Actualités  –  publiée le 24/11/2018 par Équipe de rédaction Santélog

PNAS

Que se passe-t-il dans le cerveau qui puisse induire un comportement social agressif ?

Que se passe-t-il dans le cerveau qui puisse induire un comportement social agressif ? Cette équipe de l’Ecole de médecine de la Duke-NUS (Singapour) décrypte, dans les Actes de l’Académie des Sciences américaine (PNAS) le mécanisme de signalisation qui détermine le comportement social, avec des implications pour la compréhension de la hiérarchie sociale, de la domination et de l’intimidation, et de l’agressivité.

Les chercheurs de Singapour ont découvert qu’une protéine de facteur de croissance, appelée facteur neurotrophique dérivé du cerveau (BDNF), et son récepteur, le récepteur de tropomyosine kinase B (le tropomyosin receptor kinase B ou TrkB) influent sur la domination sociale, ici chez la souris. Cette recherche certes sur l’animal, a des implications pour la compréhension de la neurobiologie de l’agression et de l’intimidation. « Car les rongeurs comme les humains sont des « animaux sociaux ».

Chacune de nos interactions suit des règles selon une hiérarchie sociale. Ne pas respecter cette hiérarchie peut être préjudiciable », commente l’auteur principal, le Pr Hyunsoo Shawn Je, du programme de recherche sur les neurosciences et les troubles du comportement de la Duke-NUS Medical School. « Nous sommes peut-être les premiers à démontrer que des voies de signalisation moléculaires spécifiques dans des cellules nerveuses spécialisées, à un site spécifique du cerveau, jouent un rôle clé dans une « navigation » respectueuse des hiérarchies sociales ».

Passer outre ces hiérarchies peut entraîner des problèmes ou des réponses telles que l’agression et l’intimidation. Deux comportements qui ont un coût social élevé, c’est pourquoi une meilleure compréhension de leurs causes biologiques est un pas en avant vers une meilleure prévention voire des traitements efficaces.

L’activité dans le cerveau est médiée par des circuits constitués de neurones excitateurs, qui augmentent l’activité et d’interneurones GABA-ergiques, qui inhibent et ralentissent l’activité excitatrice. De précédentes études ont montré que la signalisation BDNF-TrkB est importante pour la maturation des interneurones GABA-ergiques et le développement de circuits nerveux dans le cerveau. Cependant, jusqu’à cette étude, les conséquences comportementales de la perturbation de la signalisation BDNF-TrkB restaient inconnues.

Perte de la voie BDNF-TrkB et propension à l’agression : l’équipe a généré des souris transgéniques dans lesquelles le récepteur TrkB a été éliminé spécifiquement dans les interneurones GABAergiques situés dans la zone du cerveau régulant le comportement émotionnel et social, appelé système cortico-limbique. Les souris transgéniques présentaient un comportement agressif inhabituel lorsqu’elles étaient mises en contact avec des souris normales. Pour comprendre l’origine de ce comportement, l’équipe a effectué des tests comportementaux. L’équipe constate ainsi que les souris ne sont pas agressives pour protéger leur territoire mais en raison d’une lutte accrue pour la domination sur les autres souris du groupe. D’ailleurs ces souris transgéniques sont également blessées plus que les autres souris lors des situations d’agression.

La perte ou l’extinction de la voie BDNF-TrkB induit une inhibition réduite des cellules excitatrices environnantes par les interneurones GABA-ergiques et lorsque les chercheurs « éteignent » les neurones excitateurs dans une zone spécifique du cerveau des souris transgéniques, ils rétablissent alors l’équilibre « excitateur / inhibiteur et suppriment instantanément le comportement de domination sociale anormale.

L’étude démontre que des facteurs génétiques et biologiques peuvent jouer un rôle inattendu dans les comportements sociaux et désigne donc de nouvelles cibles de prévention voire d gestion des comportements agressifs.

Source: PNAS October 16, 2018 DOI: 10.1073/pnas.1812083115 Postnatal TrkB ablation in corticolimbic interneurons induces social dominance in male mice

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