maintenant ?

Charles Caudrelier : J’ai envie de couper, j’ai envie d’aller en vacances. J’avais prévu de partir samedi pour les vacances scolaires des enfants.

Ça a un peu foiré mais on va réussir à faire cette semaine quand même. Le but, c’est quand même d’aller sur l’eau

La mer me manque. J’ai quand même envie de voir le petit frère ou la petite sœur de Gitana 17 car ça a bien avancé et ça, c’est un bon projet. C’est bien d’avoir des nouveaux projets pour se remotiver.

Dans deux semaines, je serai revenu en France et ça, ça va être sympa. J’ai envie de voir tout ce qu’on a fait et tout ce qu’on a appris collectivement car il y a plein de choses collectivement on a envie que cela se concrétise dans le prochain bateau.

Cela me donne plein d’idée pour le nouveau bateau et j’ai envie de partager ça avec tout le monde.

Quel sera votre temps de récupération selon vous ?

Charles Caudrelier : Difficile à dire. Je n’ai pas toujours l’impression d’avoir du mal à récupérer de course et en même temps, au départ de la Transat Jacques Vabre j’étais crevé. C’est difficile à dire, des hauts des bas.

Là j’ai plutôt de l’énergie, j’en ai plein. Il y a plein de choses que j’ai envie de faire.

J’ai pris ma tension tout à l’heure. Elle est plus basse que d’habitude donc mon corps a quand même vécu quelque chose. Mais on ne va pas se plaindre. On est parti il y a deux mois on est revenu tout va bien.

Arkéa Ultim Challenge – Brest Charles Caudrelier Maxi Edmond de Rothschild Ultim Gitana 17