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TROPHÉE JULES-VERNE ULTIME Francis Joyon Thomas Coville Yann Guichard

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En 1993, Bruno Peyron et un équipage de 4 équipiers réalisent une première, en faisant le tour du monde à la voile en moins de 80 jours. C’est le premier vainqueur du Trophée Jules Verne. Récit d’une navigation d’anthologie qui sera source d’inspiration pour des dizaines d’équipages.

Maxime LericheMaxime Leriche Publié le 13-02-2024

1993 : Bruno Peyron et son équipage, les premiers hommes autour du monde en moins de 80 jours (bateaux.com)

Un défi initié par Jules Verne

En 1873, Jules Verne publie l’un de ses plus célèbres romans, Le Tour du monde en quatre-vingt jours.

Ce classique met en scène Philéas Fogg, un excentrique britannique, qui parie avec les membres de son club de réussir à tourner autour du monde en moins de 80 jours, peu importe le moyen de locomotion.

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Plus d’un siècle plus tard, une bande de marins copains organisent et mettent un cadre sur les tentatives de record autour du monde.

Initié par Yves le Cornec, on y retrouve le gratin de l’époque : Titouan Lamazou, Jean-Yves Terlain, Florence Artaud, Peter Blake, Robien Knox-Johnson, Yvon Fauconnier et les frères Peyron.

Ces réunions, parfois animées, sont surnommées les accords de la Jatte, en référence à l’île où se déroule ces rassemblements.

Ainsi est né le Trophée Jules Verne, qui n’a cessé d’être disputé par les meilleurs marins des deux hémisphères, des années 90 à nos jours.

Le catamaran le plus rapide de sa génération

Commodore Explorer est un catamaran dessiné par Gilles Ollier et fabriqué entièrement en carbone, une prouesse pour l’époque.

Sous les couleurs de Jet Services, il est le détenteur du record de l’Atlantique Nord, avalé à une moyenne de 19,7 nœuds. Mais il n’est pas adapté à un tour du monde par les 40e.

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Bruno greffe de nouvelles étraves et des jupes sur le catamaran, dont la longueur est portée à 25,90 m.

La poutre avant est avancé de 2m afin d’installer un étai de trinquette, des pavois de 60 cm sont ajoutés au niveau du cockpit pour protéger l’équipage des paquets de mer.

Et enfin, les bras du catamaran, qui étaient démontables pour le transport, sont définitivement stratés aux coques.

Sur ce trajet théorique de 25 000 miles, Bruno et son équipage doivent tenir une moyenne de 14 nœuds pour passer sous la barre des 80 jours.

Mais les questions et craintes sont nombreuses.

Aucun grand multicoque en composites n’a navigué aussi longtemps dans les mers de l’hémisphère Sud.

Un équipage réduit mais complémentaire

Bruno Peyron, Olivier Despaigne, Marc Vallin, Cameron Lewis et Jacques Vincent forment un équipage réduit par rapport aux autres projets.

Car c’est l’effervescence à Brest en janvier 93.

Pas moins de 3 teams sont dans les starting blocks pour cette première tentative de record autour du monde : Olivier de Kersauson sur le trimaran Charal, Peter Blake sur le catamaran Enza et Bruno Peyron sur Commodore Explorer.

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Commodore large les amarres le 31 janvier 1993 à midi. Charal les a précédés d’une semaine, et Enza d’une dizaine d’heures.

L’équipage est fatigué par une préparation intense dans un délai très court, mais heureux de prendre la mer.

Le 6 février, Commodore Explorer dépasse l’équipage Néo-Zélandais au large du Cap Vert.

Les conditions sont propices à la vitesse, mais les nombreuses manœuvres (les voiles d’avant ne sont pas montées sur enrouleur) sont fatigantes.

L’équipage bricole beaucoup. Le rail de chariot de GV est arraché.

Le point d’écoute de GV, pourtant en titane, explose.

Et le hale bas de tangon a également cassé, ainsi que le récepteur de cartes météo qui fonctionne mal.

Une entrée en matière tonique

A peine arrivé dans les 40e, Commodore fait face à une profonde dépression.

