Publié le 08/06/2021
Paris, le mardi 8 juin 2021 – La maladie d’Alzheimer bénéficie depuis plusieurs décennies d’une mobilisation importante de la recherche publique comme privée, soutenue par une forte volonté politique.
Cette dernière s’était illustrée en France par l’implication du Président de la République Nicolas Sarkozy, qui avait lui-même présenté les différents objectifs d’un plan dédié et solidement financé.
Cependant, en dépit de cet engagement marqué, les espoirs demeurent souvent déçus.
Aucun traitement efficace n’a en effet vu le jour et les seuls médicaments qui avaient un temps pu être indiqués en France ont finalement été déremboursés en raison d’un service médical rendu considéré comme insuffisant, tandis qu’un grand nombre de spécialistes vont jusqu’à estimer que leur rapport bénéfice/risque est défavorable.
Anticorps monoclonal ciblant les plaques β-amyloïde
Aussi, l’annonce faite par la Food and Drug administration américaine (FDA) hier est inévitablement saluée comme une étape significative.
Pour la première fois depuis 23 ans cette agence de régulation du médicament a en effet accordé une autorisation pour l’heure encore conditionnelle à un traitement indiqué dans la maladie d’Alzheimer.
Il s’agit d’Aduhelm des laboratoires Biogen dont la principale molécule est l’aducanumab, un anticorps monoclonal qui cible les plaques β-amyloïde, issue de la recherche de l’entreprise de biotech Neurimmune.
Le brevet de l’aducanumab a été racheté à cette dernière par Biogen.
Un parcours chaotique
Si des travaux publiés dans la revue Nature en 2016 par J.Sevigny et coll. ont confirmé que l’aducanumab permettait de réduire les plaques β-amyloïdes, la détermination des bénéfices cliniques du traitement est plus équivoque.
Ainsi, en mars 2019, Biogen a même mis fin à un essai de phase 3 après que l’analyse d’un groupe d’experts indépendants a considéré que les critères principaux ne pourraient être atteints.
Pourtant, quelques mois plus tard, les laboratoires choisissent de relancer leur projet, en s’appuyant sur des données montrant une efficacité clinique concernant l’évolution du déclin cognitif aux doses les plus élevées.
Approuvé sur la base de résultats anatomiques, en attendant de meilleures preuves cliniques
L’incertitude demeure quand en novembre 2020 se succèdent un premier rapport de la FDA favorable à l’approbation du médicament et les conclusions d’un panel d’experts indépendants se montrant réticents.
En cause encore une fois : l’incertitude quant à la réelle traduction en clinique des améliorations histologiques constatées.
Finalement, en se basant sur trois études indépendantes randomisées, en double aveugle et contre placebo, ayant inclus au total 3 482 patients, la FDA décidé de donner hier son feu vert, en s’appuyant sur la confirmation de l’existence d’un effet significatif sur la réduction des plaques β-amyloïdes par rapport au placebo.
De façon assez rare, l’institution a donc décidé de s’émanciper de l’avis du comité d’expert indépendant, en insistant néanmoins sur le fait que son autorisation est conditionnelle.
Ainsi, si les données complémentaires ne permettaient pas de confirmer le bénéfice clinique, l’autorisation pourrait être suspendue.
L’enjeu est tel qu’il est acceptable de prendre le risque
L’avis de la FDA suscite de nombreux commentaires outre-Atlantique.
D’abord, parce qu’il existe des contradictions entre deux des essais signalant une amélioration clinique significative (dont l’étude EMERGE) et la troisième (ENGAGE) qui ne retrouve pas cet effet.
Surtout, les discussions concernent les effets secondaires.
Dans son communiqué, la FDA évoque chez les patients traités par les plus fortes doses (qui sont aussi les plus efficaces sur la réduction des plaques) de possibles risques d’œdèmes cérébraux identifiés lors des examens d’imagerie (retrouvés chez 40 % des patients) mais qui dans la très grande majorité des cas étaient asymptomatiques et se résorbaient spontanément.
Quelques cas de céphalées, étourdissements, troubles de la vision ou nausées ont cependant conduit à l’interruption du traitement chez 6 % des sujets.
Il existe également un risque de réactions allergiques.
En dépit de ces effets secondaires, l’agence défend son choix, qui témoigne d’une certaine audace, qui pourrait avoir été inspirée de la gestion de la crise sanitaire :
« Je pense que nous avons clairement entendu de la part des patients qu’ils sont prêts à accepter une certaine incertitude pour avoir accès à un médicament qui pourrait produire des effets significatifs », a ainsi relevé Peter Stein, le directeur du bureau responsable de l’approbation des nouveaux médicaments.
De meilleurs médicaments toujours en attente
Tous cependant ne partagent pas l’impétuosité de la FDA.
« Si je suis heureux que l’aducanumab ait reçu une autorisation, nous devons être clairs sur le fait qu’au mieux ce médicament aura un bénéfice marginal qui aidera uniquement certains patients choisis avec soin », relève le professeur en neurosciences John Hardy (University College de Londres).
