Accueil > Newsletters > Sport santé et préparation physique – mis à jour le 25/01/2021
Dans un récent communiqué, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) souligne « que la prévalence du surpoids et de l’obésité chez les enfants et les adolescent.e.s âgé.e.s de 5 à 19 ans a augmenté de façon spectaculaire, passant d’à peine 4% en 1975 à un peu plus de 18% en 2016 ».
En plus d’une alimentation excessive et déséquilibrée, une activité physique insuffisante et une sédentarité trop importante sont mises en cause dans ce constat. Statistiquement, quatre adolescent.e.s sur cinq dans le monde n’ont pas assez d’activité physique !
Ce bilan amène d’une part à questionner les raisons du manque d’Activité Physique (AP) chez ces jeunes et d’autre part à envisager les solutions que les entraîneurs peuvent apporter.
Prévention de l’obésité chez les jeunes : un constat préoccupant
Le manque d’activité physique et le temps passé à des activités sédentaires (temps d’écran notamment) sont les principales causes du faible niveau de dépense énergétique rencontré chez les adolescent.e.s obèses.
L’OMS recommande, pour les jeunes de 5 à 17 ans, de pratiquer au moins une heure d’activité physique quotidienne, d’intensité modérée à forte et d’inclure des activités qui renforcent les muscles et les os à raison d’au moins 3 fois par semaine.
De plus, en France, dans le cadre de la lutte contre la sédentarité, l’Agence Nationale Sécurité Sanitaire Alimentaire Nationale (ANSES) recommande quotidiennement une durée de 2 heures maximum pour les activités sédentaires et une durée minimale de 1 heure d’une activité physique par jour.
Le non-respect d’une seule ou de ces deux recommandations expose les adolescent.e.s aux facteurs de risque, que sont la sédentarité et l’insuffisance d’activité physique, avec différentes familles d’effets sanitaires, qu’ils soient directs (surpoids-obésité, affections cardio-vasculaires, …) ou plus indirects ( effets d’ordre psychologique).
La récente enquête de l’ANSES sur l’estimation de la sédentarité et de l’activité physique révèle que près de la moitié de la population des 11-17 ans n’atteint pas le niveau d’activité recommandé et est donc potentiellement considérée comme présentant un risque sanitaire élevé !
Or l’adolescence est une période cruciale en termes de prévention de l’obésité.
Encourager la pratique d’une AP chez l’adolescent.e. obèse possède donc un double enjeu :
- Obtenir des effets bénéfiques sur la santé des adolescent.e.s.
Il s’avère en effet que l’augmentation de l’obésité sévère a eu pour conséquence que de nombreux enfants et adolescent.e.s obèses présentent les facteurs de risque détectables habituellement chez les adultes beaucoup plus âgés (hypertension artérielle, niveaux élevés de cholestérol et d’insuline à jeun, voire début de lésions cardiaque …).
- Favoriser l’émergence d’une pratique physique plaisante et adaptée chez les adolescent.e.s afin de la rendre pérenne et d’obtenir des effets bénéfiques différés sur la santé des futurs adultes qu’elles et ils sont.
La surcharge pondérale chez l’enfant et l’adolescent.e. est effectivement un facteur à risque majeur sur le développement de pathologie cardio vasculaire à l’âge adulte.
La persistance de l’obésité à l’âge adulte, variant de 25 à 80 % selon les études, est un problème majeur qui doit être la préoccupation essentielle de la prévention et de la prise en charge de l’obésité.
Certains comportements rencontrés à l’âge de l’adolescence persistent à l’âge adulte, notamment l’habitude d’être actif ou non.
Il est ainsi plus facile de maintenir une pratique physique régulière à l’âge adulte quand on est un adolescent actif que lorsque l’on est un.e adolescent.e sédentaire.
La pratique régulière d’AP et adaptée (à l’âge, au sexe et aux besoins de l’adolescent.e) en milieu scolaire et dans les structures sportives limitera les comportements sédentaires et favorisera la pérennité de comportements actifs à l’âge adulte.
Cette action sera d’autant plus efficace que l’AP sera associée à des notions de plaisir, de rencontre avec autrui et de bien-être.
La meilleure stratégie de prise en charge de l’adolescent.e obèse, en association avec le suivi psychologique et l’éducation nutritionnelle, est de réduire la sédentarité (temps d’écran notamment) et d’augmenter l’activité physique de cette dernière ou ce dernier en tenant compte des barrières et des leviers de l’AP.
Ce constat nous amène à nous questionner sur les barrières limitant la pratique ainsi que sur les leviers possibles pour faciliter l’engagement des adolescentes et adolescents obèses.
Les barrières à l’activité physique
Chez l’adolescent.e obèse, la surcharge pondérale entraîne des difficultés supplémentaires qui constituent des barrières à l’engagement dans l’AP : sollicitations énergétiques plus importantes et motricités différentes de celles du jeune non obèse, risques traumatiques induits plus élevés, sollicitations cardiovasculaires et respiratoires plus importantes ( tableau 1)…
Ces contraintes génèrent non seulement une fatigue à l’effort plus précoce mais également l’apparition de douleurs articulaires, limitant sa performance.
