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La finale de la Prada Cup prévue à partir de samedi entre Ineos Team UK et Luna Rossa Prada Pirelli va décider de l’équipe qui disputera la 36e édition de l’America’s Cup face à Emirates Team New Zealand.
Les deux teams sont formidablement armés tant du point de vue technique qu’humain, mais les dépressions tropicales qui commencent à débouler depuis le Pacifique sur le pays du long nuage blanc ont fait savoir qu’elles comptaient bien animer le spectacle !
Jour 3 de la Prada Cup à Auckland (Nouvelle-Zélande) le 17 janvier 2021. | GILLES MARTIN-RAGET
Gilles MARTIN-RAGET. Modifié le 11/02/2021 à 12h45 Publié le 11/02/2021 à 12h03
Ça sent le soufre en Nouvelle-Zélande ! Rien de surprenant pour ce pays éminemment tellurique qui vient de subir cette semaine une nouvelle alerte tsunami dû à une secousse sismique proche des îles de la Loyauté. Ça sent aussi la poudre à canon sur les rives de Waitemata Harbour (la baie d’Auckland) car un vaisseau arborant pavillon britannique sillonne les eaux maories avec pour objectif de ramener sur les bords de la Tamise ce qui est devenu le totem de l’identité nationale, l’America’s Cup.
Ça sent le soufre en Nouvelle-Zélande !
Son capitaine Ben Ainslie dirige un équipage de choc bardé de médailles olympiques, et son vaisseau amiral baptisé Ineos Team UK sponsorisé par le roi du gaz de schiste est prêt à creuser une nouvelle caldera sous le volcan de Rangitoto afin d’y ensevelir quiconque se placera en travers de sa route.
Pour le moment, ce sont les Italiens de Luna Rossa Prada Pirelli qui sont dans ce rôle, mais se revendiquent en unique porte-drapeau européen depuis que l’Angleterre s’est brexitée hors les murs. Max Sirena, capitaine de l’équipe a passé suffisamment de temps sur place et au sein même de l’équipe kiwi (Bermudes 2017) pour avoir réussi à faire courber l’échine de son valeureux co-skipper (et ami), le bouillant australien James Spithill, en lui faisant avaler le dicton que, dans cette équipe italienne là, « le cuistot est aussi important que le skipper, et personne n’est plus important que l’équipe ». Le public français aurait certainement tendance à suivre, mais pour des Latins, le pas intellectuel est tout de même gigantesque !
Max Sirena (skipper de Luna Rossa Prada Pirelli ) et Ben Ainslie (Ineos Team UK) en conférence de presse pour la finale de la Prada Cup le 11 février 2021. | GILLES MARTIN-RAGET
Australien de Sydney, James Spithill semblait s’être accommodé de l’affaire, comme le fait de partager la barre, le contrôle de vol et la tactique avec son homologue Francesco Bruni, chacun sur un bord, ce qui constitue certainement un nouveau challenge dans son épaisse carrière.
Mais en lançant dans son micro de bord « And now Ineos, guys ! » (et maintenant au tour d’Ineos, les gars !) en franchissant en vainqueur la ligne d’arrivée de la demi-finale de la Prada Cup remportée face à American Magic devenu l’ombre de lui-même à la suite de son chavirage dans les Round Robin, « Spit » a annoncé qu’il avait retrouvé le mordant qui le rend si dangereux, et fait savoir qui était le patron.
Mieux vaut ne pas être sur l’embarcation, même équipée de foils, qui va essayer de lui barrer la route alors qu’il est aux commandes de Luna Rossa lancé à plus de 40 nœuds (au près), voire 50 nœuds et plus, (au portant).
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Giles Scott, tacticien d’Ineos Team UK. | GILLES MARTIN-RAGET
Surtout que lors de la dernière rencontre entre Anglais et Italiens, au terme d’une régate homérique avec neuf changements de leader à la clé, les juges ont laissé passer Ineos , bâbord à pleine vitesse, deux longueurs devant Luna Rossa , tribord, sans le pénaliser, le tout à quelques centaines de mètres de la ligne d’arrivée.
Oui, ça passait, et du reste, c’est passé. En monocoque, il n’y aurait pas eu de discussion.
Mais à ces vitesses-là, c’est une autre chanson. Il semble qu’après coup les juges ont avoué qu’ils auraient peut-être dû prendre la décision inverse.
Donc, la conséquence, c’est que, la prochaine fois, Spithill n’abattra pas et ira, quelle que soit la vitesse, jusqu’au minimum légal, soit deux mètres. Après, les limites électroniques qui entourent virtuellement les bateaux se mettront à sonner, et les jugent considéreront qu’il y a contact, ce qu’il faut éviter. Ça, c’est l’éternel petit jeu du match-racing entre les concurrents, les règles, les arbitres pour sentir jusqu’où on peut aller. Mais Spithill sait exactement où sont les deux derniers mètres, et il ira jusqu’à un mètre quatre-vingt-dix-neuf avant de toucher à sa barre ! Sir Ben, et votre fidèle lieutenant tacticien Giles Scott, vous voici donc prévenus !
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Francesco Bruni (co-barreur de Luna Rossa Prada Pirelli). | GILLES MARTIN-RAGET
Pronostic impossible
Ne comptez pas trouver ici un pronostic quant au probable vainqueur de la Prada Cup, première du nom. Il sera beaucoup plus efficace d’aller le déceler dans les fumerolles des piscines géothermiques de Rotorua, haut lieu de la spécialité en Nouvelle-Zélande.
La raison ? Les AC75 à foils, leurs complexités techniques, l’énorme difficulté et cohésion requise pour les faire voler vite et bien en permanence, leur nouveauté, le rythme auquel ils progressent et leurs équipages avec. La seule certitude née des quelques mois de vie et de navigation commune des équipes à Auckland, c’est que plus le temps passe, plus tout le monde apprend, plus on découvre que l’on ne sait vraiment rien.
