Publié le 03/01/2019
A l’échelon mondial, les accidents vasculaires cérébraux (AVC) sont à l’origine de près de 10 % de la mortalité totale et de 5 % du handicap en termes de DALYS (disability-adjusted life-years). C’est dans les pays à revenu faible ou moyen que le poids est le plus lourd (> 75 % des décès imputables aux AVC et > 80 % des DALYS également en rapport avec ces derniers). Plusieurs enquêtes suggèrent que ce fardeau n’a fait qu’augmenter au fil du temps. La confirmation de cette tendance incite à mieux cerner les facteurs de risque associés aux AVC chez les patients les plus jeunes et à esquisser des stratégies préventives capables de prendre en compte les disparités socio-économiques et géographiques évoquées. Ces dernières résultent de plusieurs facteurs combinés, notamment de l’accès aux soins et aux techniques les plus sophistiquées.
Le risque d’AVC à l’échelon de la vie entière ou résiduelle -le risque à vie- est en fait la probabilité cumulée que survienne l’évènement en question en fonction de l’âge et du sexe chez un sujet donné dans le temps qui lui reste à vivre, en prenant en compte les risques compétitifs de décès en analyse de survie. Il s’agit là d’un paramètre épidémiologique précieux pour mesurer ce risque au sein d’effectifs conséquents, par exemple la population d’un pays, ce qui peut s’avérer utile dans l’élaboration de stratégies anti-AVC à long terme et la surveillance de leur efficacité par tranches d’âge. A l’heure actuelle, les estimations du risque à vie d’AVC n’ont porté que sur un petit nombre de populations sélectionnées et les résultats obtenus ont une nette tendance à diverger entre les pays développés et émergents, que l’on se penche sur l’incidence des AVC ou leur mortalité. Les pays les plus favorisés sont à l’évidence ceux qui ont les statistiques les plus satisfaisantes, alors que l’espérance de vie tend à augmenter dans la plupart des pays du globe.
L’étude GBD
L’étude dite GBD (Global Burden of Disease) Study 2016 fournit l’occasion d’actualiser les données, les résultats et les tendances entre 1990 et 2016 en évaluant le risque d’AVC à plusieurs niveaux : global et régional, mais aussi pays par pays. Ces estimations ont été stratifiées en fonction de divers facteurs : sous-type d’AVC inaugural (hémorragique ou ischémique), âge, sexe et index sociodémographique (ISD) réparti en quintiles et positivement corrélé à la richesse du pays. Les risques compétitifs de décès liés à d’autres causes que les AVC ont été systématiquement pris en compte. L’étude GBD qui se poursuit actuellement porte sur une liste de 328 maladies étudiées de manière comparative dans 195 pays ou territoires et les AVC représentent un bon exemple de sa contribution épidémiologique. Les estimations ponctuelles ont été faites avec des intervalles d’incertitudes (IIC) définis par le 2,5ème et le 97,5ème percentile autour de chaque valeur obtenue.
A partir de l’âge de 25 ans, le risque à vie d’AVC a été estimé globalement à 24,9 % (IIC 23,5 à 26,2) et est apparu très peu tributaire du sexe, puisque chez l’homme, la valeur correspondante est de 24,7 % (IIC, 23,3 à 26,0), versus 25,1 % (23,7 à 26,5 %) chez la femme. Le risque d’AVC ischémique a été globalement estimé à 18,3 % et celui d’AVC hémorragique à 8,2 %.
Des disparités géographiques et sociodémographiques
Le risque s’est avéré variable en fonction de l’ISD, de fait inversement corrélé à celui-ci : (1) ISD élevé: risque = 23,5 % ; (2) élevé ou moyen : 31,1 % (valeur maximale) ; (3) faible : 13,2 % (valeur minimale). Les intervalles d’incertitude propres à chacune de ces catégories sont restés éloignés les uns des autres. Les valeurs les plus élevées du risque à vie d’AVC ont été atteintes dans certaines régions définies par l’étude GBD : Asie de l’Est (38,8 %), Europe centrale (31,7 %) et Europe de l’Est (31,6 %). La valeur la plus basse a été atteinte, pour sa part, en Afrique sub-saharienne orientale, soit 11,8 %. Entre 1990 et 2016, la tendance mondiale est à l’augmentation avec un risque moyen qui est passé de facto de 22,8 % à 24,9 %, soit une variation relative de 8,9 % (IIC 6,2 à 11,5). Les risques compétitifs de décès liés à une autre cause que les AVC ont été pris en compte dans ce calcul.
En 2016, l’année qui est celle des estimations précédentes, le risque à vie d’AVC chez un sujet de 25 ans est de l’ordre de 25 % quel que soit le sexe. Des disparités géographiques importantes doivent être soulignées, le risque maximal étant enregistré en Asie de l’Est, en Europe centrale et en Europe de l’Est : dans ces régions, des mesures de prévention spécifiques méritent d’être envisagées pour réduire le fardeau individuel et collectif des AVC.
Dr Peter Stratford
RÉFÉRENCE : GBD 2016 Lifetime Risk of Stroke Collaborators : Global, Regional, and Country-Specific Lifetime Risks of Stroke, 1990 and 2016. N Engl J Med., 2018 ; 379: 2429-2437.
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