valdemarnehttp://newsmailer.fr/templates/132/images/sspp2.gifhttp://newsmailer.fr/templates/132/images/sspp-vdm-utile.gif OCTOBRE 2018

Lors des formations aux métiers du sport, on interpelle souvent les étudiants sur le fait que « L’enfant n’est pas un petit homme mais le petit de l’homme ». Mais que recouvre précisément cette citation ? C’est surtout depuis le milieu du 20ème siècle que scientifiques et pédagogues ont mis à jour les spécificités des enfants et des adolescents, suggérant ainsi une approche différente quant à l’entrainement de ceux-ci.
Sport : pourquoi l’enfant n’est pas un petit homme ?
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Pour les spécialistes de neurosciences et les psychopédagogues, l’enfance est le théâtre d’une construction cérébrale remarquable propice à de multiples apprentissages, dont les apprentissages moteurs. Les sciences du vivant nous éclairent de leur côté sur les spécificités tissulaires et biologiques des enfants permettant ainsi de relativiser leur prétendue fragilité face à l’exercice intense. Si l’on s’accorde sur les différentes qualités physiques que sont l’endurance, la vitesse, la force, l’adresse, l’équilibre et la souplesse, il nous semble que les spécificités des enfants doivent nous conduire à faire des choix, en connaissance de cause.

Comportements face à l’endurance

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L’endurance est littéralement définie comme la capacité à résister à la fatigue. Plus traditionnellement on s’entend sur le fait qu’elle renvoie à la capacité à soutenir un effort intense pendant une période plus ou moins longue. Le facteur le plus limitant de cette qualité est la capacité des individus à consommer une quantité plus ou moins importante d’oxygène (VO2max).

Qu’en est-il des capacités d’endurance des jeunes enfants ?
Ceux-ci, on le sait, peuvent avoir une activité explosive, répétée de très nombreuses fois.  On observe qu’ils peuvent, dès que la cloche retentit, partir tambour battant jouer au foot, à chat, sans échauffement et directement à fond. En réalité, s’ils le font c’est que tout simplement ils le peuvent ! En effet, ils ont une adaptation cardio-respiratoire très rapide, bien au-delà des facultés de l’adulte.  De plus, leur chaleur corporelle monte très vite, ce qui permet un meilleur fonctionnement des enzymes énergétiques et du système nerveux. Cette rapide montée en chaleur aura, en revanche, des effets négatifs que nous verrons tout à l’heure. De plus, les enfants ont un seuil anaérobie supérieur à celui de l’adulte. Quoi qu’il en soit, ils utilisent principalement le métabolisme aérobie qui donne certes, beaucoup d’énergie, mais moins d’explosivité. Alors, on pourrait s’attendre à ce que les enfants soient naturellement doués pour l’endurance. Après tout ce que l’on vient de dire, on pourrait penser qu’ils sont presque programmés pour tenir un effort de longue durée à une grande intensité.

Chacun aura pu constater que c’est loin d’être le cas. Au bout d’un moment, ils doivent s’arrêter, pour mieux repartir.  Pour comprendre cela, il faut se souvenir que lorsqu’un muscle travaille, son énergie est convertie à 20% en énergie mécanique et 80% en énergie thermique. Les muscles sont donc de vraies centrales à chaleur. Seulement l’enfant n’a pas les capacités à évacuer correctement cette chaleur. Ses glandes sudoripares, responsables de la production de sueur, ne sont pas mûres, ce qui fait qu’il transpire moins. De plus, il a du mal à évacuer la chaleur car il a une surface corporelle réduite, ce qui limite les échanges par convection. Ajoutons à cela que l’enfant a une mauvaise coordination agoniste-antagoniste, ce qui augmente le coût énergétique de ses mouvements et qui amplifie la production de chaleur. L’enfant entre alors en surchauffe et doit s’arrêter.

Comportement face à la force 

A contre-courant de la traditionnelle culture du terrain, de récentes études scientifiques apportent des arguments plaidant en faveur d’une mobilisation précoce de cette qualité physique chez les enfants. ( Voir article : améliorer la force chez les enfants). Mais dire que c’est possible nécessite aussi de dire ce qu’il est possible et pertinent à mettre en place. Si l’amélioration de la force renvoie dans notre imaginaire au renforcement musculaire et à la musculation avec charges, il convient de préciser ce que cela recouvre réellement. En réalité il faut admettre que toute répétition d’exercices conduit de fait, à une amélioration de la force. Cette amélioration est due à une meilleure coordination motrice et à la mise en synergie des différents groupes musculaires impliqués dans le mouvement. On ajoutera également une plus grande stabilité articulaire donnant tout son sens à l’expression de la force.

Ce dernier point est particulièrement important car il permet de comprendre en quoi le développement de la force chez l’enfant constitue un élément de prophylaxie au regard de l’amélioration de la contention des articulations. La sollicitation des différentes composantes du complexe musculo-tendineux conduira aussi petit à petit à un renforcement de ces structures : points d’insertion plus résistants, tendons plus solides. Enfin, puisque la période 10-12 ans constitue l’âge d’or des apprentissages moteurs, cela justifie également un travail sur l’apprentissage des gestes justes. Il serait sans doute moins provocateur de qualifier tout cela de préparation au travail de musculation avec charges additionnelles. Mais pour le moment les exercices et jeux de gainages, de courses, de sauts, de lancers, de grimpers, de porters, d’équilibre sont bien les premiers supports de l’amélioration de la force chez l’enfant.