Le catamaran va très vite, et manque de sancir dans une houle estimée à 10 m.

L’équipage affale tout et va se réfugier dans les coques.

Les cellules de vie font 7 m de long, pour 1,40 m de large et la hauteur sous-barrot ne dépasse pas 1,50 m, mais sont équipées d’un petit chauffage qui limite la condensation

Dans le même temps, Charal abandonne, victime d’une collision avec un growler qui a arraché plusieurs mètres de flotteur.

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Le match ne se joue plus qu’à deux. Commodore Explorer maintient 200 miles d’avance sur Enza.

L’équipage se porte bien, hormis Jacques Vincent, pourtant pas un novice du grand sud, mais qui souffre de l’humidité du bord et doit être mis sous antibiotiques.

Paternité et stratification 

Fin février, le tiers du parcours est bouclé. Deux des équipiers, Olivier et Cam, apprennent le même jour qu’ils vont devenir papa.

Les conditions de navigation sont rudes. Le point d’écoute de GV casse de nouveau.

Une nuit, une vague bien s’écraser le bordé et provoque une brèche de 40 cm au niveau de la dérive.

L’équipage au complet passe la nuit à strater la muraille.

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La même nuit, Enza percute un OFNI qui arrache une dérive et provoque une voie d’eau.

L’équipage Kiwi fait demi-tour et se dirige vers Le Cap à petite vitesse.

Commodore Explorer taille sa route et aligne des journées à 500 milles.

Les températures chutent. La rencontre avec les glaces est un scénario envisageable.

Un homme de quart est de veille vers l’avant pour éviter un éventuel iceberg, que le radar ne peut détecter.

L’équipage souffre du froid, d’autant que le chauffage est tombé en panne.

Le plus grand catamaran du monde réduit à l’état de jouet

Fin mars, à 250 miles du Cap Horn, une dépression très creuse bloque la progression de l’équipage.

Impossible d’y échapper. La houle monte. Les arrêts buffets deviennent très violents, et les vols planés de l’équipage dans les coques sont fréquents.

La tempête redouble d’intensité. Le vent s’établie à 60 nœuds, avec rafales à 80.

A sec de toile, dérives relevées, le catamaran n’a plus rien de géant.

Par peur de chavirer et de perdre les hommes de quart, Bruno Peyron décide de se mettre à la cape et d’abriter l’équipage dans les coques.

Les marins communiquent d’une coque à l’autre par VHF, et se préparent à un chavirage inéluctable.

Les sacs de survie se préparent dans le calme.

Cette furie va durer 48h, avant que le vent redescende à 45 nœuds, et permettre à l’équipage de refaire route et de passer le Cap Horn le 25 mars.

Une remontée de l’Atlantique contrariée par des collisions

Après le Horn, l’équipage de Commodore panse les plaies du catamaran.

La tempête a laissé quelques séquelles, mais rien de dramatique.

Le multicoque remonte le long des côtes brésiliennes au près serré, allure particulièrement inconfortable sur ce type de navire.

Mais le 10 avril, l’aventure a failli s’arrêter. Lancé à 17 nœuds, Commodore Explorer est entré en collision avec deux cachalots.

Une fissure de 2,50 m est repérée au niveau de la flottaison, et la dérive babord est brisée.

Mais le catamaran parvient à maintenir sa route.

A l’approche des Açores, une énorme dorsale prolonge l’anticyclone et fait chuter la vitesse.

La moyenne journalière s’établit à 4,5 nœuds pendant deux jours.

Le vent revient, et permet au catamaran géant d’aligner plusieurs journées à 500 milles.

Une collision avec une bille de bois endommage une des étraves.

Enfin, le 20 avril, c’est Le dernier sprint. Commodore Explorer franchit la ligne d’arrivée en fin d’après-midi.

Bruno Peyron et son équipage entrent dans l’histoire, en devenant l’équipage le plus rapide autour du monde, avec un temps de 79 jours, 6 heures et 15 minutes.

La carte du tour du monde, issu de l'ouvrage "Tour du Monde en 80 jours"

La carte du tour du monde, issu de l’ouvrage « Tour du Monde en 80 jours »

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