Damien Coulomb | 21.03.2018

lombalgiesLe Quotidien du Médecin Crédit Photo : PHANIEZoom

Les chiffres de mortalité de l’OMS   Les maladies non transmissibles responsables de 70% des décès dans le monde

L’assurance maladie et les sociétés savantes s’attaquent aux idées reçues    Conserver l’activité physique pour soulager la lombalgie commune

Algologie

Les patients atteints de lombalgies, une pathologie très commune, se voient trop souvent prescrire des actes médicaux inutiles, principalement des antalgiques, quand la pratique de l’activité physique et un aménagement du mode de vie seraient suffisants. C’est le constat dressé par les auteurs d’une série de deux articles publiée dans « The Lancet ».

Dans un premier article, le Pr Jan Hartvigsen, le Dr Mark Hancock, du département des sciences du sport et de biomécanique clinique de l’université du Sud Danemark, et leurs collègues attirent l’attention sur la complexité des causes d’une lombalgie et l’implication des facteurs sociaux, psychologiques, et biophysiques. « Dans la grande majorité des cas, la douleur n’est pas spécifique et il n’est pas possible d’en déterminer l’origine », affirment les auteurs. Ils fournissent également quelques données épidémiologiques comme le fait que les classes sociales les plus touchées se trouvent être celles dont les possibilités d’aménagement de l’emploi sont les plus faibles.

Dans le second article, le Pr Nadine Foster, de l’université britannique de Keele, et ses collègues rappellent les recommandations en termes de prise en charge, et soulignent la rareté des travaux de recherche menés dans ce domaine. « Nos recommandations ont été émises dans des pays à haut revenus, et nous ne savons pas si elles sont adaptées et applicables dans les pays à revenus faibles et intermédiaires », précisent-ils.

60 millions d’années de vie en bonne santé perdues

On estime que 540 millions de personnes sont touchées par les lombalgies. Selon les données de 2017 du « Fardeau mondial des maladies » établi par l’OMS, les lombalgies sont la première cause de handicap dans la quasi-totalité des pays d’Europe centrale, d’Europe de l’Est, d’Afrique du Nord, du Moyen Orient et d’une partie de l’Amérique latine. Chaque année, plus de 60 millions d’années de vie en bonne santé sont perdues dans le monde à cause des lombalgies, dont 1 million au Royaume-Uni, 3 millions aux États-Unis et 300 000 en Australie. L’impact économique de cette pathologie a augmenté de 54 % depuis 1990.

« Une grande part des patients sont traités dans les services d’urgence, encouragés à arrêter de travailler et à prendre du repos, et se voient prescrire des examens d’imagerie, un traitement chirurgical ou des opiacés », expliquent les auteurs du second article. Or, ces traitements sont « contre-indiqués dans le traitement des lombalgies », insistent-ils.

Aux États-Unis, 2,6 millions de visites aux services d’urgence ont, chaque année, pour motif une lombalgie. Dans 60 % des cas, ces visites débouchent sur une prescription d’antalgiques opioïdes, alors que la moitié des patients américains seulement se voient prescrire des exercices physiques. En Afrique du Sud, une étude a montré que 90 % des patients ne reçoivent pour seule réponse à leurs douleurs qu’une prescription d’antalgiques. Ces traitements antalgiques ont « un effet positif limité, et sont pourtant prescrits en routine […] alors que les pays à faible revenu doivent répondre à ce problème croissant de santé publique, il est important qu’ils évitent le gâchis que représentent ces mauvaises pratiques », met en garde le Pr Nadine Foster.

Agir sur le remboursement des antalgiques

Ces traitements « aux bénéfices douteux », sont « privilégiés et remboursés », rappelle le Pr Rachelle Buchbinder, de l’université Monash, en Australie. Ces mauvaises habitudes, nées dans les pays développés sont déjà bien implantées dans les pays en voie de développement. Dans un article de commentaire, également publié dans le « Lancet », les membres du groupe de travail sur les lombalgies rassemblées par le journal, et dirigés par le Pr Buchbinder, promeuvent l’idée d’une régulation de la prise en charge des antalgiques dans cette indication permettrait de corriger les pratiques, couplée à une information du grand public et des médecins.

En France, la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a tenté de lutter contre les idées reçues sur la lombalgie avec une campagne de communication lancée en novembre 2017. L’un des messages clés était d’éviter les prescriptions inutiles comme les examens radiologiques ou les séances de kinésithérapie en phase aiguë, et maintenir l’activité physique.

Source : Lequotidiendumedecin.fr