Bien conscients de leur position de grands explorateurs, les membres des teams ont pour mission de la boucler et de ne rien dire de leurs petits arrangements internes. Dean Barker, après l’élimination d’American Magic, a même déploré : « il est dommage que toute la magie de ces bateaux soit située dans un endroit où elle reste invisible, c’est-à-dire sous les ponts ».
De là à faire un trou dans la coque pour y voir mieux…
Cela étant, il y a ce que l’on voit de l’extérieur, ou ce que l’on peut compter. Qu’Ineos a bénéficié de quinze jours de développement, dont huit jours en chantier avant de renaviguer, soit une éternité dans le planning serré des candidats. Que Luna Rossa a progressé dans la brise, gagné en confiance et travaillé ses erreurs en régatant dans la demi-finale, a changé de foils, aura un nouveau jeu de voiles.
Luna Rossa et Ineos Team UK. | GILLES MARTIN-RAGET
On sait aussi que s’il y a bien un domaine dans lesquels les modifications sont aussi invisibles que quotidiennes, ce sont les codes des logiciels qui permettent de jouer avec tous les ingrédients du bateau depuis les consoles presse-bouton situées à l’ombre des cockpits.
Pas très drôle direz-vous. Certes il n’y a plus de changement de voile, d’envoi ou affalage de gennaker, on a du mal à savoir si ces bateaux sont au près ou au portant, mais, du peu qu’ils acceptent d’en dire, les équipages affirment que les nouveaux AC75 à foils réclament un travail d’équipe permanent bien plus fin et complexe – y compris en ligne droite – que des monocoques traditionnels.
Une fois encore, comme souvent dans cette épreuve, il faudra patienter encore un peu pour en savoir plus.
Round Robin 1 : jour 2 de la Prada Cup à Auckland. | GILLES MARTIN-RAGET
Pendant ce temps en coulisses…
Sinon, autre caractéristique très « America’s Cup » : dès qu’il n’y a plus de régate, ça commence à jaser dans le landerneau, et la presse spécialisée mondiale, même restée chez elle pour raison de covid, s’en donne à cœur joie pour sortir des infos censées rester en coulisse.
Du genre : si jamais les Kiwis gardent la Coupe, c’est Ineos Team UK qui deviendra Challenger of Record (le représentant des challengers, actuellement Luna Rossa).
Il est tangible que depuis 2017, les relations entre kiwis et italiens sont devenues un enfer conjugal où tout se résout par avocats interposés.
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Jour 3 de la Prada Cup à Auckland le 17 janvier 2021 : Ineos Team UK. | GILLES MARTIN-RAGET
Plus croustillant encore : Emirates Team New Zealand a engagé une agence anglaise pour faire la tournée de popotes afin de voir quelle ville ou pays accepterait d’organiser la 37e édition de la Cup, là encore s’ils conservent le Trophée, ce qui veut dire que ce ne serait pas forcément ni Auckland ni la Nouvelle-Zélande. Bam !
Encore un tremblement de terre ! Une fois le dossier entier de l’appel d’offres mis en ligne sur les réseaux sociaux, Grant Dalton, le patron de l’équipe néo-zélandaise n’a pas réfuté, et met en avant la nécessité pour son équipe dépendante des sponsors commerciaux d’organiser sa survie à chaque édition, et d’autre part que les changements planétaires dus à la situation sanitaire et son impact sur les grands événements sportifs.
De là à contenter le public néo-zélandais qui paie une partie du budget de son équipe chérie via ses impôts, le gouvernement qui a accordé une aide financière consistante, la ville d’Auckland qui a passablement mis la main à la poche, c’est une autre histoire.
Il se dit aussi que pour « Dalt », c’est la dernière, et que le sponsor principal de l’équipe kiwi étant une compagnie d’aviation, l’ambiance environnante n’est pas très favorable aux reconductions de contrat.
Vrai ou pas, la bonne nouvelle, c’est que les régates sont de retour dès samedi, et qu’il sera temps de voir ça plus tard !
Round Robin 1, jour 1 de la Prada Cup à Auckland (NZL) le 15 janvier 2021. | GILLES MARTIN-RAGET
Le programme : Le vainqueur sera le premier à remporter sept régates (1 manche maximum).
Deux premiers jours d’affilée, samedi 13 et dimanche 14 février, avec deux manches par jour. Météo prévue (météo j-2) : plutôt petit temps.
Puis deux jours de break. Mercredi 17 février : une journée avec deux manches, mais une dépression tropicale est annoncée qui va longer les côtes néo-zélandaises côté Ouest, probable report de cette journée (météo J-5).
Ensuite, quatre jours de régate si nécessaire, vendredi 19, samedi 20, dimanche 21, lundi 22 février, avec deux manches par jour (si nécessaire).
Prévision du passage une seconde onde tropicale, cette fois-ci côté Est de la Nouvelle-Zélande, a priori moins forte (météo j-8).
Deux jours de réserve sont prévus le mardi 23 et mercredi 24 février.
Luna Rossa Prada Pirelli. | GILLES MARTIN-RAGET
Les conditions de courses ont été amendées pour que les concurrents puissent demander le report du départ d’une manche de 15 minutes pour réparer un éventuel problème technique.
En ce qui concerne le match final, la limite de vent supérieure pour donner un départ a été ramenée de 23 nœuds à 21 nœuds, soit des conditions identiques à celles en vigueur pour la finale de la Prada Cup.
COUPE DE L’AMERICA PRADA AUCKLAND 75 LUNA ROSSA TEAM NEW ZEALAND FOILER