Val-de-Marne - Conseil départemental (aller à l'accueil) Accueil > Newsletters > Sport santé et préparation physique >  mis à jour le 19/03/2020

Sport santé et préparation physique

Il n’y a jamais eu autant d’adultes au-dessus de l’âge de la retraite. Bien que l’augmentation de l’espérance de vie se poursuive dans le monde, la période de vie en « bonne santé » dont pourrait bénéficier la population ne suit pas le même rythme.

Dans l’optique de l’amélioration du bien-être de la population des seniors, le vieillissement du système immunitaire constitue un des thèmes majeurs de réflexion car les facteurs immunologiques contribuent à conserver une bonne forme physique. Dans cette quête, la recherche sur l’activité physique et l’exercice en relation avec l’immunosénescence occupe donc une place centrale.

Les conséquences du vieillissement de notre système immunitaire

L’avancée dans l’âge est associée à une dérégulation du système immunitaire, caractérisée par une activité inflammatoire croissante et une diminution de la capacité d’adaptation des mécanismes de l’immunité. Ce vieillissement du système immunitaire, appelé immunosénescence, se traduit notamment par une augmentation des incidents inflammatoires et infectieux, une réponse moins efficace à la vaccination, et un développement accru de certaines maladies (cancers, diabètes, maladies auto-immunes, …).

Quelques précisions sur l’immunité innée et l’immunité acquise, complémentaires à un précédent article, sont nécessaires pour étayer la définition du système immunitaire dans le contexte de l’immunosénescence.

L’immunité innée ou non spécifique fait intervenir différents types de cellules ainsi qu’un ensemble de messagers solubles appelés cytokines.

Les cellules représentées par les phagocytes, les macrophages et les polynucléaires neutrophiles ont une fonction de nettoyeurs lorsque la barrière cutanéo-muqueuse est franchie et participent à induire une réaction inflammatoire locale.

Les cytokines, quant à elles, ont une action à distance pour réguler le recrutement, l’activité et la fonction d’autres cellules. Elles induisent également la réaction inflammatoire qui favorise le recrutement des phagocytes et des lymphocytes T cytotoxiques.

Lors du vieillissement ces cellules et l’ensemble des messagers impliqués diminuent en nombre et subissent une altération de leur fonctionnement, ce qui réduit leur efficacité et entraîne un état inflammatoire chronique.

L’immunité adaptative ou spécifique est subdivisée en deux sous-parties :

  • l’immunité à médiation cellulaire (immunité adaptative dans laquelle les lymphocytes T cytotoxiques jouent un rôle central)
  • et l’immunité à médiation humorale (immunité adaptative liée à la production d’anticorps dans la lymphe et/ou au sang).

L’immunité cellulaire contribue à l’élimination des cellules infectées par des virus, bactéries et des cellules cancéreuses. Son action s’effectue via les lymphocytes T(1) qui permettent la reconnaissance puis la destruction des cellules infectées et induisent une réponse immune de type humorale. La réponse humorale fait, quant à elle, intervenir les lymphocytes mémoires et contribue à la production d’anticorps dirigés spécifiquement contre un agent pathogène (bactéries, virus…).

Le déclin du système immunitaire avec l’avancée dans l’âge est apparent dans l’immunité innée et adaptative.  La sénescence de l’immunité adaptative, décrite plus en détail, et se caractérise par :

  • une diminution de la diversité et de la fonctionnalité des lymphocytes T et une circulation inférieure du nombre de cellules T naïves(2) due à une involution thymique. En d’autres termes, la taille du thymus (organe de maturation des LT) rétrécit avec l’âge et affecte la production de LT, provoquant une réponse immunitaire de l’organisme face à un agent pathogène ;
  • une baisse de l’efficacité de la réponse vaccinale due à la diminution du nombre de cellules mémoires ;
  • une baisse de l’efficacité de la réponse immunitaire induisant la réactivation de virus (cytomégalovirus, herpès simplex virus et Epstein Barr virus), présents à l’état latent chez certains sujets.

Ce qui semble en revanche être largement accepté est la grande hétérogénéité des manifestations des dysfonctionnements immunitaires ou de l’immunosénescence entre les personnes à un âge donné.

Relation entre l’activité physique d’une vie et l’immunosénescence

Il est avéré que les personnes qui participent régulièrement à des activités physiques motivées par l’amélioration de la santé et du bien-être, bénéficient d’une espérance de vie et d’une durée de vie passée en « bonne santé » plus longues que les personnes sédentaires (Fig.1). Le fonctionnement de leur système immunitaire se trouve moins altéré par l’avancée dans l’âge et ils profitent d’une réponse immunitaire plus efficace et de plus d’une meilleure capacité de contrôle des virus présents mais inactifs dans l’organisme.