Comportement face à la vitesse 

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Les spécialistes de la question s’entendent sur le fait qu’il y a plusieurs expressions de la vitesse. Pour produire de la vitesse il faut accepter des déséquilibres, il faut de l’attention et de la vivacité, il faut enfin une certaine forme de force. Alors certes, les enfants seront limités sur ce dernier registre. Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas les solliciter sur les autres composantes de la vitesse, bien au contraire.  Cela les placera dans les meilleures conditions de progrès lorsqu’à l’adolescence, leur statut hormonal les installera dans des conditions particulièrement favorables au développement de la force et de la vitesse. Ainsi, chez les enfants, le travail de la vitesse sera orienté par des jeux d’attention, de réaction, de vitesse gestuelle, d’apprentissages moteurs réalisés à la plus haute intensité possible du moment. Là encore, il s’agit de préparer le jeune dans une logique de vision à long terme en élargissant notre regard sur cette qualité physique qui va bien au-delà du fonctionnement d’une filière énergétique.

Comportements face à la souplesse

Chez l’enfant, la souplesse n’est pas un problème, véritable bout de caoutchouc, il peut facilement se contorsionner et arriver facilement à des amplitudes qui ne finissent pas de surprendre les adultes. Pourquoi sont-ils si souples ?  Pour comprendre cela, il faut rappeler que la souplesse est dépendante des éléments de contention des articulations à savoir : muscle, tendon, ligament et capsule articulaire. Dans le muscle, les structures passives de maintien qui permettent de structurer le muscle en plusieurs compartiments sont normalement constituées d’un maillage d’une protéine que l’on appelle collagène. Chez les enfants le maillage n’est pas mature. Cela se traduit par une grande capacité de déformation, d’allongement et donc une souplesse très importante. Par ailleurs, le collagène contenu dans les tendons et les ligaments n’est pas mature non plus, ce qui amplifie le phénomène.

Cette réserve de souplesse, qui est disponible instantanément, n’est pas quelque chose de forcément bénéfique car cela amoindri les capacités de contention des structures ligamenteuses et tendineuses. Sachant que le cartilage épiphysaire n’est pas mature non plus, il sera plus sensible à tous les petits frottements et mouvements pour lequel il n’est pas prévu. D’ailleurs, étant donné que l’enfant a un seuil de perception de la fatigue et de la douleur très bas, l’éducateur devra être particulièrement attentif à toutes douleurs articulaires exprimées. Cette souplesse n’est pas non plus bénéfique dans le sens où être trop laxe, c’est perdre les facultés d’élasticité et donc d’absorption et de restitution d’énergie par ce phénomène. A l’opposé, être trop raide, n’est pas bon non plus. En revanche, cette souplesse les protège contre les traditionnelles pathologies tendineuses et musculaires. Nous avons sans doute là une des explications au fait qu’ils n’ont quasiment jamais de courbatures ou élongations même si des études doivent venir éclairer ce phénomène complexe.

Implications pratiques pour les entraîneurs de jeunes

En ce qui concerne la souplesse, il n’y a pas besoin de l’entretenir ni de la développer, car la souplesse de l’enfant le protège déjà contre les courbatures, tendinites et autres pathologies. Cela signifie-t-il qu’il est inutile de pratiquer l’étirement ? Il n’y a pas de raisons biologiques certes, mais pédagogiques, étant donné qu’ils seront d’une grande importance à l’adolescence. Donc faire des étirements oui, mais en s’amusant à s’étirer, le jeu devant toujours être présent chez l’enfant. Cela lui permettra en plus de découvrir son corps. Ce travail sera une sorte de rituel méthodologique utile à plus long terme.

Concernant l’endurance, nous l’avons vu, il est très difficile de faire faire de l’endurance traditionnelle aux enfants en raison de leurs spécificités physiologiques. Cependant, c’est une capacité qui doit être entraînée car elle est une composante de la performance sportive. Mais comment l’entraîner ?  Tout simplement en respectant leur mode de fonctionnement en ayant recours à des exercices plutôt intenses et intermittents. En parallèle il est judicieux de travailler la motricité et une certaine forme de force et de vitesse chez l’enfant car cela permet d’améliorer chez lui sa qualité de recrutement musculaire. Ainsi les unités motrices qui contrôlent la contraction seront mieux synchronisées, pourront être recrutées en plus grand nombre, augmentant de fait la précision et l’efficacité gestuelle. Il s’avère en plus que cela servira à terme la qualité d’endurance impactant plus ou moins directement le coût énergétique, la qualité des appuis et même le fonctionnement des filières énergétiques.

On retiendra aussi que l’entraînement est un jeu collectif de patience. Un jeu pour pérenniser l’implication des jeunes dans la pratique. Collectif dans le sens où l’on ne travaille pas pour soi mais pour les entraîneurs qui nous succèderont. Patience car l’expérience montre que les progrès trop rapides se retournent souvent contre les sportifs. L’apprentissage de la patience et du goût pour la pratique sont donc des missions essentielles pour l’entraîneur.

Thierry MAQUET UPEC

Références

  • Les effets physiologiques de l’activité physique. Th PAILLARD Ed Revue EPS 2018
  • L’enfant et l’activité physique. S RATEL et V MARTIN  Ed Désiris  2014
  • Musculation pour l’enfant et l’adolescent. O PAULY Ed Amphora 2007
  • Gainage. O PAULY Ed Amphora 2005