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Marine Cygler – 28 février 2019

Rennes, France – L’expertise collective de l’Inserm « Activité physique, prévention et traitement des maladies chroniques » démontre l’intérêt de l’activité physique pour tous les patients atteints de maladies chroniques. Les bénéfices sont tels que la dizaine d’experts sollicités pour ce travail d’ampleur recommande que l’exercice physique, qu’ils considèrent comme une thérapie, soit inclus dans le parcours de soin. Las, ceci se heurte à une réalité : les médecins ne sont pas des spécialistes de l’activité physique. Prescrire oui, mais comment ? Se pose donc la question de la formation.

Eclairage avec le Dr François Carré, cardiologue du sport au CHU de Rennes, qui a créé un enseignement spécifique à la Faculté de médecine de Rennes. (voir aussi Expertise collective de l’Inserm : l’activité physique pour les malades chroniques, c’est parti!)

Medscape : Existe-t-il des enseignements sur les bienfaits de l’activité physique lors de la formation des futurs médecins ?

Dr François Carré : Dans les études obligatoires, il n’y a pas de cours sur la prévention en général, ni sur l’activité physique. Ces notions sont abordées au fil de l’eau. Mais quand je dis que cela se limite à « cinq fruits et légumes par jour », je n’exagère pas. Je vois plusieurs explications à cela. D’abord, la France n’est pas un pays qui a une culture de l’activité physique et du sport. De plus, la prévention n’est pas au cœur de notre système de santé.

La Suède est le pays exemplaire en la matière : l’espérance de vie en bonne santé y est de 72 ans, contre 62 ans en France. Cela signifie qu’en France, les personnes vivent certes jusqu’à 80 ans en moyenne mais en mauvaise santé. Il faut savoir que la Suède mène des actions de médecine préventive par le sport et la nutrition. Quand on fait du sport, on entre dans un cercle vertueux : pour améliorer ses performances, on rééquilibre son alimentation et on fume moins. C’est incroyable que dans notre pays, on oublie complètement cette partie thérapeutique des bienfaits de l’activité physique.

Quand on fait du sport, on entre dans un cercle vertueux : pour améliorer ses performances, on rééquilibre son alimentation et on fume moins.

Medscape : A Rennes, comment l’enseignement facultatif à ce sujet a-t-il été accueilli par les étudiants ?

Dr François Carré : Cela fait trois ans que nous proposons aux étudiants en médecine un module facultatif de 42 heures sur l’activité physique. Sur une moyenne de 210 étudiants par promotion, 190 le suivent. C’est spectaculaire. Je crois que l’intitulé du cours, « les bienfaits de l’activité physique en médecine », les interpelle et les étudiants y trouvent des notions qu’ils ne connaissent pas. Je commence par donner les bases physiologiques, puis se succèdent des cours de deux heures pour chaque pathologie. La première heure est assurée par un médecin spécialiste de la pathologie en question et la seconde par un enseignant d’activité physique adaptée. Les enseignants d’activité physique adaptée ont suivi une formation en STAPS complétée par une spécialisation sur les maladies chroniques. Je ne crois pas que de telles formations existent ailleurs en France en dehors de certains DU.

Pour que les étudiants soient largement formés, il faudrait des questions sur l’activité physique aux épreuves classantes nationales (ECN).

Les enseignants d’activité physique adaptée ont suivi une formation en STAPS complétée par une spécialisation sur les maladies chroniques. Medscape : Depuis la rentrée universitaire de 2018, les étudiants sont devenus acteurs de prévention.

Dr François Carré : Le service sanitaire est en effet mis en place depuis septembre dernier. Il concerne 47 000 étudiants en médecine, pharmacie, odontologie, maïeutique, kinésithérapie et soins infirmiers. Après avoir reçu une formation, les étudiants se rendent par binôme dans des écoles, des EPAHD ou encore des prisons pour sensibiliser à la prévention. Ils en sont très contents et y adhèrent beaucoup.

Medscape : Qu’apporte la loi du 26 janvier 2016 concernant le sport sur ordonnance ?

Dr François Carré : La loi du 26 janvier 2016, et son décret de mars 2017, offre la possibilité aux médecins de prescrire de l’activité physique à leurs patients souffrants d’une affection longue durée (ALD). Le médecin traitant confie son patient à des structures adaptées, dont la liste est disponible auprès des agences régionales de santé (ARS). Selon la sévérité du patient, celui-ci sera pris en charge par un kinésithérapeute, un enseignant d’activité physique spécialisée ou un éducateur sportif.

Sur son ordonnance, le médecin ne prescrit pas forcément une activité sportive mais plutôt des recommandations comme « ne pas faire d’efforts mettant en jeu les deux épaules » ou « éviter un essoufflement trop important » ou encore « pratiquer une activité qui améliore la force musculaire ». C’est ensuite la structure qui propose et met en place le programme d’activité physique. Si le patient progresse, le médecin est contacté pour éventuellement faire évoluer les seuils recommandés initialement.

Selon la sévérité du patient, celui-ci sera pris en charge par un kinésithérapeute, un enseignant d’activité physique spécialisée ou un éducateur sportif.

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Citer cet article: Activité physique : les médecins ne sont pas (encore) formés – Medscape – 28 févr 2019.

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