Schéma de relation entre habitudes d’exercice et la fonction immunitaire

Fig. 1. Relation proposée entre les habitudes d’exercice et la fonction immunitaire tout au long de la vie. (RJ Simpson)

La pratique d’efforts très intenses et répétés sur une longue période questionne cependant la relation bénéfique entre activité physique et vieillissement du système immunitaire. Il a en effet été démontré que les individus qui participent à des exercices répétés de haute intensité sur un longue durée, comme certains sportifs de haut niveau, subissent des ralentissements de l’immunité qui peuvent avoir une incidence négative sur la durée de vie en « bonne santé » et la durée de vie en général, en particulier si les volumes d’entraînement élevés sont maintenus au cours de la troisième et de la quatrième décennie de la vie

Ce ralentissement de l’immunité se traduit notamment par un vieillissement accéléré du thymus, altérant l’efficience de son fonctionnement. Le système immunitaire sera alors moins efficace pour contenir les virus inactifs mais présents dans l’organisme (latence virale).

Les effets bénéfiques de l’activité physique sur l’immunosénescence

L’exercice régulier a notamment été associé à :

  • des réponses vaccinales améliorées
  • un plus faible nombre de lymphocytes T épuisés /sénescents
  • une capacité accrue de prolifération des lymphocytes T
  • des niveaux circulatoires inférieurs de cytokines inflammatoires ce qui aura pour conséquence de diminuer le processus inflammatoire associé au vieillissement du système immunitaire. Ainsi, l’entraînement à l’exercice pourrait aider à normaliser un rétablissement plus lent de réaction inflammatoire à l’exercice et faciliter la régénération musculaire chez les personnes âgées, notamment par l’intermédiaire d’exercices à dominante aérobie, des exercices de résistance, de flexibilité, de neuromotricité (équilibre, agilité et coordination), esprit-corps (tai chi, qi gong, yoga…) voire mixtes ;
  • une activité phagocytique accrue des neutrophiles, donc une meilleure élimination des éléments pathogènes.

Conclusion provisoire

Ces données indiquent que l’exercice régulier est en mesure de réguler le système immunitaire et de retarder l’apparition de l’immunosénescence.

Concernant la réponse vaccinale, l’activité physique régulière est bénéfique sur la vaccination par son aspect adjuvant.

L’efficacité du système immunitaire à un âge avancé est donc corrélée à une pratique physique régulière et équilibrée tout au long d’une vie et au maintien d’activité physique adaptée pour les seniors

L’étude des interactions entre l’activité physique et l’immunosénescence, bien qu’extrêmement complexe, apparait comme une des voies de recherches majeures dans le contexte d’une prolongation de la durée de vie en bonne santé.

L’avancée des recherches en immunologie de l’exercice, pourrait à ce titre, amener dans les années à venir, une amélioration du contrôle immunologique de la latence virale plutôt que de modifier directement l’immunité et permettre ainsi de vivre plus longtemps en bonne santé.

Thierry PINJON

(1) Les lymphocytes T (LT) ou cellule T, dont la lettre « T » provient du « Thymus » (organe humain dans lequel les LT arrivent à maturité) sont responsables de la réponse immunitaire cellulaire spécifique, qui vise à détruire les cellules pathogènes, que ça soit des bactéries ou des cellules cancéreuses.

(2) Les lymphocytes T naïfs ou cellules T naïves sont des cellules qui n’ont pas encore rencontré l’antigène qui les infectera. Au contact de l’agent pathogène étranger, elles deviendront alors des cellules actives qui se multiplient rapidement, produisant une réaction immunitaire (anticorps spécifique) contre l’antigène rencontré.

Sources

  • T. Pinjon (2020). Exercice physique et système immunitaire : bénéfices et risques. Newsletter SSPP94 Janvier 2020
  • H. Bruunsgaar (2006). Aging, exercise and immunology. Science & Sports 21 214–215
  • P.O. Lang, S. Govinda, R. Aspinall (2012). L’immunosénescence. NPG Neurologie – Psychiatrie – Gériatrie 12, 171—181
  • Richard J. Simpson, Jos A. Bosch (2014). Special issue on exercise immunology: Current perspectives on aging, health and extreme performance, Brain, Behavior, and Immunity 39 (2014) 1–7
  • C. Malm (2004). Exercise Immunology: The Current State of Man and Mouse. Sports Medicine Vol. 34 Issue 9, p555 12p.
  • M. Veron (2016). L’impact du sport sur le système immunitaire (thèse pour le diplôme de docteur en pharmacie). Faculté des Sciences Pharmaceutiques. Université de Lille 2