Publié le 09/03/2022
Au cours des trois dernières décennies a été constatée, en Chine, une augmentation nette, de 24,4 %, de la prévalence des accidents vasculaires cérébraux (AVC), avec des conséquences catastrophiques, tant au plan humain que sociétal et économique.
Les AVC sont eux-mêmes de 3 types : ischémique, hémorragie intracérébrale (HIC) ou hémorragie méningée (sous arachnoïdienne ; HSA).
Chacun possède une physiopathologie particulière, avec des facteurs de risque propres.
L’allaitement est la forme naturelle d’alimentation des nourrissons.
Tant l’OMS que le Post Partum Health Service chinois recommandent une alimentation exclusive au sein jusqu’ à l’âge de 6 mois, puis sa poursuite, si possible, jusqu’à l’âge de 2 ans.
Outre ses effets bénéfiques pour l’enfant, l’allaitement a une action protectrice sur la santé maternelle en minorant, notamment, les risques cardio-métaboliques.
Elle a un impact favorable sur le risque d’hypertension artérielle, de diabète, de syndrome métabolique et, plus généralement de maladies cardiovasculaires (MCV).
Il existe des preuves de l’intérêt d’un allaitement de 12 mois ou plus conduisant à une probabilité moindre d’être victime d’un infarctus du myocarde, d’un angor ou d’une insuffisance cardiaque congestive, comparativement à des femmes n’ayant jamais allaité.
Toutefois, l’association entre durée de l’allaitement et ses divers aspects : durée vie entière, durée moyenne par enfant ou durée de l’allaitement pour le seul premier enfant et les différentes formes d’AVC est encore mal précisée.
Une étude de cohorte prospective nationale basée sur la China Kadoorie Bio-Banque (CKB) a recruté des femmes adultes, âgées de 30 à 79 ans, provenant de 10 circonscriptions chinoises (5 urbaines et 5 rurales), entre juin 2004 et juillet 2008.
Toutes étaient, à l’entrée dans l’étude, indemnes de maladies graves. Elles ont été suivies pendant près de 10 ans.
On recense, au total, 129 511 participantes qui, toutes, avaient rempli, au départ, un questionnaire très détaillé portant sur leurs antécédents obstétricaux, dont, entre autres, leur nombre d’enfants et la durée de l’allaitement pour chacun.
La durée totale d’allaitement vie durant (somme des durées pour chaque enfant), la durée moyenne par enfant et, également, la durée lors de la première naissance.
Ces durées ont été classées en nulle, moins de 7 mois, allant de 7 à 12 mois, de 13 à 18 mois, de 19 à 24 mois ou supérieure à 24 mois.
Durant le suivi, tous les AVC ayant touché les participantes ont été notés.
Dans l’analyse ont été prises en compte de nombreuses covariables, dont l’âge, celui de la ménopause, le nombre de naissances, le lieu de résidence, le niveau d’éducation et d’activité physique, le tabagisme éventuel et les principales comorbidités.
Le poids, la taille, le périmètre de la circonférence abdominale, la pression artérielle et la glycémie ont été précisés.
L’incidence des nouveaux AVC, pour 100 000 personnes- années, a été calculée en fonction de la durée de l’allaitement.
Un risque pouvant être diminué de moitié avec une durée d’allaitement d’au moins 7 mois
La cohorte comprend donc 129 511 femmes ménopausées ayant eu des enfants.
Leur âge moyen (IGR) est de 58,3 (54,0- 64,6) ans. Durant les 10 ans de suivi, 15 721 d’entre elles ont eu un AVC, dont 13 427 AVC ischémiques, 2 567 HIC et 284 HSA.
En cas d’AVC ischémiques, la durée totale de l’allaitement, vie entière, avait été de 42,0 (24,0- 70,0) mois.
Elle était de 54,0 (36,0- 84,0) mois en cas d’HIC et à 36,0 (24,0- 64,5) mois en cas d’HSA.
Comparativement à des femmes ménopausées ayant eu des enfants mais n’ayant jamais allaité, celles avec une durée totale d’allaitement d’au moins 7 mois avaient un risque d’AVC ischémique diminué, avec un Hazard Ratio ajusté (aHR) allant de 0,52 ; intervalle de confiance à 95 % IC95 : 0,50- 0,55 à 0,64 ; IC95 : 0,59- 0,69.
L’incidence des HIC était également moindre dans ce groupe, le aHR variant de 0,56 (IC95 : 0,49- 0,63) à 0,78 (IC95 : 0,64- 0,96).
Pour les HSA une association n’a été retrouvée que lorsque la durée totale de l’allaitement avait été de plus de 24 mois (aHR 0,61 ; IC95 : 0,47- 0,79).
De plus, il apparaît que les femmes ayant allaité en moyenne plus 7 mois par enfant, voire une durée équivalente pour le seul premier enfant, présentaient un risque moindre d’AVC ischémique ultérieur, l’aHR allant de 0,53 (IC95 : 0,52- 0,54) à 0,65 (IC95 : 0,63- 0,69).
Tous ces résultats concernant les AVC ischémiques et les HIC sont restés inchangés après stratification selon l’âge.
Il en a été de même dans diverses analyses de sensibilité après exclusion des femmes sous traitement cardiovasculaire à l’inclusion ou ayant fait, durant le suivi, plusieurs AVC.
Ce travail retrouve donc une association inverse entre allaitement et risque de survenue d’un AVC.
Plus particulièrement, il révèle que les femmes ménopausées, ayant eu des enfants et dont la durée totale d’allaitement a été d’au moins 7 mois ont un risque moindre d’AVC ischémique et d’HIC.
En cas de HSA l’association ne devient probante qu’au-delà de 24 mois d’allaitement.
De plus, le risque est aussi minoré pour celles ayant allaité au minimum 7 mois le seul premier enfant.
Des travaux antérieurs avaient déjà mis en exergue les effets protecteurs de l’allaitement sur les maladies cardiovasculaires, cause principale des AVC.
L’allaitement au sein réduit, en outre, l’inflammation et contribue à une baisse des taux d’œstrogènes et de progestérone durant toute la lactation.
Il agit également sur l’activité de l’axe hypothalamo- hypopyso- adrenalien.
Les réserves à formuler ici concernent le fait que les principales données ont été tirées d’auto-questionnaires avec biais potentiels.
Plusieurs facteurs, dont les taux de lipides, n’ont pas été inclus comme covariables.
Pour conclure, cette étude de cohorte révèle que les femmes ménopausées, ayant précédemment allaité, ont un risque moindre d’AVC, notamment ischémique, en comparaison avec des femmes n’ayant jamais allaité.
Il est donc nécessaire de promouvoir aussi l’alimentation au sein en termes de prévention des AVC, tant auprès des professionnels de santé que dans le grand public.
Dr Pierre Margent
RÉFÉRENCE: Ren Z et coll. : Lactation Duration and the Risk of Subtypes of Stroke Among Parious Post menopausal Women from China Kadoorie Bio Bank. JAMA Netw Open. 2022. 5 (2) ;e : 220431.
Copyright © http://www.jim.fr