Tableau 1 : Intolérances à l’effort de l’élève obèse (O REY, adapté de Mendelson et Al, 2012)
ORIGINES | CAUSES |
Ventilatoires | Diminution de la compliances thoracique Dyspnée de repos Asthme et processus inflammatoires associés Coût énergétique ventilatoire augmenté par l’exercice qui impacte la performance. |
Cardiaques | Accumulation graisseuse péricardique : fréquence cardiaque de repos augmentée : débit cardiaque réduit : performance réduite |
Vasculaires | Altération de la perfusion musculaire ; anomalies de la circulation veineuse ; altération du retour veineux |
Ostéo-articulaires | Troubles métaboliques : diabète de type 2 : altération du métabolisme oxydatif à l’effort et inaptitude à cataboliser les lipides (diminution de l’activité d’enzymes du processus oxydatifs) |
Mécaniques | Frottement inter-cuisses |
Psychologiques | Perte d’estime de soi ; amotivation |
Ces échecs et expériences négatives auront des conséquences néfastes sur l’image et l’estime de soi du jeune dans une période où l’image de soi perçue est importante.
Dans certains cas, ces difficultés peuvent déboucher sur une stigmatisation, un mal être voire une blessure identitaire.
L’adolescent.e aura alors de plus en plus de difficulté à s’engager dans l’effort.
Olivier REY met en évidence l’instauration d’un cercle vicieux (figure 1) : l’inactivité, la sédentarité, et l’obésité vont amener des réactions psychologiques et physiques négatives dues à de mauvaises expériences.
Ces dernières vont être mémorisées et vont amener l’adolescent à mettre en place des stratégies d’évitement pour ne pas revivre les situations inconfortables qu’il a connues.
Ce dernier réduira alors son activité physique.
Figure 1 : Le cercle vicieux de l’obésité (Olivier REY, conférence AE-EPS)
* Pondéré à l’âge de la puberté
En d’autres termes, pour sortir de ce cycle, il faut s’interroger sur les conditions à créer pour faire vivre l’expérience la plus positive possible à l’adolescent.e obèse favorisant la motivation, le plaisir et une bonne image de soi.
En effet, une bonne estime de soi favorise l’engagement dans une AP, en particulier par le biais de la motivation.
C’est en actionnant des leviers motivationnels pour amener l’adolescent.e vers un mode de motivation intrinsèque (1) que les professionnel.le.s de l’AP lui permettront de vivre des expériences plus positives.
- La régulation intrinsèque caractérise l’engagement dans une activité pour la satisfaction voire le plaisir qu’elle véhicule en elle-même. L’engagement est spontané, nourri par l’intérêt, la curiosité ou le défi que véhicule l’activité.
Les leviers motivationnels
Dans ces travaux, Olivier REY émet l’hypothèse selon laquelle une adaptation cohérente reposerait sur des adaptations nécessaires selon 2 axes :
Une « adaptation psycho-physiologique » fixant un niveau d’engagement différencié dans l’AP (évaluer, programmer des activités ciblées) dans le cadre d’activités peu traumatisantes en respectant les principes suivants :
- Personnaliser le niveau de pratique physique (travail de coordination, endurance cardiorespiratoire, renforcement musculaire).
- Eviter certaines postures et mouvements (privilégier les activités en décharge, éviter les mouvements rotatifs et freinage-relance).
- Privilégier les exercices et activités intermittents d’intensité progressivement élevée (le travail intermittent valorisera une condition physique perçue plus importante, une estime globale de soi accrue dans le temps).
Une « adaptation psycho-affective » passant par un renforcement de la motivation intrinsèque, du sentiment d’autodétermination et de la perception de soi dans un climat valorisant en respectant les principes suivants :
- Favoriser la conscientisation des progrès physiques (effets positifs de l’amélioration des capacités physiques sur l’estime de soi).
- Adapter les contraintes, l’évaluation, favoriser les climats de maîtrise (centration davantage sur la maîtrise de la tâche que sur la performance) pour redonner confiance.
- Organiser un climat orienté vers l’auto-détermination (2) (les notions de plaisir et de liberté de choix renforcent l’instauration d’habitude de pratique à long terme).
- Proposer un ajustement du contexte de pratique en fonction de l’évolution du jeune.
(2) Degré avec lequel un comportement est effectué de manière volontaire, par choix véritable.
Thierry PINJON
Bibliographie
- Organisation Mondiale de la Santé. (2020). « Activité physique ». Communiqué de presse du 26 novembre 2020.
- Organisation Mondiale de la Santé. (2020). « Pour une meilleure santé, chaque mouvement compte ». Communiqué de presse du 26 novembre 2020.
- Organisation Mondiale de la Santé. (2020). « Obésité et surpoids ». Communiqué de presse du 20 août 2020
- Ratel S. et Martin V. (2014). « L’enfant et l’activité physique de la théorie à la pratique ». Editions désiris.
- p.r. Thibault H, Quinart S, Renaud S, Communal D, Mouton JY. Activité physique chez l’enfant et l’adolescent en surpoids ou obèse – Modalités de prescription. Cardio & Sport. 2012.
- Avis de l’ANSES relatif à l’évaluation des risques liés aux niveaux d’activité physique et de sédentarité des enfants et des adolescents, Saisine n°2017-SA-0064_a, 14 septembre 2020.
- Haute Autorité de Santé. (2011). « Surpoids et obésité de l’enfant et de l’adolescent ».
- Rey O. (2018) « Engagement de l’élève présentant un surpoids ou une obésité en EPS » in Bistrot pédagogique AE-EPS, Paris.