mardi 18 juin 2019
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Actualités & Opinions > Actualités Medscape > Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie (JESFC) 2018
Aude Lecrubier AUTEURS ET DÉCLARATIONS
Dr Gilles Bosser – 22 janvier 2018
Paris, France – De plus en plus de seniors pratiquent une activité physique et les questions de la surveillance cardiovasculaire et des éventuelles limites à poser au patient sont plus que jamais d’actualité. Or, « il existe peu de données dans la littérature et aucune recommandation sur la surveillance cardiovasculaire des plus de 65 ans qui pratiquent une activité physique », a commenté le Dr Gilles Bosser (CHRU de Nancy) lors d’une présentation consacrée au sujet aux Journées Européennes de la Société Française de Cardiologie[1].
Le cardiologue a donc axé son intervention sur son expérience de praticien. Selon lui, la surveillance doit être adaptée à l’âge, au sexe, aux facteurs de risque, au type et à l’intensité de l’activité physique, au niveau d’entrainement.
« Il faut proposer quelque chose de très individualisé […] et donner des clés aux patients pour qu’ils s’autosurveillent, c’est très important », a-t-il expliqué.
Il faut proposer quelque chose de très individualisé […] et donner des clés aux patients pour qu’ils s’autosurveillent- Dr Gilles Bosser
Activité physique et risque CV chez les seniors
Pour le Dr Bosser, « les plus de 65 ans ont d’emblée un risque cardiovasculaire modéré, voire élevé, voire très élevé […] mais, il faut toujours encourager l’activité physique. Il faut juste qu’elle soit adaptée ».
Il a rappelé qu’au niveau cardiovasculaire, le vieillissement augmentait les risques de troubles du rythme et notamment de fibrillation atriale et de dysfonction diastolique. « Il faut en tenir compte en raison des problèmes éventuels d’hypotension dans les suites de la pratique de l’activité physique », explique-t-il.
Concernant le type d’exercices à conseiller, l’orateur s’est référé aux recommandations de l’ European Association for Cardiovascular Prevention and Rehabilitation (EACPR) de 2012, qui préconisent de travailler en endurance aérobie (capacité de maintenir une certaine intensité d’exercice sur une période de temps prolongée) au seuil d’adaptation ventilatoire (seuil à partir duquel on commence à travailler en endurance).
Les seules recommandations spécifiques pour les seniors sont d’ajouter des exercices de contrôle proprioceptifs, de souplesse et d’adopter un niveau d’exercice plus faible en termes de résistance : 40 % de 1RM (niveau de force maximal généré lors d’une contraction maximale).
En parallèle, pour permettre aux patients de faire de l’activité physique, le Dr Bosser a insisté sur la nécessité d’adapter certains traitements.
Adapter certains traitements
-chez les patients diabétiques, pour éviter les hypoglycémies pendant l’exercice, il est important d’adapter les doses ;
-tous les médicaments qui peuvent interférer et induire une hypotension orthostatique sont à prendre en compte (antidépresseurs, antihypertenseurs, hypnotiques, anxiolytiques, diurétiques) ;
-attention aux statines en raison de la moins bonne tolérance avec l’âge alors qu’elles sont souvent moins nécessaires ;
-le traitement antihypertenseur peut être adapté pour permettre au patient d’avoir suffisamment d’énergie pendant l’effort.
Les plus de 65 ans ont d’emblée un risque cardiovasculaire modéré, voire élevé, voire très élevé […] mais, il faut toujours encourager l’activité physique -Dr Bosser
Comment surveiller ?
Pour le cardiologue, la surveillance et la fréquence de surveillance doivent être individualisées en fonction du niveau de risque.
« Il peut s’agir d’une surveillance tous les ans chez les sportifs à risque qui ont une activité physique intense ou tous les 3 ans pour une activité modeste ou même plus espacée », a-t-il précisé.
En termes d’outils de surveillance, le Dr Bosser a cité le classique test d’effort et a souligné l’intérêt particulier du test d’effort cardiopulmonaire qui permet de mesurer la capacité cardiopulmonaire au seuil et d’aller au-delà de la mesure de la fréquence cardiaque maximale théorique (220 – âge du patient) qui ne serait pas toujours pertinente pour surveiller l’intensité des efforts au quotidien.
« Nous avons du mal à évaluer la fréquence cardiaque de travail en endurance pour de nombreuses de raisons :
-il n’existe pas de formule unique ;
– la méthode de Karvonen qui est utilisée pour planifier des plans d’entraînement de sportif sur la base de la fréquence cardiaque n’est pas forcément fiable ;
-les bêtabloquants peuvent biaiser les résultats ;
-il existe une dérive de la fréquence cardiaque.
Au final, la fréquence maximale donnée lors du test d’effort est souvent en dessous de ce que les sportifs peuvent faire, ce qui est sécurisant mais pas forcément satisfaisant. « Les cyclistes, par exemple, travaillent avec des fréquences cardiaques d’entrainement beaucoup plus élevées parfois que leurs fréquences maximales théoriques. La fréquence qu’on leur donne les limite trop », précise-t-il.
Apprendre à jauger son effort
Au final, pour le Dr Bosser, l’essentiel est d’apprendre aux patients à s’autoévaluer. « Il faut leur apprendre à reconnaitre leurs symptômes et à voir à quel niveau ils sont en train de travailler », explique-t-il.
Pour cela, il existe des autoquestionnaires de type « talk test » (voir encadré) ou « l’échelle de Borg 6-20 » qui donne le niveau de perception de l’intensité de l’effort (6 : pas d’effort-20 : effort maximal).
Le score de Borg x 10 donne la fréquence cardiaque mais, « au final, le chiffre n’a pas beaucoup d’importance. L’idée, avant tout, est d’être attentif à sa propre perception pour connaitre son seuil », conclut l’orateur.
Talk test:
Intensité modérée : possibilité de parler mais pas de chanter pendant l’activité.
Forte intensité : impossibilité de dire plus de quelques mots sans faire une pause pour reprendre sa respiration.
Gilles Bosser n’a pas de liens d’intérêt en rapport avec le sujet. |
Liens
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Citer cet article: Activité physique chez les seniors : quelle surveillance cardiovasculaire ? – Medscape – 22 janv 2018.