Ce sont en effet uniquement les patients diagnostiqués récemment et dont les troubles cognitifs demeurent encore modérés qui pourraient bénéficier de ce traitement, sans compter son coût (56 000 euros pour un an à raison d’une injection intraveineuse par mois) qui sera éventuellement un frein à son accès aux Etats-Unis.
Aussi, le professeur ajoute-t-il : « Nous aurons besoin de meilleurs médicaments à l’avenir ».
Bientôt en Europe et en France ?
Néanmoins, prudents ou enthousiastes, tous convergent pour noter que cette autorisation aura probablement une influence positive sur la recherche dans la maladie d’Alzheimer après plusieurs années de morosité.
« L’histoire a montré qu’une autorisation d’un premier médicament d’une nouvelle catégorie stimulait le secteur, augmentait les investissements dans de nouveaux traitements et encourageait l’innovation », remarque ainsi Maria Carrillo, responsable scientifique de l’Alzheimer Association.
Le professeur Philippe Amouyel directeur général de la Fondation Alzheimer et professeur de santé publique au CHU de Lille confirme interrogé par France Info :
« C’est un réel espoir parce que ça montre que dans le monde de l’Alzheimer, il y a des recherches, il y a des médicaments en test et certains d’entre eux finissent par avoir une autorisation de mise sur le marché », même si insiste-t-il c’est encore pour Aduhelm sous conditions.
En Europe et en France, il est probable qu’une plus grande prudence s’imposera, même si comme le note le professeur Philippe Amouyel, « la décision de la régulation américaine risque d’accélérer les procédures.
C’est probablement une question de semaines ou de mois ».
Cependant, il est possible que de ce côté de l’Atlantique, les autorités souhaitent pouvoir s’appuyer avant toute décision sur des travaux complémentaires pour confirmer le bénéfice clinique.
Aurélie Haroche
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Un anticorps anti-amyloïde pour traiter l’Alzheimer
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Actualités – publiée le 7/06/2021 par Équipe de rédaction Santélog
ALZHEIMER : La FDA autorise un nouveau médicament « anti-amyloïde »
FDA
50 millions de personnes dans le monde sont atteintes de différentes formes de démences, dont la maladie d’Alzheimer, et cette prévalence pourrait atteindre 152 millions de cas en 2050.
Pourtant, depuis près de 20 ans, aucun nouveau traitement n’avait été mis sur le marché.
Ce nouveau médicament, l’aducanumab (Aduhelm) fabriqué par le Laboratoire Biogen (Cambridge, Massachusetts) vient de recevoir l’approbation accélérée pour le traitement de la maladie d’Alzheimer.
La maladie d’Alzheimer est un trouble cérébral irréversible et progressif qui détruit lentement la mémoire et les capacités cognitives jusqu’à priver les patients atteints de leur capacité de fonctionnement au quotidien.
Si les causes de la maladie restent toujours imprécisément connues, des centaines de recherches ont aujourd’hui identifié différents changements dans le cerveau, notamment la formation de plaques amyloïdes et d’enchevêtrements neurofibrillaires de protéine tau, qui endommagent les neurones et leurs connexions.
Un traitement unique qui cible la formation des plaques de bêta-amyloïde
Aduhelm a été approuvé par « fast track » une procédure accélérée réservée aux traitements de maladies graves ou mortelles présentant un bénéfice thérapeutique significatif par rapport aux médicaments existants.
Dans son communiqué, la Directrice du Center for Drug Evaluation and Research de la FDA, le Dr Patrizia Cavazzoni rappelle que les thérapies actuelles ne traitent que les symptômes de la maladie.
Or, Aduhelm est la première thérapie à cibler et à affecter le processus pathologique sous-jacent de la maladie d’Alzheimer.
Aduhelm est le seul traitement qui cible la pathogenèse et le premier approuvé pour la maladie d’Alzheimer depuis 2003.
L’aducanumab est un anticorps monoclonal administré par voie intraveineuse qui se lie aux protéines toxiques bêta-amyloïdes et brise ainsi les plaques ce qui permet de réduire la progression de la maladie.
3 études randomisées en double aveugle, contrôlées par placebo ont validé l’efficacité d’Aduhelm auprès de 3.482 patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Les patients recevant le traitement ont présenté une réduction significative des plaques bêta-amyloïde vs aucune réduction chez les patients témoins n’ayant pas reçu le traitement.
Ces résultats ont motivé et permis cette approbation accélérée d’Aduhelm.
Un essai de validation de plus large envergure : si les patients (américains) qui souffrent de la maladie vont pouvoir accéder au traitement, le Laboratoire Biogen va mener un nouvel essai clinique randomisé et contrôlé pour valider à nouveau et sur un plus large échantillon de patients, le bénéfice clinique du médicament.
Si cet essai ne confirmait pas le bénéfice clinique, l’Agence américaine pourrait revenir sur l’approbation du médicament.
Source:
- Food and Drug Administration (FDA) 7 June, 2021 FDA Grants Accelerated Approval for Alzheimer’s Drug
- Information on Aduhelm
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